Une fois n’est pas coutume, le dernier « Jeudi des mots » s’est tenu un vendredi soir. Le lieu, lui, est resté inchangé : le café « Chez Pauline », rue Bavastro à Nice, à proximité du port. Et, à l’occasion de la « Nuit de la lecture », les membres du « Jeudi des mots » se sont associés avec « Les mots à la bouche ». Au programme, en première partie, un hommage à Christian Bobin récemment disparu, et en deuxième partie, une lecture de textes sur le thème de la peur.

Hommage à Christan Bobin par « Jeudi des mots »
Christian Bobin est un poète français contemporain, décédé le 24 novembre dernier, que l’on peut classer parmi les acteurs du renouveau lyrique des années 1980. Ses poèmes, simples et accessibles, inscrivent, dans la saisie de l’instant présent, une dimension mystique. Les extraits lus ce soir montrent l’attrait du poète pour la forme du fragment.

Pour Marilyne Bertoncini, Christian Bobin est un poète très sympathique. Enthousiaste envers l’aspect mystique de son oeuvre, elle apprécie aussi le fait qu’il avait des origines modestes. Ses parents travaillaient dans l’industrie, il était le dernier d’une fratrie de trois enfants, il a effectué de nombreux petits boulots tout en poursuivant ses études de philosophie et en écrivant. Il a connu le succès dès son premier livre, Le Très-Bas, et il a pu ainsi se permettre ensuite de continuer, avec une soixantaine de livres sur l’ensemble de sa carrière. Il est décédé il y a quelques mois.
Marilyne Bertoncini et ses amis ont souhaité mettre l’accent sur deux recueils en particulier, deux livres qui s’inscrivent dans la thématique de la « Nuit de la lecture ».
Le premier ouvrage, La Nuit du Coeur, dont les extraits ont été lus par Marilyne et ses amies Ghislaine et Brigitte, est un recueil de fragments consacrés à l’église abbatiale de Conques, qui est sur la route du pèlerinage de Saint-Jean-de-Compostelle, et dont les vitraux ont été terminés en 1994 par Pierre Soulages, célèbre peintre connu pour ses travaux autour du noir, de la couleur noire. Il a remplacé les vitraux colorés préexistants, qui dataient de l’après-guerre, par des vitraux d’une grande simplicité, transparents quand on regarde depuis l’extérieur, mais avec des effets très particuliers de lumière quand on regarde depuis l’intérieur, et qui varient selon les heures de la journée. Il y a donc tout un jeu entre le noir et la couleur : ces vitraux sont ainsi fidèles à l’esthétique de Pierre Soulages, telle qu’elle se manifeste aussi dans ses célèbres tableaux exposés à Rodez.

Dans un deuxième temps, une deuxième lecture à plusieurs voix a permis de découvrir La lumière du monde, une série de textes sur l’écriture, et le rapport de Christian Bobin avec les auteurs qu’il a aimés. Il y a ainsi de beaux passages très élogieux sur Émily Dickinson, lus par Éric « Ériciel » Dubois.

Les « Mots à la bouche » lisent la peur
Après une courte pause, place aux lecteurs des « Mots à la bouche », qui ont proposé une série de textes sur le thème de la peur, entrecoupés de notes d’orgue de barbarie. Le texte d’ouverture m’a beaucoup séduit car il était très drôle, il s’agissait de « La peur » de Jean-Michel Ribes. Nous avons entendu aussi un extrait du Horla de Maupassant, du Lambeau de Philippe Lançon (sur la tuerie de Charlie Hebdo), du Journal d’Anne Franck, de La Chatte de Colette, d’Alex de Pierre Lemaître. J’ai beaucoup aimé le texte de clôture sur la rivière qui devient océan, par Khalil Gibran, où la peur surmontée laisse place à la sérénité.

Cette série de textes sur la peur ne constitue en réalité que la moitié d’un programme qui sera présenté dans son intégralité le 14 avril à l’Espace Magnan. Dès le 10 février, toujours à l’Espace Magnan, vous pourrez assister à une lecture « Poésie du voyage ». D’autres événements sont prévus au mois de mars, à retrouver sur le site de l’association.
Les événements à venir de « Jeudi des mots »
- Sur « Jeudidesmots.com », une anthologie numérique intitulée « Cheveux aux vents » prise de position en faveur des femmes iraniennes en lutte contre le voile et le régime autoritaire de leur pays.
- Le 4 février, il y aura une présentation, aux Diables Bleus, par un groupe féministe, du recueil « Brûler » de Nicole Narki Nal, membre des « Jeudis des mots » récemment décédée.
- En février, il y aura aussi la publication de la revue de Patrick Joquel, Cairns, qui sera présentée avec l’anthologie de « Jeudi des mots » sur les Frontières, dans le cadre du Printemps des Poètes, au mois de mars.
- En février, « Jeudi des mots » invitera Béatrice Machet, poétesse, performeuse et traductrice, passeuse de poèmes amérindiens. À la suite se tiendra une scène ouverte pour quiconque souhaite présenter des textes sur la multiplicité et les couleurs du monde.
- En mars, « Jeudi des mots » exposera ses poèmes à la bibliothèque de Vieux-Habitants, charmante bourgade côtière de Guadeloupe où je suis déjà passé.
- En juin, « Jeudi des mots » sera présent au Marché de la Poésie à Paris, et en juillet au festival « Voix vives » de Sète.
