Rainbow flag voyelles

A rouge, E orange, I jaune, O vert, U bleu, Y violet,
Voyelles, vous avez désormais des couleurs pailletées,
A, rouge bouche ouverte, langue pourpre,
Sang de nos pères, de nos frères, victimes de stupre.

E, orange comme la Terre, version acidulée du fruit défendu,
Couleur de soleil dans nos cœurs perdus.
I, jaune acide, cri strident, peur panique,
Jaune intense, sensations excentriques.

O vert, ronde fraternelle, liens solidaires,
Nature généreuse, orifices légendaires,
U, bleus les coups reçus,
La peur et la honte, les espoirs déçus.

Et voici le mâle Y grec, fourche violette,
Fierté farouche de nos cœurs de midinette,
Virilité dressée de courage revendiqué,
Y, lettre phallique de notre gaieté.

Voyelles, dansez sous la pluie, mélangez
Les couleurs de l’arc-en-ciel fabuleux,
Marchez avec nous sur la Promenade des Anglais,
Dans un grand élan fier, solidaire et généreux.

Ajoutez-y bien sûr quelques consonnes,
L, grandes ailes de nos sœurs lesbiennes,
Suivies du G, lui aussi grand oiseau coloré,
Unis dans la joie, la gaieté, les peines,
Puis les deux boucles du B au front doré,
Enfin le T, de liberté, de fierté, d’identité,
Et bien sûr le + pour n’oublier personne.

Voyelles, consonnes,
Marchez, dansez sous notre drapeau,
Somewhere over the rainbow.

Gabriel GROSSI

24/04/24

Pour info

En 1978, à l’occasion de la Parade pour le Jour des Libertés Gaies et Lesbiennes, l’artiste américain Gilbert Baker crée la première version du drapeau arc-en-ciel à huit couleurs. Depuis, le rose et le turquoise sont généralement retirés, et l’on arbore le drapeau à six couleurs. L’artiste se serait notamment inspiré du film Le magicien d’Oz, et de sa chanson phare Somewhere over the rainbow, interprétée par Judy Garland. De très nombreux autres drapeaux sont apparus depuis, pour revendiquer les multiples nuances de la mouvance queer, mais le drapeau arc-en-ciel reste celui qui englobe tous les autres, et qui est à mon sens le plus beau, puisqu’il ne fait que reprendre un symbole naturel, la diffraction de la lumière qui engendre toute la diversité des couleurs.

En 1870-1871, Arthur Rimbaud invente la couleur des voyelles dans un sonnet devenu célèbre. J’ai commenté ce poème dans un autre article de ce blog. Plus d’un siècle avant Gilbert Baker, le poète ardennais inventait en somme déjà une sorte d’arc-en-ciel, associant aux lettres des images nées de leur forme, qui évoquent des couleurs. Arthur Rimbaud est aussi, à sa manière, et bien qu’il soit quelque peu anachronique de le formuler ainsi, devenu une icône gay. Sa relation orageuse avec Paul Verlaine s’est terminée, de façon tout à fait romanesque, par un coup de pistolet de ce dernier. Un film magnifique, avec Leonardo Di Caprio dans le rôle d’Arthur, retrace cette aventure personnelle et poétique hors du commun.

Par ce poème, j’ai voulu associer les deux références, et attribuer aux voyelles les six couleurs du drapeau LGBT+, avant de poursuivre avec ces quatre consonnes. Je me permets de préciser, pour les personnes qui ne sont pas très au fait de ces choses-là, que l’on peut dérouler le sigle LGBT sous la forme LGBTQQIP2SAA+, dans cet ordre ou dans un autre, qui désigne :

  • L : les personnes lesbiennes, autrement dit les femmes qui aiment d’autres femmes,
  • G : les personnes gaies, autrement dit les hommes qui aiment d’autres hommes,
  • B : les personnes bisexuelles, autrement dit susceptibles d’aimer aussi bien des femmes que des hommes,
  • T : les personnes transgenres, qui vivent avec le sentiment qu’ils sont, à l’intérieur, d’un autre genre que ce qui apparaît extérieurement, et qui peuvent ou non modifier tout ou partie de leur apparence pour conformer leur corps à leur ressenti intérieur,
  • Q : cette lettre renvoie au mot « queer », qui signifie littéralement « étrange » ou « bizarre ». Initialement utilisé comme insulte, ce mot a été récupéré, par retournement du stigmate, comme terme générique rassemblant toutes les orientations et identités minoritaires,
  • Q : le deuxième Q fait référence aux personnes « en questionnement », qui sentent bien qu’elles n’appartiennent pas à la norme majoritaire mais qui, pour autant, n’ont pas encore choisi d’étiquette fixe.
  • I : les personnes intersexes, qui présentent biologiquement des caractéristiques physiques inhérentes aux deux sexes. Cela peut, dans les faits, recouvrir un grand nombre de situations différentes. J’ai étudié en Terminale un cas particulier d’intersexuation qui est la trisomie des chromosomes sexuels, laquelle n’engendre pas de handicap comme la trisomie du chromosome 21, mais qui provoque des caractères sexuels atypiques.
  • P : les personnes pansexuelles, qui se distinguent des « bi » en ce qu’elles peuvent aimer non seulement les hommes et les femmes, mais aussi les trans, les intersexes, etc., et de façon générale tout être humain.
  • 2S : les personnes bispirituelles, terme propre à certaines populations amérindiennes, qui conçoivent la possibilité d’avoir deux esprits de genre différent, et d’être donc en dehors de la binarité de germe classique.
  • A : les personnes asexuelles ou aromantiques, qui ne ressentent pas le besoin d’entretenir des relations sexuelles ou amoureuses.
  • A : le deuxième A renvoie aux « allié.e.s », à savoir les hétérosexuels cisgenres qui soutiennent la cause LGBT même s’ils ne sont pas personnellement concernés.
  • Le + final rappelle que cette liste est toujours ouverte et inclusive.

Ce poème s’inscrit dans un projet de recueil intitulé « Du néon aux étoiles », centré sur la célébration des diversités sexuelles et de genre et sur la lutte contre l’homophobie.

La photo qui sert d’en-tête à cet article a été prise lors du vernissage de l’exposition « Queer California », organisée avec le soutien de la Ville de Nice par l’association Les Ouvreurs, parallèlement au festival In&Out qui est un festival de cinéma queer. Cette exposition se trouve au « 109 », espace culturel alternatif situé dans les locaux désaffectés des anciens abattoirs de Nice, où ont lieu de nombreuses manifestations culturelles.

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