Il y a des moments où le cœur se contracte. On ne saurait sans ingratitude se dire malheureux. C’est juste que, par instants, la tristesse refait surface. Ce n’est pas quelque chose d’insurmontable. Il s’y mêle, malgré tout, de la tendresse. Cela arrive parfois par surprise. Une douleur qui, par moments, se rappelle à toi de façon plus insistante. Elle n’est jamais totalement absente, en arrière-plan, jouant discrètement quelques fausses notes dans la partition de ta vie. C’est là : quelque chose avec laquelle il faut composer. Ce n’est pas que tu sois triste en permanence. C’est comme ça : un état de fait auquel on ne peut rien changer. Cela se rappelle parfois à toi à un moment où tu ne t’y attendais pas, te laissant alors dépourvu pour y faire face. Cela ne te submerge pas longtemps : tu vis avec, faisant ton bonhomme de chemin, avançant dans la vie. Tu ne te débrouilles pas trop mal, justement parce que tu sais que, ayant vécu cela, cette perte-là, les autres problèmes de la vie sont, en comparaison, dérisoires. Alors, tu savoures la beauté de chaque instant avec plus d’intensité peut-être que tu sais combien ils sont précieux, ces instants de vie, dans la lumière et l’amour de ceux qui restent, tu sais que tu n’es pas seul et qu’il sera toujours là.
Cela s’estompe heureusement pendant les longues plages de soleil. Là, tu nages dans la lumière. Tes pas te portent auprès de l’eau : là où la mer se fait folle écume à l’assaut du ciel, là où le ruisseau se divise en fines cascades qui ruissellent sur les rochers, là où l’étang reflète l’immobilité des saules. Là, tu respires à pleins poumons, et s’estompe toute différence entre toi et le rocher, l’arbre, la flaque et même la mer. Il n’y a que la sensation du vent sur le visage, du soleil sur la peau, et le chant de l’eau, des feuilles et des oiseaux. Tu sais l’amour de ceux qui partagent cet instant avec toi, dans la transparence des coeurs si chère à Rousseau, cette simplicité chaleureuse et vraie, cette légèreté de chant d’oiseau. Il n’y a plus que le printemps. Joie.
Gabriel Grossi, mai 2021.
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