Étudier les lettres, pour s’ouvrir à l’altérité

Je suis tombé aujourd’hui sur un paragraphe que j’avais écrit pour introduire à l’un de mes cours de littérature comparée, quand j’enseignais à la fac. Il m’a semblé intéressant de le soumettre à votre jugement. Qu’en pensez-vous ?

Un texte littéraire, c’est un texte écrit par quelqu’un d’autre, et si les études littéraires peuvent apporter quelque enrichissement personnel, c’est bien sûr parce qu’elles donnent accès à la culture, parce qu’elles favorisent le sens critique, parce qu’elles invitent à une réflexion générale sur l’homme, mais c’est peut-être avant tout en raison de cette altérité constitutive, qui suppose de s’ouvrir à l’étrangeté de cette parole autre, à son contenu comme à sa formulation : pourquoi tel auteur, à telle époque, a-t-il écrit telle chose de telle manière ? Cette ouverture à l’altérité du texte littéraire, et, partant, à son originalité, à sa saveur, à sa beauté, nécessite que l’on s’interdise, autant que possible, d’y projeter sa propre subjectivité, ou, du moins, de ne pas faire immédiatement comme si cet écart n’existait pas. Il semble en effet nécessaire de prendre pleinement en considération cette distance née du simple fait que je reçois une parole qui émane d’un autre. Pour comprendre l’autre, il ne suffit pas d’affirmer que les différences n’ont pas d’importance véritable, ni d’adhérer aux positions de l’autre sans tenir compte de ces différences : il faut tenter d’expliquer pourquoi cet autre dit ce qu’il dit, de la manière dont il le dit. Cela suppose un silence et un effacement momentanés du moi, pour véritablement laisser à l’autre la possibilité de s’exprimer et de faire percevoir sa parole dans toutes ses nuances. En ce sens, les études littéraires, loin d’être déconnectées des préoccupations du monde actuel, favorisent sans doute des compétences d’écoute, d’accueil, de compré­hension, de jugement, voire d’altruisme, qui sont primordiales dans bien des situations professionnelles, et dont nous osons croire qu’elles ne sont pas inutiles dans le contexte actuel de notre société.

Qu’en pensez-vous ? N’hésitez pas à réagir dans l’espace des commentaires !

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