« Myrtos mon amour, t’emporter partout où je suis ton sourire et dépasser l’absence, les rideaux verts voguent un bateau amarré sur le bord de ces rochers.
Cette absence toujours à supporter. Je ne sais plus qui je suis. Tu m’as quittée. Depuis cet instant je ne suis plus moi. Ce soir dans la rue, les autres, d’autres gens, d’autres visages. Rien de commun entre eux et moi. Le sentiment d’appartenir à un autre monde.
Le manque, une déchirure qui n’en finit plus d’arracher un à un les lambeaux du passé comme s’il fallait arracher la mémoire.
[…]
Des maisons face à la mer, des façades où nous aurions pu vivre, tout ce en quoi je ne crois plus, une plaie toujours ouverte sur le mal de toi, tu es manque constant, certitude absolue
je t’aime, j’accepte cet amour, je t’accepte, dans la douleur et la joie, pauvre absence perdue dans les pierres de Myrtos, sur le chemin brûlant de quelques ruines. »
Source : Béatrice Bonhomme, « Myrtos mon amour », dans Photographies, Colomars, Melis, 2004, p. 16.
Image d’en-tête : Pexels (banque d’images libres fournie par WordPress)
Béatrice Bonhomme, née en 1954 à Alger, vit et travaille à Nice, où elle enseigne la littérature française du vingtième siècle à l’Université de Nice. Dès l’enfance, la lecture et l’écriture ont pleinement fait partie de son quotidien, si bien qu’elles apparaissent pour elle comme des activités concrètes, qui impliquent le corps aussi bien que l’esprit. Ses nombreux recueils de poésie partent de cette intimité, du vécu, du corps, pour en extraire la matière universelle, archétypale, anonyme. Elle pratique ainsi un lyrisme nu, ouvert aux blessures de l’existence comme aux beautés du monde. Parmi ses nombreuses publications, on peut citer Les Gestes de la neige, Dialogue avec l’anonyme, Variations de la rose et du désir, ainsi que deux livres de deuil, Passant de la lumière et Mutilations d’arbre.
