« Le complexe de l’écrivain » d’Éric Dubois

Quand un poète écrit une nouvelle ou un roman, ça donne toujours quelque chose d’intéressant. Le complexe de l’écrivain, publié à la suite de Paris est une histoire d’amour (dont je vous parlerai une autre fois), aux éditions Unicité en 2022, se lit comme une nouvelle métadiscursive, où le sujet central est le livre même qu’on a entre les mains.

Un tel choix — que le roman parle avant tout de lui-même — aurait pu donner lieu à un discours théorique ou aride, où le roman se regarderait le nombril sans parvenir à sortir de sa mise en abyme. Rien de tel chez Éric Dubois, grâce à la distance introduite par l’humour.

Le complexe de l’écrivain conserve ainsi, du premier mot jusqu’au dernier, une rafraîchissante légèreté. C’est l’histoire d’un poète nommé Bertrand Cire, qui rêve de gloire et de succès, mais qui ne se voit pas comme un romancier à gros tirages. Sa petite copine, Laure, se moque de ses poèmes parus dans des revues confidentielles et de ses piges qui lui rapportent tout juste de quoi vivre. Ce jeune poète sait très bien qu’il n’est qu’un être de papier sorti de l’imagination d’Éric Dubois, un poète cinquantenaire qui voudrait bien, lui aussi, écrire un roman. Laure reste incrédule, lorsque Bertrand le lui révèle.

L’importance du dialogue dans cette nouvelle fait qu’elle se lit comme une saynète ou un scénario. Les échanges, vifs, font se télescoper deux visions de l’écriture : la vision idéaliste de Bertrand, qui se décrit lui-même comme un pigeon malade, et celle, pragmatique, de Laure, qui lui conseille de démarcher des écrivains connus, voire de coucher avec des célébrités.

L’irruption de ces personnages réels dans le roman est très savoureuse. Voici que Frédéric Beigbeder, Thierry Ardisson ou encore Christine Angot interviennent, comme autant de figures de la réussite, de l’écrivain médiatique à succès. Eux surfent sur l’air du temps. Notre Bertrand est pris entre fadcination et rejet.

C’est ainsi sur le mode de l’humour et de la légèreté qu’Éric Dubois pose des questions qui sont essentielles pour tout écrivain. Quel équilibre trouver afin que la promotion de son écriture ne devienne pas compromission ? Qui a le plus raison, de Laure ou de Bertrand ? Peut-on concilier les deux ?

Et le livre que l’on lit, ce récit-là, n’est-il pas le résultat de cette quête, un véritable roman de poète, suffisamment drôle et léger pour plaire au grand public, et suffisamment réflexif et autocritique pour rester fidèle à son auteur ?


Références de l’ouvrage : Éric Dubois, Paris est une histoire d’amour, suivi de Le complexe de l’écrivain, Éditions Unicité, 2022.

Image d’en-tête trouvée sur la banque d’images Pexels fournie par WordPress.

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