Invocation de l’eau

Il y a quelques jours, le préfet des Alpes-Maritimes a décidé de mesures d’urgence de restriction d’eau. La région connaît une sévère sécheresse alors même que nous sommes à la fin de l’hiver, à une saison où l’eau est habituellement abondante. Le fait est palpable pour le simple promeneur, qui peut constater le faible débit des fleuves côtiers, où l’eau stagne plus qu’elle ne coule. Cette situation, rare et préoccupante, n’est pourtant pas au cœur des préoccupations des hommes, généralement déconnectés de la nature. Cela m’a inspiré ce poème.

Qu’on te nomme Zeus ou Jupiter,
Ou encore Tlaloc, Amon, Seth, Horus,
C’est la pluie qu’on attend,
C’est l’eau que l’on prie.
Voici que les Yoruba
T’invoquent sous le nom d’Oya,
Ô pluie, pour les forêts, les rivières,
Ô pluie, que les animaux se désaltèrent.

Les Dogons ont leurs Nommo, leurs dieux d'eau,
Et les Toltèques vénéraient Huhueteotl.
Baal, Hadad, Teshub, Indra, Parjanya, Varuna, Raijin,
Quel que soit le dieu, quel que soit le nom,
Vers le ciel on se tourne,
Vers le ciel on tend la main.
C’est la pluie qu’on attend,
C’est l’eau que l’on prie,
Sous le nom de Shango ou Bunjil,
On espère l’eau de pluie et le beau temps.

Sur les rizières d’Inde et de Chine,
Sur les steppes d’Asie et la pampa argentine,
Sur la savane africaine et nos garrigues desséchées,
Qu’une douce pluie vienne le sol irriguer.

J’ai vu le canard désespérer dans une flaque d’eau,
J’ai vu la feuille flétrir trop tôt,
J’ai vu le fleuve en février avec son débit d’août,
J’ai vu le sol craqueler
Là où la Loire était censée couler.

J’ai vu des torrents tout emporter,
Nos vallées détruites par des crues subites,
J’ai vu des ponts et des maisons s’écrouler,
Sous la colère de quelque divinité triste.

Il fut un temps où l’on vivait au rythme des saisons,
Quel que soit le dieu, quel que soit son nom,
On invoquait la pluie, on attendait la mousson,
Aujourd'hui on a remplacé l’herbe par du béton.

Il fut un temps où l’on vivait d’agriculture et d’élevage,
Et même ceux qui faisaient profession d’être chefs ou d’être sages,
Restaient proches du sol, de la terre, de la nature,
Et connaissaient les rythmes des cultures.

Aujourd'hui on demande à un seul homme
D’en nourrir cent ou mille,
On en oublierait d’où vient la nourriture,
Et pour cet homme seul c’est une gageure
De fournir toujours plus,
Et c’est encore la nature qu’on épuise.

Fier guerrier des vastes plaines,
Tu savais, toi, ne laisser aucune trace de ton passage.
Tu savais danser pour faire venir la pluie,
Et jamais tu n’aurais jugé une bête ou une plante comme tienne.

Ô que cléments soient les cieux,
Et doux les dons du ciel,
Pour chaque créature de la terre,
De la minuscule fourmi à la grande baleine,
En passant bien sûr par le bipède dégingandé
Ce monstre d’angoisse et d’inquiétude
Qui par peur de manquer et de n’avoir pas assez
Détruit cela même qui devrait l’apaiser.




Gabriel Grossi, 16 mars 2022

Texte pour l’ensemble Là où va l’oiseau.

(N.B. : je ne suis pas du tout spécialiste en mythologies antiques, même si c’est un sujet qui m’intéresse. Pour construire ce poème, ne disposant ni de connaissances précises, ni du temps pour les acquérir, j’ai demandé à une « intelligence artificielle » de dresser une liste de divinités antiques liées à l’eau et à la pluie. Cela ne garantit pas l’exactitude des informations apportées et ce n’est certainement pas comme cela que je mènerais une recherche sérieuse. Cela suffit néanmoins pour ce petit projet poétique. J’ai trouvé intéressant de lier la problématique actuelle du manque d’eau avec les invocations antiques de la pluie, avec la citation d’un dieu ou d’une déesse associés à cet élément dans un grand nombre de mythologies.)

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