Rencontre avec la poésie de Béatrice Bonhomme

C’était ce vendredi 6 avril, à 18 h, à Nice. Le Consulat général d’Italie, rue Gambetta, accueillait la poète Béatrice Bonhomme, venue présenter son œuvre poétique, dans le cadre d’une lecture bilingue assurée avec Giampiero Scafoglio, enseignant comme elle à l’Université de Nice.

Béatrice Bonhomme a livré une très émouvante lecture en cinq actes de quelques uns de ses poèmes, parmi lesquels on pouvait reconnaître des extraits de Les Gestes de la neige, de Jeune homme marié nu, de Cimetière étoilé de la mer, mais aussi et surtout de son dernier recueil paru, Dialogue avec l’anonyme, ainsi que des inédits à paraître dans un prochain ouvrage. Les lectures en français étaient entrecoupées par les traductions en italien de Giampiero Scafoglio.

Qui est Béatrice Bonhomme ?

Béatrice Bonhomme est née en 1956 à Alger. De cette naissance de l’autre côté de la méditerranée, elle ne conservera pas de souvenir personnel, mais son enfance a été marquée par les propos et les images rapportés par ses parents. C’est pourquoi ses poèmes évoquent parfois l’Algérie, le Sahara, le Fayoum.

Aux images rêvées de cette Afrique du Nord s’ajoutent les paysages méditerranéens de la Côte d’Azur et de l’Italie. Béatrice Bonhomme rappelle que sa mère était d’origine grecque, et son père, professeur d’italien, d’origine napolitaine.

Ce père, Mario Villani, était également peintre, ce qui explique l’attachement de Béatrice Bonhomme aux arts plastiques. Plusieurs de ses recueils de poésie ont été réalisés en collaboration avec des artistes. Surtout, l’œuvre de Mario Villani hante les ouvrages de la poète. Deux ouvrages, Mutilation d’arbre et Passant de la lumière, sont consacrés à ce père : ce sont des livres de deuil.

Parmi les paysages chers à la poète, il ne faut pas omettre le Berry, où la famille passait ses vacances d’été. Les paysages de cette région ont également inspiré plus d’un poème de Béatrice Bonhomme.

Entre intime et universel

Si j’ai commencé par ces précisions d’ordre biographique, c’est qu’en effet la poésie de Béatrice Bonhomme présente une forte dimension personnelle, voire intime. Il n’est, je crois, pas un vers qui, de près ou de loin, n’ait été influencé par le vécu. Et c’est en partie ce qui fait la force de sa poésie : l’on sent d’emblée qu’il ne s’agit pas de simplement jouer avec les mots, mais bien de partager quelque chose de profondément ressenti.

Cependant, rien de narcissique dans la poésie de Béatrice Bonhomme, qui a su éviter le risque de l’anecdotique et du banal. Elle insiste sur les notions de partage, de dialogue, d’entretien, de porosité : il lui tenait à cœur que l’émotion vécue soit partageable et partagée. Ce dont elle nous parle est finalement quelque chose d’universel : la vie, la mort, l’amour.

Le style même de maints poèmes traduit ce désir d’universalité : le « je » n’y est pas très fréquent. Quant aux souvenirs, ils apparaissent souvent sous une forme fragmentaire, qui permet d’éviter le caractère continu du récit autobiographique, au profit d’images parcellaires qui dès lors se détachent de leur origine personnelle, pour se communiquer à tout un chacun et toucher à l’universel.

On s’en rend compte également en écoutant Béatrice Bonhomme lire ses poèmes. Elle adopte une voix douce, lente, posée, plutôt monocorde. Si bien que, un jour, l’un de ses auditeurs a comparé sa façon de lire avec le ton grave et pesé des officiants récitant la messe. Il y a bien de cela dans la poésie de Béatrice Bonhomme : ce ton, entre neutralité et gravité, montre que la poète s’est départie de l’émotion originelle afin de tendre vers une formulation universelle, appropriable par chacun de nous.

La vie, la mort, l’amour, le corps, la peinture

S’il fallait dresser la liste des thèmes privilégiés par Béatrice Bonhomme, je pourrais évoquer la vie, la mort, l’amour, le corps, la peinture… Comme l’a rappelé la poète elle-même ce soir, l’importance du thème de la mort dans son œuvre ne résulte pas d’une fascination morbide. Bien au contraire, la prise de conscience de notre mortalité est le point de départ d’une tentative de vivre pleinement, tout en tâchant de conserver du mieux possible la mémoire de ceux qui ne sont plus.

Ce mélange d’intimité et d’universel, ces thèmes de l’amour et de la mort, se retrouvent dans le dernier recueil tout récemment paru, Dialogue avec l’anonyme (Collodion, février 2018). On peut y voir, plus qu’une synthèse, un aboutissement : plusieurs lignes thématiques présentes dans des recueils antérieurs (l’amour de Jeune homme marié nu, le deuil de Passant de la lumière, la peinture de La maison abandonnée…) s’y rejoignent. La poète s’y nourrit du plus intime — les sentiments amoureux, la tristesse du deuil — pour en faire une poésie universelle, où la figure de l’anonyme permet de conjoindre différents visages, de l’être aimé à la mère décédée, dans un recueil qui est sans doute l’un des plus intimes et des plus universels à la fois qu’elle ait écrits.


Pour en savoir plus

Sur ce blog, plusieurs articles ont déjà été consacrés à la poésie de Béatrice Bonhomme :

13 commentaires sur « Rencontre avec la poésie de Béatrice Bonhomme »

  1. Bonjour Gabriel, Voici les liens de mes deux articles sur la poésie de Béatrice. le premier est paru dans la revue « Lieux d’être » n° 52-53 de Madeleine Carcano :http://france.burghellerey.over-blog.com/article-approche-critique-de-beatrice-bohomme-passant-de-la-lumiere-l-arriere-pays-58548738.html:http

    Et le second :
    http://terresdefemmes.blogs.com/mon_weblog/2014/02/b%C3%A9atrice-bonhomme-variations-du-visage-de-la-rose-par-france-burghelle-rey.html

    Transmettez mon amitié à Béatrice.
    Bien cordialement.
    France BR

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