Mort du poète Michel Deguy

Michel Deguy, né à Paris en 1930, est mort le 16 février dernier. Afin de lui rendre hommage, je souhaiterais évoquer aujourd’hui son œuvre, conséquente, et sa position de poète-philosophe, qui a fait de lui une voix majeure de la poésie française contemporaine.

Un poète du « figurer »

Récompensée par de prestigieux prix littéraires, l’œuvre de Michel Deguy s’inscrit dans le contexte des années soixante, caractérisées selon Jean-Michel Maulpoix par une volonté de « figuration ». La poésie de Michel Deguy apparaît dans une période d’intense bouillonnement intellectuel, réflexif et critique, que ce soit en politique, en philosophie, en sciences humaines, et, donc, en littérature et en poésie.

Béatrice Bonhomme rappelle que c’est à cette époque que « va se systématiser le terme de « poétique ». On s’interroge sur les conditions d’élaboration du poème. L’écriture du poème devient au centre du débat, avec la participation de toutes les sciences humaines. En effet, c’est l’époque où arrive en France l’influence du structuralisme, du formalisme, qui a une influence même sur l’écriture du poème. C’est le moment où Jackobson, Propp, Todorov sont connus en France. Ça a une importance dans les revues textuelles, TXT. »

Poésie et philosophie indissociables

Il serait vain à chercher à dissocier, en Michel Deguy, le philosophe et le poète. Il serait erroné de dire qu’il possédait les deux casquettes, puisqu’il s’agit véritablement, chez lui, d’un seul et même mouvement.

Pour Béatrice Bonhomme, l’œuvre de Michel Deguy, dès ses commencements, se pose la question du « comment faire », du « pour quoi faire ». C’est dire que la pratique poétique n’est pas considérée comme allant de soi, mais se trouve au contraire interrogée par le regard du philosophe.

Béatrice Bonhomme précise : « Il va travailler sur la notion de communauté, du commun au comme-un, affaire de mots. Trois directions problématiques : la question du comme, la question primordiale de la communauté (le commun des choses, des hommes, et des arts : La poésie n’est pas seule, comme la peinture, comme la musique), et enfin la question de la poéthique. »

L’importance du « comme »

Pour Michel Deguy, la poésie permet de lutter contre l’identitaire, contre l’appauvrissement culturel engendré par l’industrie du divertissement, contre toute forme d’essentialisation. La poésie, au contraire, cultive la différence, l’accident, le fortuit.

Aussi Michel Deguy privilégie-t-il la figure du « comme ». Contrairement à la métaphore qui fait se fondre ensemble le comparant et le comparé, le comme rapproche tout en maintenant une distance, une différence. Le « comme » est ainsi une figure fondatrice dans la poésie de Michel Deguy. Béatrice Bonhomme, citant Michel Deguy, explique que le poète lui-même est un peu le « comme », faisant le passage entre le monde et l’œuvre, « interposé entre le sable et l’écume, falaises, lui l’être des confins, placé aux carrefours ».

Une voix majeure

Michel Deguy laisse une œuvre majeure dans le paysage poétique contemporain, par sa profondeur philosophique et par son engagement « poéthique ». Nul doute que, pour Michel Deguy, la place du poète n’est pas dans une tour d’ivoire mais bien au cœur de la cité. Aussi, parallèlement à ses activités d’écriture, Michel Deguy a-t-il occupé des fonctions importantes: il a été professeur en lycée, rédacteur en chef de la revue Po&sie, directeur du Centre international de poésie de Marseille, éditeur chez Gallimard…

Parmi ses œuvres, citons les titres de Donnant donnant, Ouï dire, Fragment du cadastre, Poèmes de la presqu’île. Mention spéciale au très beau livre de deuil qu’est À ce qui n’en finit pas, sous-titré « Thrène », paru en 1995 aux éditions du Seuil.

Bibliographie

  1. BONHOMME, Béatrice, « La poésie contemporaine et la peinture », cours de Master II, Université de Nice (source non publiée).
  2. MAULPOIX, Jean-Michel, « La poésie française des années 1960 », dans Jean-Michel Maulpoix & Cie, site Internet.
  3. MAULPOIX, Jean-Michel, « Michel Deguy, pourquoi la poésie », ibid.
  4. MAULPOIX, Jean-Michel, « Entretien avec Michel Deguy à propos de l’hybridité », paru dans le n°66 de la revue Le Nouveau Recueil, et rediffusé sur le site Internet de Jean-Michel Maulpoix.

Image d’en-tête trouvée grâce à l’outil « Pexels » de WordPress.

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