
Je viens d’apprendre, grâce à une publication du Mercure de France sur les réseaux sociaux, une nouvelle extrêmement réjouissante : Jean-Michel Maulpoix vient de recevoir le prix Goncourt de poésie Robert Sabatier 2022 pour l’ensemble de son œuvre.

Jean-Michel Maulpoix est né le 11 novembre 1952, jour d’armistice, à Montbéliard. Il grandit entre Vosges et Jura, avant de poursuivre de prestigieuses études supérieures à l’École Normale Supérieure. Il enseigne d’abord dans le secondaire, puis, notamment, à l’ENS, à l’Université de Nanterre et à la Sorbonne. Cette brillante carrière universitaire, marquée par la publication d’essais et de travaux critiques sur la notion de lyrisme qui ont fait date, s’est accompagnée de la parution de nombreux livres de poésie. Depuis Locturnes en 1978, Jean-Michel Maulpoix a publié au rythme d’un ouvrage tous les deux ou trois ans, parfois davantage. C’est cette œuvre poétique qui vient d’être saluée par le prix Goncourt. Une œuvre que je connais bien, puisque je lui ai consacré mes deux mémoires de Master, puis ma thèse de doctorat.
Ce qui m’a immédiatement séduit chez Jean-Michel Maulpoix ? Difficile à dire, tant c’est un ensemble. Disons que je me reconnaissais bien dans ses mots, dans sa langue, dans sa façon de peindre la condition claudicante de l’homme contemporain. Car Jean-Michel Maulpoix est bien de son temps. Le poète dit combien nous sommes désorientés, hagards, désabusés, voire désenchantés, puisque nous vivons désormais dans un monde sans dieux ni idéologies unanimes, tout en conservant le goût, voire le besoin, de quelque chose d’autre, d’un idéal, de ce bleu en nous et autour de nous. Nous voici donc, petits êtres ballottés par la vie, malmenés par le temps, engoncés dans notre quotidien, torturés par nos appétits, nos désirs, nos angoisses et notre peur de mourir. La poésie de Jean-Michel Maulpoix repose sur une interrogation que l’on pourra dire spirituelle, ou métaphysique, ou existentielle, et qui explique que l’oeuvre est de part en part traversée par une vive inquiétude. Dès lors, fréquemment, le poème dissone, grince, et fait entendre les couacs de notre inquiétude, en particulier dans Domaine public, qui fait état d’une grave crise, personnelle et universelle.
Mais ce qui m’a précisément séduit chez Jean-Michel Maulpoix, c’est qu’il n’en reste pas au constat du malaise et de l’inquiétude. Il essaie, toujours, de se porter au-delà. Si le motif de la dissonance et de l’inquiétude est présent tout au long de l’oeuvre, une tension vers l’apaisement est tout aussi perceptible. Selon des modalités diverses selon le recueil considéré. Écrire, c’est pour Jean-Michel Maulpoix une tentative d’y voir plus clair, une façon de rechercher un « toucher juste », une quête obstinée d’apaisement. Et pour moi, cela est intimement lié à la forme même des poèmes, au choix de la prose et à la prédilection pour des phrases longues, amples, qui se lisent comme des périodes cicéroniennes : une façon de rechercher du continu par-delà les brisures de la vie, d’introduire du liant dans tout ce qui nous sépare trop souvent, d’utiliser peut-être la langue comme un baume sur nos plaies spirituelles. Une « basse continue ».
Poète du bleu, de la mer, du ciel et de la neige, Jean-Michel Maulpoix a su trouver dans ces éléments la matière d’une poésie qui convient à notre temps. Nous, hommes du vingt-et-unième siècle, qui vivons dans un monde où les lendemains sont particulièrement incertains, nous avons besoin de cette poésie qui cherche à dépasser l’inquiétude et la dissonance.
Alors je voudrais terminer en remerciant Jean-Michel Maulpoix. Il ne se doute peut-être pas de l’importance qu’il a eue dans ma vie. Ses livres m’accompagnent depuis près de quinze ans. Il m’a donné envie de me spécialiser dans la poésie contemporaine. Il m’a donné encore plus envie d’écrire à mon tour des poèmes. Il a été d’une très grande gentillesse, ayant accepté de me recevoir à Nanterre, puis de venir à Nice, le jour de la soutenance de ma thèse, pour me témoigner sa sympathie et pour offrir à l’assistance une lecture de ses poèmes. Oui, vraiment, merci.
Quand j’ai appris que JM Maulpoix avait reçu le prix Goncourt de poésie, je me suis dit : « voilà qui va faire plaisir à Gabriel Grossi « , et je m’en suis doublement réjoui!
J’aimeAimé par 1 personne