Les « Vers de rage » de Stephen Blanchard

La place des poètes n’est pas dans une tour d’ivoire mais bien au cœur de la Cité, à cet endroit même d’où Platon, en son temps, avait voulu l’exclure. Aède, barde, trouvère, griot : le poète parle au nom d’une collectivité à laquelle il donne voix. Aussi le poète a-t-il, autant que le journaliste, le droit d’évoquer l’actualité. C’est bien elle qui est au cœur du vingt-quatrième ouvrage de Stephen Blanchard, Vers de rage, paru aux éditions France Libris.

Le poète, en effet, exprime sa rage envers les politiques, les évadés fiscaux, les gilets jaunes, les médias, et se dresse ainsi contre les injustices et les misères de notre temps. Force est de constater qu’un gouffre existe entre ce que notre époque devrait être, et ce qu’elle est. La guerre, la famine, la misère, la pauvreté, la violence, la destruction de la nature, tout cela devrait aujourd’hui appartenir au passé, et être considéré comme les recours de sociétés archaïques. Hélas, ces expédients ont la vie dure, et notre présent demeure si lourdement marqué par ces procédés primaires que l’avenir même en est noirci. La rage de Stephen Blanchard est donc parfaitement légitime.

"Quand l'univers est tant accablé de misères,
Où semer l'espérance et les fruits de l'amour ?
Profitons de l'instant au cœur de nos chaumières
Pour rallumer en soi le chant du troubadour." (p. 31)

Malgré quelques leçons de morale un peu mièvres (« Ouvrons plutôt nos cœurs pour éviter la haine »), les alexandrins de Stephen Blanchard, regroupés en poèmes de quatre quatrains, prennent le parti des faibles et des opprimés :

"Et pendant ce temps-là, à l'autre bout du monde,
Des peuples opprimés n'ont plus de quoi manger,
Souffrant de tant d'écueils lorsque la terre gronde,
Un malheur ignoré pour un plus grand danger." (p. 23)

Sous la plume de Stephen Blanchard, il devient manifeste que l’actualité politique n’est qu’une mauvaise farce tout juste digne de Guignol, une scène médiatique où paradent les égos, pendant que le peuple continue de souffrir dans l’indifférence générale.

"Mais qui pourra sauver la fierté de la France,
Quand seule l'ambition préside à son sommet,
Que les dés sont pipés pour ceux dans la souffrance,
Désormais, quel espoir l'avenir leur promet ?" (p. 21)

C’est ainsi que les vers satiriques de Stephen Blanchard prennent avant tout pour cible la tentation du profit, puisque celle-ci demeure l’unique boussole des décideurs :

"Ne reprendrez-vous pas un peu de pesticides,
Les stocks sont importants pour se faire du blé
En dépôts continus, gavés de fongicides,
Un enfant peut-il naître en ce temps si troublé ?" (p. 20)

On appréciera les traits d’humour et les jeux de mots qui soulignent la satire, comme ces « premiers de corvée » qui font allusion à l’expression « premiers de cordée » employée par le président Macron pour justifier certaines inégalités. Tous les partis, toutes les personnalités politiques en prennent pour leur grade, depuis Mélenchon jusqu’à Le Pen.

Références de l’ouvrage : Stephen BLANCHARD, Vers de rage, France Libris, Dijon, 2022.

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2 commentaires sur « Les « Vers de rage » de Stephen Blanchard »

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