Connaissez-vous Christophe Condello ?

J’ai découvert le poète que je vais vous présenter aujourd’hui parce qu’il est un lecteur fidèle de ce blog. Lui-même blogueur, il s’attache à présenter la poésie des autres à travers de petites « mises en lumière », qu’il diffuse également sur Facebook. Né en France, il vit et travaille au Québec. Il a gentiment accepté de répondre à quelques questions, et il a même proposé quelques poèmes que je puisse publier. Qu’il en soit ici vivement remercié.

Le poète en quelques mots

Christophe Condello se présente lui-même volontiers comme « poète, haïkiste, blogueur, chroniqueur et pacifiste ». Directeur littéraire de la collection Magma Poésie, collection de poésie francophone, chez Pierre Turcotte Éditeur, il fait partie de plusieurs associations et sociétés poétiques, participe à de nombreux événements poétiques et a déjà reçu plusieurs prix de poésie. Il est surtout l’auteur de sept recueils de poésie. Il a accepté de nous en dire plus sur son parcours.

1) Comment êtes-vous venu à la poésie ?

Je lisais un peu de poésie, je dirais par obligation à l’école, jusqu’à ce qu’un professeur me fasse découvrir Roberto Juarroz. Ses Poésies verticales ont été une véritable révélation. Depuis ce temps là, la poésie m’habite et ne m’a plus jamais quitté. Une véritable dépendance s’est emparée de moi et a empiré avec le temps. Mon arrivée au Québec m’a permis de m’imprégner d’une autre poésie, ou les distances, le climat, les paysages, sont des acteurs très importants du poème. Normand de Bellefeuille m’a aussi donné un énorme coup de main au tout début de mon processus d’écriture et je lui en suis reconnaissant. Les livres, les poètes, les rencontres, les voyages, ont fait le reste.

2) Quelles sont vos inspirations majeures ?

Outre Juarroz dont je viens de parler, il y a Anise Koltz, une poète luxembourgeoise majeure qui me donne beaucoup de joie à la redécouvrir chaque fois et m’inspire. J’apprécie grandement aussi lire et relire Adonis, Israel Eliraz, Gaston Miron, André du Bouchet, Hélène Dorion, Christian Bobin et tant d’autres… J’aime aborder dans mes recueils l’intime, le ressenti, le sens éventuel de la vie, tous les espaces qui nous habitent et que nous occupons, même parfois sans le savoir. Ma poésie est minimaliste, existentielle et polysémique.

3) J’apprécie beaucoup les « petites mises en lumière » que vous diffusez sur votre blog. Comment ce blog est-il né ? Comment s’articule chez vous pratique poétique et exploration critique ?

Je trouvais, il y a un peu plus d’une quinzaine d’années, que la poésie manquait d’espace sur la toile. Il y avait bien-sûr les annonces de sorties et lancements de recueil, nécessaires, et quelques critiques très intéressantes. Des poètes faisaient également la promotion de leurs livres et poèmes. Je me suis alors dis pourquoi ne pas faire passer un peu de poésie, de façon aléatoire. Donner un espace désordonné, diversifié et accessible à cette passion qui me nourrit. Travaillant à temps plein, je n’avais pas vraiment le temps de rédiger de nombreuses et prolifiques critiques. C’est ainsi que j’ai commencé à mettre en ligne un poème ou une citation d’un auteur, pour finalement en arriver aux mises en lumière actuelles. J’étais suivi par une trentaine de personne la première année, aujourd’hui j’ai autour de 500 à 600 personnes chaque jour qui viennent lire une ou plusieurs mises en lumière. Et les poètes du monde entier m’alimentent ainsi que quelques maisons d’édition. Je reçois toujours avec bonheur beaucoup de textes et de livres, je les en remercie grandement et leur demande un peu de patience quant à la mise en ligne car le temps me manque.

Chaque matin je me lève très tôt, et l’un de mes premiers gestes est de prendre un recueil de poèmes en main. Je débute sans exception toutes mes journées de la même façon. Ensuite je vais nourrir mon blogue par de petites mises en lumière, j’y mets donc en avant la poésie, principalement celle des autres.

Les choix de recueils que je lis et des mises en lumière varient, entre ceux que je reçois d’éditeurs, ceux que je reçois des poètes directement et ceux que je me procure. Il y a aussi le contenu des messages des poètes, connus et inconnus, qui me sont envoyés, qui ont une influence.

Je fonctionne par qualité des écrits, par goût, mais aussi par coup de cœur. La poésie est et doit rester une aventure humaine. Quand le recueil de poésie d’un auteur me rejoint, je vais lire sur lui, sa vie, son œuvre. Je me procure plusieurs de ses livres. Un peu comme une recherche méthodologique rigoureuse et pertinente, dans le plaisir, la découverte et l’émotion. Je peux d’autres fois évoluer par thèmes ou par courants. Il n’y a pas, je pense, d’écriture et de créativité, sans lecture au préalable. Cela laisse une trace, une influence, qui nous permet ensuite de libérer notre esprit et notre plume. Le but des « mises en lumière » est donc très clair, donner l’envie de lire un ou une poète.

4) Vous vous êtes installé à Laval au Québec. Comment se porte la poésie outre Atlantique ? Pouvez-vous présenter les grandes voix poétiques du Québec ? Êtes-vous en dialogue avec elles ?

Même si je sais pertinemment que la place du livre traditionnel et des libraires est menacée et la situation pas facile du tout, la poésie nous permet d’expérimenter d’autres territoires, de rêver, de nous évader ou de prendre conscience de tellement de réalités, qui nous échapperaient autrement. La poésie est universelle et immortelle, j’en suis profondément persuadé et saura trouver son chemin dans les années à venir.

Il en est de même au Québec où les poètes sont nombreux et talentueux. Il y a beaucoup de recueils qui sortent chaque mois, et la qualité est très souvent au rendez-vous. Je ne saurai passer sous silence Hélène Dorion qui est à mon sens une grande poète et pas seulement du Québec. Son chant est très personnel, féministe, quotidien, ouvert sur l’ailleurs. Ses textes, ses mots, sont précis, concis, lumineux et nous emmène dans un espace inimitable, majestueux et indéfinissable.

La poésie de Louise Dupré est quant à elle pleine d’humanité et de clarté. Ses poèmes, en toute simplicité, nous rappelent la beauté du monde et parfois, ses injustices. Je suis certain qu’une telle apparence de facilité est le fruit de nombreux efforts.

Enfin l’écriture de Normand de Bellefeuille est sans pareille. D’une intelligence rare, les textes de Normand sont uniques, allégoriques, usent de répétitions et d’adverbes, et nous laissent très souvent sur le bord du vide. Ce vertige qui lui seul sait créer est phénoménal et inspirant.

Il y en a tant d’autres qui font de notre paysage poétique une richesse et une fierté: José Acquelin, Joséphine Bacon, Paul Chamberland, Aimée Dandois, Carole David, Denise Desautels, Jean-Paul Daoust, Kim Doré, Fernand Durepos, Jean-Pierre Gaudreau, Tania Langlais, etc…

La liste pourrait être bien plus longue tant les bons poètes existent dans notre belle province. Certains sont des amis ou connaissances, mais tous savent nous inspirer par l’excellence de leur création.

5) Quelle est la place du Québec dans votre imaginaire poétique ?

La place du Québec est immense et omniprésente. Vous savez, j’ai passé la majorité de ma vie ici et il est impossible d’en faire abstraction. Les lieux, les distances, le climat, l’histoire, la politique, la poésie, le quotidien, tout est prétexte à ces inspirations pour pénétrer le poème.

Même si je me fais un devoir de lire les poètes du monde entier, mon écriture est peuplée de nordicité. Elle y respire. Elle essaie de questionner, révéler, retranscrire, revendiquer. Elle se veut proche, et j’espère pourtant qu’elle sait aussi nous emporter au loin. Elle épouse les distances et les saisons, gigantesques dans nos contrées, pour mieux nous comprendre et nous rapprocher.

Comme l’a si bien écrit Alain Grandbois,  »Je flotte au creux des houles » de la poésie québécoise.

Voilà, je souhaite à toutes et tous quiétude et inspiration, je tiens sincèrement à vous remercier de faire vivre la poésie et de m’avoir offert l’occasion de m’exprimer sur cette belle tribune.


Un poème de Christophe Condello

Pieds nus dans l’âme

Sommes-nous passerelle
entre tous les humains
entre toutes les époques
un pont suspendu
au-dessus de l'indifférence
ce jardin multicolore
pétri de diversité

si peu nous est offert

pour ouvrir ce passage
qui définitivement
nous guidera

de l’anatomie à l'âme
de la terre au ciel
des nuages aux oiseaux
de soi à nous

couchés sous la Grande Ourse
toundra lumineuse
sans commencement et sans fin
humbles
nous tendons la main

Pieds nus dans l'âme
la vie parfois primitive
s'offre
brutale
se trouve
dans l'intervalle
entre deux ciels laminés

elle s'affirme avec le temps
qui efface
la mémoire de nos sèves

subsiste en elle
un territoire
plus vaste
que toute certitude
un territoire qui pourra recevoir
et la neige
le sexe diaphane des étoiles
et n'être plus
qu'un feu dans la nuit
le souffle de nos moissons

la respiration
de chaque croyance

Il est l'heure de la lumière
nous prenons la route
vers le nord
malgré les tempêtes
celles passées et celles à venir
nous désirons
une présence à l'autre
que plus personne ne parle

à notre place

nous attendons
le premier flocon
comme un baiser

Je remercie Christophe Condello pour avoir accepté de répondre à mes questions et pour avoir eu la gentillesse de me proposer ce très beau poème à publier. Il m’a également fourni une photo qui servira d’image d’en-tête à cet article : qu’il en soit, encore une fois, remercié.

5 commentaires sur « Connaissez-vous Christophe Condello ? »

  1. Je lis souvent ses petites mises en lumière sur FB. C’est une belle idée. Gabriel Vittorio, je vous remercie de nous faire découvrir sa poésie également.

    Aimé par 1 personne

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s