Ce soir, dimanche 26 mars 2023, le festival Poët Poët a pris fin, après dix jours très intenses et trés joyeux sur la planète Poésie. Le « parrain » de cette dix-septième édition, James Noël, a vécu un certain nombre d’entre eux. Je voudrais lui consacrer cet article.

Il se présente lui-même comme « poète vivant ». James Noël, poète haïtien, a raconté avoir été connu avant même d’avoir publié son premier recueil : certains de ses poèmes ont été mis en musique et chantés par des chanteurs haïtiens, qui ont contribué à le faire connaître. Quand on discute poésie avec lui, on se rend compte qu’il affectionne notamment Rimbaud, Césaire, Neruda, Hikmet, et qu’il connaît un très grand nombre de poètes contemporains, à commencer par les poètes haïtiens auxquels il a consacré une anthologie. Ses poèmes, en français et en créole, associent savamment légéreté et profondeur. Parmi ses dernières publications, on peut citer Le Pyromane Adolescent et Brexit. Ses poèmes trouvent toute leur force quand on les entend proférés à voix haute par la voix chaude du poète.
Carte blanche : le Brexit, ça m’excite !
La première participation de James Noël dans le Festival Poët Poët, ça a été la carte blanche à la bibliothèque Louis Nucéra, mercredi dernier, soit le 22 mars. Lié par d’autres obligations, je n’ai pu assister au tout début de la représentation. Mais dès que je me suis installé dans mon fauteuil, j’ai été happé par la voix puissante et chaude du poète. James Noël parle de son île natale, non de façon régionaliste mais au contraire avec une grande ouverture au monde. Sa chanson en créole nous transporte aux Caraïbes. Puis il se met à scander « Sabine oh Sabine oh Sabine » et il est alors rejoint par Sabine Venaruzzo pour une lecture en duo d’extraits de Brexit. Ce duo totalement improvisé a été un grand moment. Déjà complices, les deux poètes se galvanisent l’un l’autre, ils prennent un plaisir évident à jouer avec les mots, à s’amuser du leitmotiv « Le Brexit ça m’excite », et les applaudissements nourris du public montrent qu’il a été conquis.

Scène ouverte à la Cave Romagnan
Le soir même de ce mercredi 22 mars, James Noël a participé à la scène slam organisée par Pascal Giovannetti à la cave Romagnan. Ce bistrot populaire, où sont fréquemment donnés des concerts de jazz, se situe rue d’Angleterre, à Nice, à proximité de l’église Notre-Dame. Nous étions ravis que deux de nos poètes invités, James Noël et Marina Skalova, puissent participer à ce moment chaleureux, où une foule compacte se presse dans l’espace exigu du bar. La règle est simple : pour participer, il faut s’inscrire au préalable auprès de Pascal Giovannetti, prévoir un texte, personnel ou non, d’une durée inférieure à trois minutes, sans musique ni mise en scène ostentatoire. Pour un poème dit, un verre est offert. James Noël a pris plaisir à participer et il conserve en souvenir la carte à jouer perforée qui sert de bon pour un verre.

Rencontres avec les étudiants et les écoliers
Le lendemain, jeudi 23 mars, ma participation à une journée de grève m’a permis d’accompagner James Noël dans les différents temps prévus au programme. La matinée s’est déroulée à la faculté des Lettres de Nice, un lieu que je connais bien pour y avoir étudié et enseigné. James Noël a été accueilli par Sandrine Montin, maîtresse de conférences en littérature comparée, attachée au laboratoire CTELA, et également membre du PoëtBuro. Celle-ci a invité le poète dans un séminaire d’écriture avec des étudiants en médecine. Un public qui n’était pas forcément acquis d’office, mais que James Noël a su conquérir en désacralisant la figure du poète et en se montrant totalement accessible. « On est là pour déconner », dit-il. Il a invité les étudiants à énoncer les mots qu’ils retenaient de cet échange et qui allaient être le point de départ de l’atelier d’écriture. Ce verbe « déconner » a fait partie des mots retenus, ce qui a aidé les étudiants à dépasser leur première timidité. Après vingt minutes d’écriture individuelle, les étudiants ont été invités à lire leur production, puis à formuler des commentaires bienveillants.

Après un repas partagé dans les locaux du CTEL, j’emmène James Noël à l’école René Cassin de l’Ariane, une grande école de vingt classes, où la venue du poète a été préparée par les élèves de cycle 3, par leurs enseignants, et par les interventions de Morgane Attento, chargée de production du festival. À notre arrivée, nous sommes chaleureusement accueillis par la directrice qui nous emmène dans une grande salle où se trouvent une soixantaine d’élèves et leurs professeurs. Un concert de percussions nous est offert à notre arrivée. Puis nous nous asseyons en cercle pour assister à l’interview du poète par trois élèves qui posent les questions préparées par toute la classe. Les mini-journalistes sont très à l’aise, en particulier l’un d’entre eux qui ponctue ses interventions de phrases comme « merci pour cette réponse sincère ». Ensuite, à deux reprises, nous nous retournons de 180 degrés pour assister à la projection sur écran géant de haïkus mis en corps. Nous admirons aussi l’exposition de photos des élèves : des plantes prises en négatif. L’après-midi se termine avec un goûter partagé dans la cour pendant une récréation où les élèves nous murmurent des poèmes à l’oreille. James Noël a même joué au foot avec les enfants.

James Noël aura l’occasion de retrouver les jeunes du quartier de l’Ariane lors de l’installation de la « Petite Maison de Poésie » au square Lécuyer, l’un des rares espaces verts de ce quartier défavorisé. Une journée intense mais pleine d’émotions également, avec des jeunes curieux de tout et dont les mots sont parfois spontanément poétiques.
Un week-end follement poétique
Le Festival s’est terminé avec deux temps forts dont James Noël a été le plat de résistance : une soirée féerique au Centre Culturel La Coupole de la Gaude, et la fameuse « Popote des Poët Poët » à Aiglun. J’aurai l’occasion de revenir plus longuement sur ces moments riches en émotions, qui méritent amplement un article spécifique. Qu’il me soit ici permis de conclure en remerciant James Noël, poète vivant, être humain, pour ces moments vécus dans le partage et l’amitié, au service d’une même passion pour la poésie.

Pour aller plus loin
Je vous recommande la lecture des livres de James Noël, notamment Le Pyromane adolescent et Brexit suivi de La Migration des Murs. Je n’ai eu pour l’instant que le loisir de feuilleter ces ouvrages dont je vous reparlerai lorsque je les aurai lus de façon plus attentive. En attendant, vive la poésie!

Qu’est-ce que Littérature Portes Ouvertes ? C’est un blog crié en février 2015 dans le but de multiplier les passerelles entre littérature, recherche universitaire et grand public, avec un fort accent mis sur la poésie contemporaine, domaine dont je suis spécialiste. À ce jour, mis de 100 poètes d’aujourd’hui ont été référencés. À ce jour, le blog recense plus de 2,3 millions de vues et près de 1700 abonnés. Pourvu que ça dure…