L’Italie et moi

Sitôt passée la frontière, c’est une autre atmosphère que l’on respire. Les gratte-ciel de la Côte d’Azur laissent place à des jardins potagers. Le littoral, abrupt, n’attire pas autant les touristes. Les façades montrent leur âge avec moins de gêne.

Depuis longtemps pourtant, toutes les villes du monde se ressemblent. Et cette uniformisation va croissant. Ce sont partout les mêmes ronds-points, les mêmes immeubles, les mêmes enseignes. Mais il y a bien quelque chose qui résiste à la mondialisation. Quelque chose de l’ordre de l’impalpable. Je suis toujours heureux d’être en Italie.

J’ai certes des origines italiennes par trois de mes grands-parents. Mais eux-mêmes sont nés en France ou y sont arrivés très jeunes. Ces origines jouent sans doute dans mon attrait pour l’Italie, mais ce n’est pas au sein de la famille que j’ai appris l’italien. Comme de nombreux Français, j’ai commencé l’apprentissage de cette langue en classe de quatrième. J’ai poursuivi jusqu’en classes préparatoires littéraires, où j’ai choisi l’italien comme première langue vivante.

J’ai alors bénéficié d’un apprentissage intensif à raison de six heures par semaine. La méthode était peu ludique mais très efficace : l’apprentissage par cœur de plus d’une centaine de mots par semaine, auxquels il faut ajouter les tournures relevées dans les thèmes et versions. C’est grâce à cela que j’ai appris que « truelle » se dit cazzuola : je n’ai pas encore réussi à caser ce mot dans une conversation.

Dès les débuts, l’italien a été une langue de cœur. J’en aime les sonorités, la fluidité, la douceur. C’est toujours un grand plaisir pour moi que de parler italien, bien plus que de parler anglais. Certes, mon italien est très académique, je comprends mieux une conférence sur le maniérisme pictural que le langage parlé au coin de la rue. Mais le plaisir est évident.

L’Italie est pour moi à la fois dépaysante et familière. J’en aime l’architecture, les centres historiques où la moindre chapelle serait appelée en France cathédrale. J’aime son café, ses Vespa et ses pizzas. J’aime son atmosphère, cet impalpable dont je parlais. Cette sorte d’authenticité et de naturel que je trouve peut-être un peu moins en France.

Côté littérature, les grandes voix datent de la fin du Moyen Âge : Dante, Pétrarque, Boccace. J’ai été passionné par les cours que j’ai suivis sur eux. J’aime bien aussi, dans le désordre, et pour des raisons différentes, Lampedusa, D’Annunzio, Elsa Morante, Beppe Fenoglio, Leonardo Sciascia, Curzio Malaparte, Alberto Moravia, Umberto Eco, Erri de Luca, pour citer les écrivains qui m’ont marqués, parmi tous ceux que j’ai rencontrés dans mes études. Je me souviens que Erri de Luca est particulièrement redoutable à traduire.

Quand j’en aurai le temps, il faudra que je comble mes lacunes en termes de poésie italienne contemporaine. On m’a fait surtout lire de la prose pendant mes études. Je connais bien sûr quelques noms : Andrea Zanzotto, Mario Luzi, Enza Palamara… Cela fait partie de ma pile à lire, j’ai notamment acquis de très belles traductions de Mario Luzi par Jean-Yves Masson.

En 2020, j’ai pris beaucoup de plaisir à enseigner en italien dans une école bilingue.

Bref, je pourrais vous parler encore longuement de l’Italie, de sa peinture, de sa musique, de son histoire. Ce sont là des domaines qui me passionnent. Mais mon amour pour l’Italie est plus profond que cela, il tient à sa langue même, voire à son âme.

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