Archives mensuelles : Mai 2020

D’autres « Amours »

Si vous me parlez du recueil des Amours, je comprendrais que vous évoquiez le célèbre recueil de Ronsard paru en 1552. Le grand poète de la Pléiade y célébrait son amour pour Cassandre Salviati, une jeune fille que le poète, clerc tonsuré, ne pouvait que rêver. Dans la logique de la rubrique « Le poème d’à côté », je vous invite aujourd’hui à découvrir d’autres recueils du même titre.

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La « recette » de Guillevic

Internet offre aujourd’hui la chance de pouvoir feuilleter des extraits d’ouvrages. C’est ainsi que je viens de jeter un œil à un essai de Jean Pierrot intitulé Guillevic ou la sérénité gagnée, paru en 1984 aux éditions Champ Vallon. Un poème cité à la page 98 a retenu mon attention : il s’intitule « Recette » et se trouve dans le recueil Avec de Guillevic.

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Un film sur l’éloquence

Elle vit dans de grands ensembles grisâtres de banlieue. Lui enseigne dans une prestigieuse faculté de droit parisienne. Elle est issue d’une famille modeste. Lui a l’habitude de dîner au restaurant. Elle est d’origine maghrébine. Lui ne cache pas une certaine tendance au racisme. Tout les oppose, mais elle va devenir son étudiante. Elle est incarnée par Camélia Jordana, lui par Daniel Auteuil. Alors, bien sûr, Le Brio d’Yvan Attal est un film sur la tolérance qui défend un message antiraciste. Mais si j’avais envie d’en parler ici, c’est parce qu’il est aussi et surtout un film sur l’éloquence.

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Décès du poète Salah Stétié

Je viens d’apprendre via les réseaux sociaux le décès du poète Salah Stétié. Né à Beyrouth en septembre 1929, il a grandi dans une double culture arabe et française qui ne l’a jamais quitté. Son métier de diplomate comme sa pratique poétique ont fait de lui un « passeur des deux rives », pour reprendre une expression employée par Béatrice Bonhomme. Il pratique une poésie épurée, qui trouve son authenticité dans le maniement récurrent de quelques vocables élémentaires, tels « neige », « larme », « lampe », « désert », « enfant »… On peut citer, parmi ses recueils, les titres de L’autre côté brûlé du très pur, Oiseau ailé de lacs, Carnet du méditant. La revue Nu(e) a récemment fait paraître un numéro consacré à Salah Stétié.

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« Je voudrais le mot blanc d’un ciel absent qui laissât trace de demeure. Un mot qui fût le lit du jour et parvînt à la fête unanime du vent. Croisement de chances et de campagne, bourdonnement des boucles de ta tête, rosaces, rosaces en partance et applaudissement sous le pic impavide du gris de l’horizon, des mains battraient dans l’herbe parmi les arbres et la faux des grands jours, et la vertu émancipée roulerait jusques aux franges du moment. Foules prolixes et ciselées, royaume retourné, jeunesse sous l’or gris et pivot d’une aisance somptueuse, — aucun diamant n’est autre que la possession nue de l’esprit sur
le langage. »

Gabrielle Althen, Hiérarchies, Rougerie, 1988, p. 37.

Arthur Rimbaud : « Marine »

Je voudrais vous présenter aujourd’hui un poème souvent présenté comme l’acte de naissance du vers libre français. Il appartient aux Illuminations d’Arthur Rimbaud, un recueil posthume où la plupart des pièces sont en prose. Dans cet ensemble, « Marine » fait partie des textes qui se distinguent par leurs fréquents allers à la ligne, lesquels interdisent de parler de prose, sans pour autant que l’on soit fondé à parler de vers au sens traditionnel de ce terme.

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Jaccottet : « Que descende la neige »

Je voudrais commenter aujourd’hui un poème qui m’est cher. C’est l’un des plus beaux textes de À la lumière d’hiver, un recueil publié en 1994 par Philippe Jaccottet chez Gallimard, dont un extrait se retrouve d’ailleurs cité à la fin des Pas sur la neige de Jean-Michel Maulpoix.

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« Apprentissage de la lenteur » de Jean-Michel Maulpoix

Je voudrais aujourd’hui commenter un extrait de poème de Jean-Michel Maulpoix, qui ma séduit par son calme et sa sérénité. Vous le trouverez dans la dernière section du recueil Chutes de pluie fine, paru en 2002 aux éditions du Mercure de France. Il s’intitule « Apprentissage de la lenteur ».

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Un million de vues !

Un petit événement vient de se produire dans la vie de ce blog. Celui-ci vient de franchir le million de vues. Jamais je ne ne me serais imaginé atteindre une telle fréquentation. C’est le signe que ce blog trouve son public, ce qui ne saurait me faire plus plaisir, d’autant plus qu’un tel succès n’avait rien d’évident, s’agissant de sujets aussi peu populaires que la poésie, la littérature contemporaine, la linguistique et la pédagogie. Aussi voulais-je partager un peu ma joie avec vous.

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Dix livres qui m’ont marqué

On vient de me proposer, via les réseaux sociaux, de présenter dix livres qui m’ont marqué. Cela m’a semblé pouvoir faire un bon sujet d’article. Ces dix livres m’ont marqué pour des raisons si différentes que l’on voudra bien ne pas voir, dans la liste qui suit, un classement ou un quelconque palmarès, mais simplement des suggestions de lecture. À vous, ensuite, de proposer vos propres ouvrages préférés dans les commentaires en bas d’article…

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Connaissez-vous « Massimila Doni » ?

Honoré de Balzac, comme sans doute aussi Victor Hugo, quoique pour des raisons différentes, souffre quelque peu de sa réputation. Écrivain prolifique et ambitieux, Balzac aimait à comparer sa Comédie humaine à l’État civil. C’est dire la dimension totalisante d’une œuvre qui prétendait embrasser l’ensemble du réel et en rendre compte avec objectivité. Cet aspect « réaliste » ne fait pas franchement rêver : c’est pourtant souvent celui par lequel on commence à présenter Balzac. En rester là revient à dresser un portrait austère qui ne rend pas justice au génie l’un de nos plus grands romanciers. Il y a, chez Balzac, de l’humour, de la tendresse, de l’exotisme, de l’aventure, de l’espionnage, de la fantaisie, et même du fantastique. Je voudrais aujourd’hui vous présenter Massimila Doni, qui n’est pas l’un de ses romans les plus connus, et qui est pourtant digne d’intérêt.

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Village (texte personnel)

C’est une ruelle étroite, un volet peint sur fond de pierre sèche, une plante grasse qui résiste dans l’interstice. Ici, les aspérités retiennent le regard. En cet endroit, le temps trouve à se loger, sur un banc ombragé, une lucarne oubliée, dans le chant des cigales. Rien, ou presque, ne bouge, et l’on voudrait faire sienne l’immobilité des lourdes pierres, s’approprier un peu de leur sage tranquillité. On prend, dans les rues, le temps de serpenter comme en un labyrinthe secret. Chaque angle de rue découvre un recoin paisible, jardin perdu au milieu de la pierre, inattendus signes d’un passé qui n’est plus, heurtoir sculpté, porte gravée, cadran solaire, vieux lavoir, fontaine oubliée. Ici, l’on s’isole de l’agitation du monde, l’on s’extrait des rumeurs du jour, dans l’ombre propice des ruelles. Voici soudain qu’au détour de l’une d’entre elles, un large panorama s’ouvre, surplombant le vide, laissant enfin jaillir la lumière du jour. Le monde minéral retrouve ici l’air, la rivière, le chant des oiseaux et la présence sereine des arbres.

Gabriel Grossi, mars-avril 2020.