Appel à poèmes : Grabuge n°2

L’an dernier, je vous avais invité à écrire des poèmes sur le thème de « Grabuge », dans l’idée d’ouvrir au sein de ce blog une revue annuelle intitulée « Grabuge ». Et vous aviez été plus d’une trentaine à participer, ce qui me motive à lancer un deuxième appel à poèmes, sur le thème de la « hargne ».

Ecrire avec hargne, tout un programme…

Pourquoi ce thème ? D’abord, parce qu’il commence par un H, lettre par laquelle devrait commencer le thème (encore inconnu à ce jour) du prochain Printemps des Poètes si la logique entamée depuis quelques années est maintenue. Ensuite, parce qu’il correspond à une volonté assumée de sortir des thèmes « gnangnan » sempiternellement rebattus. Comme dirait Rimbaud, la poésie a tôt fait de devenir « horriblement fadasse ».

Un malentendu persiste chez le grand public, lequel a tendance à faire de la poésie une sorte d’enjolivement décoratif du réel, une façon délicate de parler avec de jolis mots, un étalage d’images inoffensives et de rimes consensuelles. Or, le poète n’est pas là pour faire tapisserie.

La place du poète est résolument au coeur de la Cité. Sur la place publique. Au milieu des foules. Bien sûr qu’il doit arpenter les bibliothèques, les librairies, les universités. Mais son rôle est aussi d’être là où on ne l’attend pas. Sur les routes. Aux arrêts d’autobus. Dans les gares. Dans les aéroports. Dans les usines. Sur les stades de football. Sur les frontières. Et dans le coeur des gens.

Et pourquoi la hargne ? Parce que, comme dirait Claude Ber, « il y a des choses que non ». Il est temps, il est plus que temps, que résonne un « non » clair, puissant, massif, franc, sonore, tonitruant, vibrant, courageux et fraternel. Un « non » poétique, qui ne soit pas seulement militant, qui ne se limiterait pas à ce qu’on appelle la « poésie de circonstance », mais qui soit malgré tout engagé, parce qu’on est nécessairement, quoi qu’on dise, engagé.

Oui, il n’y a pas de poésie qui vaille qui ne soit tant soit peu « engagée », si l’on veut bien entendre ce mot autrement que dans le sens d’un militantisme de bas étage. Il ne s’agit pas de subordonner la poésie à autre chose qu’elle même, il ne s’agit pas de soumettre la poésie à une cause, certainement pas. Mais la poésie ne peut pas prétendre retrouver sa place au coeur de la Cité, et dans le même temps refuser d’aborder la réalité du monde contemporain. Le poète doit mettre les mains dans le cambouis. Il doit être là où ça se passe, c’est-à-dire dans la vie, autour des gens, et certainement pas dans une improbable tour d’ivoire.

De toute manière, même le poète qui souhaiterait être le plus consensuel possible, dans l’idée par exemple de ne choquer personne, n’est pas complètement apolitique, et ses silences sont aussi des choix. Cela ne signifie pas qu’on ne puisse plus parler de fleurs et de couchers de soleil. Bien au contraire, il faut parler des roses, des pissenlits et des astromères, mais pas naïvement. La vraie beauté n’est pas consensuelle. Dire la beauté est en soi un acte de résistance, dans un monde où elle est de plus en plus rare. La hargne n’est pas incompatible avec la beauté.

Des raisons d’être en colère, il n’en manque pas, et la plupart sont très légitimes. Mais la colère en soi n’apporte rien, il s’agit de la sublimer pour en faire autre chose. Ne vous y méprenez pas : je suis profondément pacifiste, et je conspue toute forme de haine. Je me suis suffisamment exprimé sur la sérénité, sur la douceur, sur la concordance, pour qu’il soit clair que je serai toujours du côté de la paix et de l’amour. En invitant à écrire sur la hargne ou avec hargne, je rappelle simplement que la vraie douceur n’est pas mièvre, et que la vraie poésie n’est pas naïve.

Voyez-y, si vous voulez, une façon de rappeler que, n’en déplaise à la rime, gentillesse n’est pas faiblesse. Je ne sais pas si la poésie sauvera le monde. Certains, comme Jean-Pierre Siméon, veulent y croire. Moi, ce que je crois, c’est que la poésie, du moins, ne peut pas assister au désastre sans rien dire, ou en regardant ailleurs. C’est dans les moments les plus sombres que la poésie est le plus nécessaire.

Nous ressentons tous, je crois, que, contrairement aux promesses de l’an 2000, notre vingt-et-unième siècle plonge à nouveau vers des temps très sombres, comme s’il ne pouvait sortir d’un cycle répétitif, comme si l’on n’avait rien appris du passé. Notre époque a quelque chose d’anachronique, de moyenâgeux, de préhistorique. Comme si l’humanité redoublait sans cesse au lieu d’accéder au niveau supérieur. Oui, je crois que, ce sentiment de stagnation, nous le ressentons tous.

Face à cette réalité, la poésie a quelque chose à dire, voire à hurler (autre mot commençant par H !). Elle ne reste pas là sans rien faire. Elle ne prétend pas être une solution. Mais elle cherche une issue dans les mots. Elle témoigne de ce qui est. Elle parle au nom de ceux qui ne peuvent point le faire. « Je serai la bouche de ceux qui n’ont point de bouche », disait Aimé Césaire.

Dire, témoigner, décrire, peindre, pour aujourd’hui et pour demain. Dire le monde comme il va, et comme il ne va pas très bien. Témoigner de ce qu’est la condition de l’humain contemporain. Prendre voix, pour tous ceux et celles qui ne peuvent le faire. Crier notre désir, notre besoin d’autre chose. Proférer un appel vital à un sursaut de conscience. Hurler l’espoir et le désespoir. Faire entendre l’urgence. Et pour cela écrire avec hargne.

Prendre la plume et la hache. Pourquoi pas, si le cœur vous en dit, dégommer la « vieillerie poétique ». Irriguer le poème de sang neuf. Hérisser les poils de la poésie. Montrer que la poésie n’est jamais consensuelle.

Hargne peut se décliner en hurlement, hache, hirsute, hérésie, hérissé. La hache, pour dire qu’on peut s’autoriser à y aller avec de gros sabots. Que la poésie ne se situe pas seulement dans des raffinements délicats qui finissent par ne plus rien dire de la vraie vie. Le hurlement, pour rappeler que tous les tons sont licites en poésie, du plus inaudible murmure au cri le plus tonitruant. L’adjectif hirsute, pour dire que la poésie n’est pas forcément bien peignée, et qu’elle peut arborer fièrement la chevelure hérissée du sauvage. Il peut être licite, si c’est bien fait, de cultiver une certaine sauvagerie poétique. Hérétique, le poète l’est facilement, puisque sa place est toujours là où on ne l’attend pas, en dehors des doxas. La vraie poésie n’est pas la poésie officielle, elle est toujours à côté, voire en avant.

J’espère que mon petit laïus vous aura mis l’eau à la bouche. Qu’il vous aura donné envie de prendre la plume. Qu’il vous aura convaincu que la hargne, contrairement peut-être aux apparences, n’est pas un si mauvais choix que ça, qui se situe bien dans le prolongement de « grabuge ». Il me semble que ça peut donner lieu à de belles créations, qui « déménagent » comme on dit, qui sortent un peu du consensuel et de l’habituel, et qui répondent à cette urgence que nous ressentons tous, sans doute, plus ou moins.

Alors, à vos stylos ! Vous avez jusqu’au 31 juin 2024 pour participer, via le formulaire ci-dessous. À partir de cette date, je commencerai à mettre en forme ce deuxième numéro de la revue numérique « Grabuge », sous la forme d’un article de « Littérature Portes Ouvertes ». J’aimerais bien aussi, si j’ai suffisamment de participations, et si la qualité des textes le permet, rassembler les anthologies 2023 et 2024 sous la forme d’un recueil papier…

Règlement

  1. Le thème de l’appel à poèmes est « Hargne ».
  2. La date limite de participation est fixée au 1er juillet 2023. Aucun texte ne sera admis après cette date.
  3. Vous participerez uniquement via le formulaire ci-dessous.
  4. Vous pouvez proposer plusieurs poèmes. Cependant, vous acceptez de ne pas inonder ma boîte mail d’un nombre déraisonnable de participations.
  5. En déposant votre poème, vous affirmez être majeur.
  6. En déposant votre poème dans l’espace ci-dessous, vous m’autorisez à le conserver et à le publier sur le blog « Littérature Portes Ouvertes » ainsi que sur tous supports de communication, incluant notamment les réseaux sociaux, sans s’y limiter. Vous m’autorisez à promouvoir cette anthologie par tous moyens utiles (blog, podcast, réseaux sociaux, vidéos, lectures publiques)…
  7. En déposant votre poème dans l’espace ci-dessous, vous consentez à ce que, au-delà d’une publication numérique dans le blog « Littérature Portes Ouvertes », je puisse rassembler les contributions dans une publication papier, qui soit plus à même de mettre en valeur votre poème.
  8. Vous participez à cette anthologie numérique à titre totalement gratuit. Vous ne payez rien pour participer, et je ne vous paie pas non plus en échange de votre poème.
  9. Vous conservez le droit de publier votre poème sur n’importe quel autre support de votre choix. Un lien vers l’anthologie numérique du blog « Littérature Portes Ouvertes » sera apprécié.
  10. Vous vous engagez à produire un poème inédit, dont vous êtes réellement l’auteur. Vous admettez que je ne puisse pas vérifier moi-même si votre poème est bien le vôtre.
  11. Le fait de recourir à une intelligence artificielle sans le dire est assimilable à une forme de tromperie. Ne présentez pas comme vôtre un texte qui n’est pas le vôtre.
  12. Vous admettez que je puisse refuser de publier le poème sans que j’aie à en expliciter la raison. Je reste totalement libre de publier ou de ne pas publier un poème. Le fait que vous ayez rempli le formulaire ne vous assure aucune garantie de publication.
  13. Vous admettez que l’anthologie numérique « Grabuge » puisse être déclinée en différents formats.
  14. Vous admettez que vous ne puissiez plus modifier votre poème une fois envoyé, sauf raison expresse.
  15. Vous admettez que, une fois votre poème publié, vous pouvez demander sa suppression de l’anthologie, mais que, d’autres personnes ayant pu enregistrer entre temps le poème, il est impossible de faire comme s’il n’avait jamais existé.
  16. Vous admettez que du temps puisse s’écouler entre votre envoi du poème et sa mise en ligne.
  17. Vous m’autorisez à effectuer de menues corrections orthographiques, du moment qu’elles ne touchent pas au fond du poème.
  18. Vous m’autorisez à choisir la mise en forme de l’anthologie numérique (police de caractères, mise en page, etc.), et à ce que je range les poèmes dans l’ordre que je désire.
  19. Vous adressez un poème au format texte exclusivement, sans images, sans mise en page autre que ce qu’il est possible de faire depuis le formulaire, sans document audio ou vidéo.
  20. Vous admettez que cet appel à poèmes n’est pas un concours, qu’il n’y a rien à gagner ni à perdre.
  21. Vous consentez à ce que ces règles puissent évoluer, être précisées ou modifiées sans avertissement préalable.

Formulaire de participation

Acceptez-vous les termes du règlement ?(obligatoire)

Acceptez-vous que la revue "Grabuge", comportant votre poème, puisse éventuellement être déclinée au format papier ?(obligatoire)

Pour information, vous pouvez consulter :

6 commentaires sur « Appel à poèmes : Grabuge n°2 »

  1. Bonjour,

    Je viens d’envoyer un poème. J’accepte bien sûr le règlement, même si c’est le contraire qui apparaît sur le formulaire (!)

    Belle initiative que cet appel.

    Cordialement.

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    Aimé par 1 personne

  2. J’ai lu cette brillante chronique avec beaucoup de plaisir. Je suis tout à fait d’accord avec les arguments énoncés. C’est ce que je recherche quand je lis de la poésie. Ne pourrait-on pas étendre ces considérations au roman ? Pour moi il me semble que oui. J’aimerais bien avoir votre avis même si ce n’est pas le sujet. Bravo pour le concours 🤗

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