Le poète écoute. Qu’entend-il ? Ce sont des clameurs qui montent de la plaine. Il entend l’inquiétude et la détresse, les questions sans réponse et les prières, les cris, les peurs et les peines. Il entend la complainte de l’être humain, les coups du sort et de la maladie, les assauts de la mort, de la douleur et de la folie. Toutes ces voix se mêlent en un dissonant concert, où chacun crie et chacun appelle à l’aide. Il entend ces voix implorantes, ces torrents de larmes, ces vagues d’indignation, de colère et de peur. Il perçoit l’angoisse du monde, les violents noeuds du coeur et de l’âme, dont la rumeur sourde s’élève depuis la plaine, comme un nuage toxique de poussière, dans l’indifférence et le vacarme des grandes villes.
Le poète affirme : de cela, il faut rendre compte. Cela, il faut le dire. Le mettre en mots. La poésie ne peut pas, ne doit pas, faire comme si cela n’était pas. Sans quoi elle ne serait qu’un jeu trop facile pour grands enfants naïfs, qu’une façon en somme de maquiller le désastre sous le fard des belles phrases, qu’une forme du mensonge.
Le poète est cependant convaincu que son rôle ne s’arrête pas à l’enregistrement de la misère du monde, à la mise en forme, par toutes sortes de moyens, de la détresse. Il voudrait porter au-delà. Trouver et recueillir des parcelles d’espoir. Donner courage. Rappeler toute l’aide que peut apporter la beauté. Dire l’enchantement de l’aube et le ravissement du couchant. Rappeler le chant des oiseaux, la force massive des montagnes, la sérénité des fleurs, l’immensité de la mer. Évoquer la paix des étoiles, les soirs d’été. Faire entendre le silence de la neige. Laisser place à une parole de joie. Ce faisant, il n’essaie pas de faire oublier pas les cris et les larmes. Il ne prétend pas avoir de solution. Il n’entend pas faire la morale à qui que ce soit, ni donner la moindre leçon. Il dit ce qu’il voit, ce qu’il entend, ce qu’il ressent. Il a trouvé, depuis longtemps, un titre pour ses poèmes : concordance.
Gabriel Grossi
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