C’est une large place dallée de pierres, dans la grande ville, sous le ciel noir de la nuit.
De puissants projecteurs éclairent les façades, dont les ornements trahissent l’âge. Au centre, une fontaine agite ses gerbes aux pieds d’une statue. Un arbre vénérable, au port majestueux, étend ses larges branches un peu plus loin. Malgré l’heure avancée, une foule nombreuse se presse aux terrasses. On ouvre les huîtres, on sabre le champagne. Les robes cintrées côtoient les costumes et les cravates. On rit, on boit, on mange, on esquisse quelques pas de danse. On admire la blancheur des sourires, la complexité des chevelures, la fraîcheur des parfums. On entend converser en différentes langues. On se prend en photo, avec de grands sourires, et parfois quelques grimaces. On s’emmitoufle dans son écharpe, avant de regagner la chaleur d’un bar ou d’un restaurant.
Juste à côté, en dehors de la lumière des réverbères, plusieurs sacs de couchage sont alignés. Une dizaine, une quinzaine, davantage peut-être, dans le froid de l’hiver. Plusieurs personnes dorment ici, sous les arcades. D’autres se disputent bruyamment, un peu plus loin. Quelques bouteilles de bière jonchent le sol. Des emballages en carton en guise de matelas. Ils sont silencieux, immobiles, dans l’obscurité. Leur nombre impressionne. On entend parfois l’un d’eux tousser.
Littérature Portes Ouvertes 
Merci , Gabriel Grossi , pour ce poème en prose simple , touchant , et efficace , qui met le doigt sur l’indifférence dont nous sommes capables face à la misère des autres . On doit y penser quand on parle de réduire le « filet social » , on doit y penser quand on sait que parmi ces malheureux beaucoup sont malades , et n’ont pas accès aux soins ( « on entend parfois l’un d’eux tousser » ) , on doit y penser et soutenir les associations qui oeuvrent pour loger les sans-abris , comme par ex chez nous l’association RAIL . On songe aussi à Victor Hugo , et à sa féroce dénonciation de l’indifférence de la bourgeoisie repue de son époque . (« Les Misérables » ) .
« juste à côté, en-dehors de la lumière des réverbères « , quel texte !
J’aimeAimé par 1 personne
Merci beaucoup pour ce touchant commentaire !
J’aimeJ’aime
Merci pour ce poignant témoignage de cet énorme contraste et malheureusement de cette indifférence.
Tout est dit avec délicatesse, pudeur, sans cri ni révolte. Et pourtant tout est dit.
Bravo
J’aimeAimé par 1 personne
Merci beaucoup !
J’aimeJ’aime