« Le veilleur a disparu
Un matin posé sur le drap
Le visage glacé
Les mains jointes
Il nous a laissé la lumière et le silence. »
Béatrice Bonhomme, Les Boxeurs de l’absurde,
Fourmagnac, L’Étoile des Limites, 2019, p. 139.
« Le veilleur a disparu
Un matin posé sur le drap
Le visage glacé
Les mains jointes
Il nous a laissé la lumière et le silence. »
Béatrice Bonhomme, Les Boxeurs de l’absurde,
Fourmagnac, L’Étoile des Limites, 2019, p. 139.
Voici soudain l’été. L’air brûlant sur la terrasse aux carreaux rouges semble figer le temps. Plus rien ne bouge, sinon les mouches qui volettent en vain autour de la table débarrassée, discrètement épiées par un lézard sur le mur parfaitement immobile. Les oiseaux eux-mêmes ont cessé leur chant, et l’on n’entend plus au loin que quelques cigales dont le chant se perd dans la rumeur lointaine de la route. Les volets s’entrecroisent sur les façades des maisons, dont les habitants en quête de fraîcheur désertent les jardins. Il n’y a plus personne, plus rien ne bouge, sinon une vieille chaise à bascule qui se balance en grinçant. Sous un arbre, un petit garçon qui ne souffre pas de la chaleur et ne comprend rien à la sieste attend que tout ce monde sorte de sa torpeur et veuille enfin jouer avec lui.
Gabriel Grossi
dimanche 3 juillet 2016
Variante d’un autre poème déjà publié sur ce blog.
Texte personnel
Quand les rumeurs du jour se sont assagies, que se sont tues les clameurs des hommes, quand les derniers rayons se sont éteints, que les flots du jour sont taris, à l’heure tardive des grillons et des lucioles, rien ne bouge. Assis face à la nuit, avant les grands songes du sommeil, nous respirons. À la lune qui s’élève, nous adressons un sourire. Nous respectons l’immobilité des premières étoiles, dans le ciel encore clair et teinté des rougeurs du couchant. Nous nous enveloppons lentement de nos lourdes couvertures, cessant tout mouvement, dénouant le cours de nos pensées. Nous nous baignons dans le silence comme en une mer. Allongés sur le dos, nous devenons cette vastitude même de la mer, dans le dénuement d’un abandon. Peu importent alors les murmures qui nous parviennent encore, les vrombissements lointains ne sont plus que de discrets rappels de ce monde qui nous entoure et continue de tourner comme il doit le faire. Nous consentons à ce que tout ne soit pas parfait, à ce que tout ne possède pas l’équilibre sphérique des grands astres, à ce que tout ne soit encore pleinement serein. Voici cependant que peu à peu, à mesure que le souffle ralentit, la paix s’installe.
Gabriel Grossi,
mercredi 23 mai 2018.
« On écrit surtout pour se taire avec plus de recul. »
Gil Jouanard, L’eau qui dort,
Fata Morgana, 1987, p. 60.