C’était ce vendredi 5 août, à 20 heures, au cœur de la capitale des parfums. La ville avait d’ailleurs, ce jour-là, célébré la fête du jasmin. Mais si je me suis rendu à Grasse, ce soir-là, c’était pour participer à une scène ouverte de poésie. En plein centre historique, dans un dédale de ruelles décorées d’ombrelles roses suspendues, se trouve « L’Arrosoir ». C’est dans ce restaurant que Michel Saint Dragon organise, le premier vendredi de chaque mois, une scène slam.
L’un des murs du restaurant est une baie vitrée repliable, si bien que, lors des belles soirées d’été, la frontière entre l’intérieur et la terrasse, partiellement couverte, s’estompe. C’est dans ce beau cadre que Michel Saint Dragon a posé son micro, passant de table en table pour définir l’ordre de passage des participants.

Je suis arrivé un peu en avance, le temps de terminer une glace. J’avais en effet bêtement supposé que « L’Arrosoir », avec son nom, était un bar, et qu’il me faudrait dîner avant de venir. En realité, il s’agit bien d’un restaurant, qui possède une carte simple mais alléchante, entièrement constituée de produits locaux. Je me suis promis, si d’aventure je participais à nouveau, d’en goûter une partie.
Si je vous parle de ces détails, c’est que c’était la première fois pour moi de participer à une scène slam où le public mange. Certes, il s’agissait d’un public particulièrement attentif et bienveillant. Malgré tout, je n’y étais pas habitué.
Lors du premier round, je suis passé en deuxième. J’ai recité « Aire », un poème très récent qui ne cache pas l’influence du célèbre « Zone » d’Apollinaire, dans lequel j’exprime une certaine lassitude envers notre époque encore bien arriérée à certains égards.

On se succède ensuite au micro. Certains sont très forts. Une dame explique sa démarche consistant à se faire la scribe d’autres personnes, dans le cadre d’un projet poétique. Elle raconte alors l’histoire d’une femme battue qui a mis quinze ans pour oser s’extraire de cet enfer. Plus tard dans la soirée, un homme a pris le micro pour dénoncer les violences conjugales, lisant un texte qui se place du point de vue du tortionnaire. Plus loin dans la rue, des enfants crient, comme pour ajouter une bande sonore inquiétante à ce texte poignant.
Un feu d’artifice, au loin, éclate juste avant mon deuxième passage. Je décide d’en prendre partie, calant le rythme de ma voix sur les salves d’artillerie. Le texte s’y prête. Je joue un rôle beaucoup plus exubérant que prévu. Et ça fonctionne, le public adhère totalement. Bien sûr, cela aurait été encore mieux si j’avais pu anticiper cela, cette nécessité de devoir couvrir le son du feu d’artifice. Et j’aurais été beaucoup plus libre dans mon jeu si j’avais su le poème par cœur. Mais je me suis bien amusé à haranguer le public. Et nous avons marié la poésie avec les étoiles !
Bref, c’était encore une belle soirée de poésie, dans un restaurant rempli à son comble. Certains sont montés sur scène pour la toute première fois. Des enfants et des personnes âgées se sont succédé au micro. Et Michel Saint Dragon a conclu avec l’une de ses performances si bien rôdées, occupant tout l’espace du restaurant, prenant individuellement à partie chaque convive, passant du murmure au cri et au chant, véritable troubadour des temps modernes.
Informations pratiques

- Michel Saint Dragon, à l’état civil Michel Vieulle, est l’auteur de deux recueils de poésie. Un troisième est en préparation. Mais c’est surtout à l’oral, proclamée directement au public, que sa poésie trouve toute sa force. Il donne régulièrement des récitals. Il anime des scènes ouvertes de poésie-slam, à Nice au café « Chez Pauline » et à Grasse au restaurant « L’Arrosoir ».
- « L’Arrosoir » se trouve dans la vieille ville de Grasse, au 6, rue des Moulinets, au cœur d’un dédale de ruelles. Il est ouvert du lundi au samedi de 10h à 15h, ainsi que les vendredis et samedis soirs de 18h à 22h. Les scènes ouvertes de slam ont lieu le premier vendredi de chaque mois, le soir. Le parking payant « Hôtel de ville – Cathédrale » se trouve à proximité.
Belle soirée, je n’en doute pas un instant 😀. Dommage que ce soit si loin…
J’aimeAimé par 1 personne