Archives mensuelles : mai 2021


« Marcher sur les trottoirs, sauter dans les flaques d’eau où la lumière du ciel se reflète, souiller le cuir de nos brodequins, comme on le faisait enfant, dans la boue, cela vaut bien le miracle de marcher sur les eaux. C’est un aussi sûr paradis. »

Yves Leclair, « Parfums et aromates »,
dans Orient intime, Paris, Gallimard, coll. « L’Arpenteur », 2010, p. 82.

École : pourquoi j’ai changé mes rituels du matin

Des rituels à l’école ? Rien de bien mystique là-dedans. Dans le jargon de l’éducation nationale, cela désigne une petite routine du matin, une sorte d’échauffement intellectuel avant le commencement des autres activités. Un travail de révision très similaire d’un jour à l’autre, d’où cette appellation. Aujourd’hui, je vous explique pourquoi j’ai tout changé à mes rituels, et pourquoi j’ai très bien fait.

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Qu’il en soit ainsi

Il y a des moments où le cœur se contracte. On ne saurait sans ingratitude se dire malheureux. C’est juste que, par instants, la tristesse refait surface. Ce n’est pas quelque chose d’insurmontable. Il s’y mêle, malgré tout, de la tendresse. Cela arrive parfois par surprise. Une douleur qui, par moments, se rappelle à toi de façon plus insistante. Elle n’est jamais totalement absente, en arrière-plan, jouant discrètement quelques fausses notes dans la partition de ta vie. C’est là : quelque chose avec laquelle il faut composer. Ce n’est pas que tu sois triste en permanence. C’est comme ça : un état de fait auquel on ne peut rien changer. Cela se rappelle parfois à toi à un moment où tu ne t’y attendais pas, te laissant alors dépourvu pour y faire face. Cela ne te submerge pas longtemps : tu vis avec, faisant ton bonhomme de chemin, avançant dans la vie. Tu ne te débrouilles pas trop mal, justement parce que tu sais que, ayant vécu cela, cette perte-là, les autres problèmes de la vie sont, en comparaison, dérisoires. Alors, tu savoures la beauté de chaque instant avec plus d’intensité peut-être que tu sais combien ils sont précieux, ces instants de vie, dans la lumière et l’amour de ceux qui restent, tu sais que tu n’es pas seul et qu’il sera toujours là.

Cela s’estompe heureusement pendant les longues plages de soleil. Là, tu nages dans la lumière. Tes pas te portent auprès de l’eau : là où la mer se fait folle écume à l’assaut du ciel, là où le ruisseau se divise en fines cascades qui ruissellent sur les rochers, là où l’étang reflète l’immobilité des saules. Là, tu respires à pleins poumons, et s’estompe toute différence entre toi et le rocher, l’arbre, la flaque et même la mer. Il n’y a que la sensation du vent sur le visage, du soleil sur la peau, et le chant de l’eau, des feuilles et des oiseaux. Tu sais l’amour de ceux qui partagent cet instant avec toi, dans la transparence des coeurs si chère à Rousseau, cette simplicité chaleureuse et vraie, cette légèreté de chant d’oiseau. Il n’y a plus que le printemps. Joie.

Gabriel Grossi, mai 2021.

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« il est assis
il a les genoux pliés
il voit le monde
il voit des fleurs de trèfle blanches
il voit un toit de tuiles rouges
il voit un carré de ciel gris
il ne voit pas le monde
il est le monde à lui tout seul
[…] »

Jacques DARRAS, « Position du poème », L’indiscipline de l’eau,
Paris, Gallimard, coll. « Poésie », 2015, p. 19.

Je viens de créer un index des poètes contemporains recensés sur ce blog. Vous le trouverez à partir de l’onglet « Poésie contemporaine », en haut du site. Vous pouvez aussi suivre ce lien. Je suis heureux de vous dire qu’à ce jour, j’ai compté 67 poètes contemporains différents recensés sur ce blog, en un peu plus de six ans. Ce n’est pas si mal !

Du nouveau sur l’apposition

En août 2017, je proposais un article qui tâchait de démêler les difficultés que pose la notion grammaticale d’apposition, difficultés qui me semblent liées au fait que la notion recouvre des réalités différentes qu’il aurait mieux valu, en réalité, nommer de façon distincte. Il y a ainsi un grand champ de l’apposition, au sein duquel on distingue plusieurs cas de figure que j’ai tenté de présenter. Si je vous reparle aujourd’hui de cette notion, c’est parce que Franck Neveu, professeur de linguistique à l’Université de la Sorbonne et spécialiste de la question, vient de publier un article de synthèse sur cette notion dans l’Encyclopédie Grammaticale du Français, un formidable outil en ligne, encore en chantier.

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Les ruines d’Aspremont

Village : espace où le temps
Cesse de courir. C'est la fontaine
D'un ancien lavoir, qui coule
Pour rien ou personne. C'est l'ocre
D'un mur enduit à la chaux, de lourdes
Pierres sèches, d'étroites ruelles qui
S'enroulent autour d'un platane ou d'un
Marronnier.

Rien ne bouge dans la tiédeur du printemps,
Sinon l'ombre parfois d'un chat paresseux.

Le regard s'accroche aux nombreux détails
Que le temps a laissés là, puis s'envole dans
L'infini paysage qui s'étend tout autour,
Savourant la possibilité d'embrasser enfin le
Monde.

Car là, tout en bas, s'écoule le grand fleuve,
Celui qui s'abreuve aux plus hautes cimes,
Et dont les eaux grises serpentent sur leur lit
De galets. On devine encore longtemps la route
De ses eaux sombres qui se poursuit dans la mer.

Au-dessus, c'est tout un dégradé de collines
Et de montagnes, de sommets abrupts perdus dans
La brume, dont le vert se teinte progressivement
D'un énigmatique violet, avant que se devinent,
Tout en haut, les dernières arêtes de neige.

Le sentier continue de grimper sous le soleil,
Étroite ligne de cailloux parmi les cystes et
Les bouquets de thym qui embaument dès qu'on les
Effleure. L'ombre des chênes verts se fait
De plus en plus rare et les derniers mètres
Tiennent presque de l'escalade.

On arrive enfin aux ruines : quelques murs épais
Dessinent ce qu'il reste d'une chapelle, tandis
Que se dresse une grande arche au-dessus du
Vide, porte ouverte sur le rien, sinon le
Temps, lointaine époque d'un village perché sur
Ces hautes cimes. Vertige du vide qui entoure
L'arche de pierres sèches, alliance du ciel et de
La terre.

Gabriel Grossi, mai 2021.

Penser l’écologie

Cela fait longtemps déjà que l’on sait que les activités humaines ont des conséquences néfastes sur notre environnement. On a d’abord remarqué que nos déchets enlaidissaient la nature. On a ensuite noté que l’air et l’eau comportaient de plus en plus de produits dangereux pour la santé humaine et animale. On a relevé une nette diminution de la biodiversité. Aujourd’hui, on insiste surtout sur un autre aspect de la pollution, à savoir le réchauffement climatique induit par le rejet de gaz à effet de serre. Malgré ces prises de conscience, nos manières d’agir, de produire, de travailler, de consommer, n’ont pas radicalement changé. Comment cela se fait-il ? Il faut se tourner vers la philosophie pour avoir une explication.

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La poésie n’est-elle qu’un jeu avec les mots ?

Je constate aujourd’hui que quelqu’un a « atterri » sur ce blog avec cette question, issue d’un sujet de dissertation : « Pensez-vous que la poésie n’est qu’un jeu avec (sur) les mots et le langage ? » J’ai pensé que cela pourrait faire l’objet de la réflexion du jour. Il me semble en effet qu’une telle question est au cœur des enjeux de ce blog, et qu’elle est susceptible d’intéresser bien au-delà d’un public étudiant. Cela permet aussi d’insérer quelques billets plus théoriques et transversaux, parmi les nombreux articles monographiques. Si cela peut, en outre, donner matière à réflexion à des élèves et des étudiants, tant mieux…

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