La montée du clitique

Cela fait un petit moment que je n’ai pas parlé de grammaire. Aussi voudrais-je aujourd’hui vous parler de la montée du clitique. Qu’es aco ? Un clitique, c’est un mot qui ne peut recevoir d’accent en aucun cas et qui fait nécessairement corps avec le mot suivant (GMF). Bref, ce sont des déterminants, pronoms, conjonctions… Et certains pronoms clitiques ont, ou plutôt avaient, une certaine tendance à monter.

Que lui prend-il à monter de la sorte ? Se croirait-il un oiseau ? Se rêverait-il alpiniste ? Mais jusqu’où compte-t-il aller ? Quelles hauteurs rêve-t-il d’atteindre ? Est-ce son égo démesuré qui le pousse à s’élever ainsi toujours plus haut ? N’y a-t-il pas une part de vanité, voire de forfanterie, à vouloir ainsi tromper la gravité ? Trêve de plaisanteries, ce n’est rien de tout cela !

La montée du clitique, c’est le fait que, lorsque deux verbes se suivent, le pronom en principe attaché au second « monte » devant le premier.

Il s’agit là d’un trait de langue que l’on rencontre jusqu’au français classique, mais qui est ensuite devenu désuet.

Exemples :

Français d’aujourd’huiFrançais d’avant
Je veux le voir.Je le veux voir.
Tu dois m’obéir.Tu me dois obéir.
Il convient que vous notiez…« Il vous convient doncques noter […] » (Rabelais, Pantagruel, ch. 1)
Je veux en rompre le cours.« J’en veux rompre le cours. » (Molière, L’École des femmes, II-1)
Je veux aller le faire sortir.« Et moi-même je veux l’aller faire sortir. » (Ibid., II-2)
Elle veut y être gardée.« L’étroite bienséance y veut être gardée. » (Boileau, Art poétique, III)
Il veut le désabuser.« Mais en vain le public, prompt à le mépriser,
De son mérite faux le veut désabuser » (Boileau, Art poétique, III)
Quelques exemples puisés dans la littérature

N’étant pas grammairien, je ne saurais dater avec exactitude le phénomène. Ce dont je suis sûr en revanche, c’est que, si cette tournure est aujourd’hui désuète en français, elle se rencontre toujours en italien, y compris d’ailleurs dans la langue orale courante.

Exemples :

sans montée du clitiqueavec montée du clitiquetraduction française
Voglio dirtelo.Te lo voglio dire.Je veux te le dire.
Devo parlarti.Ti devo parlare.Je dois te parler.
La montée du clitique en langue italienne

Je me demande si la persistance de la montée du clitique en italien contemporain n’est pas due au fait que les pronoms qui dépendent d’un infinitif sont attachés à sa suite (ex: dirtelo), si bien que la tournure sans montée du clitique est plus difficile à prononcer que la tournure avec montée du clitique.

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J’espère que ce bref article vous aura intéressés et qu’il vous aura permis de découvrir ce phénomène particulier qu’est la montée du clitique. Pour toute question ou précision, n’hésitez pas à réagir dans l’espace destiné aux commentaires (ci-dessous). Vous trouverez tous les autres articles traitant de grammaire au bas du sommaire général de ce site. N’hésitez pas également à vous abonner ou à partager cet article sur les réseaux !

3 commentaires sur « La montée du clitique »

  1. Il y a aussi la montée du proclitique COD de l’infinitif dépendant d’un verbe de perception dans le cas suivant (la tournure-source étant assez rare, mais correcte) : « Je l’ai vu le faire » => « Je le lui ai vu faire ». En montant et en gardant sa forme ‘le’ de COD, le second clitique entraîne la modification du premier qui, COD du verbe principal ( = sujet de la proposition infinitive dans la grammaire traditionnelle), prend la forme d’un COI : l’ => lui.

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