L’œuvre de Joris-Karl Huysmans fait l’objet, depuis longtemps, de nombreuses recherches et d’études critiques. Mais elle demeure aujourd’hui moins connue que celles d’autres romanciers du dix-neuvième siècle tels que Stendhal ou Zola. C’est pourquoi un important colloque international se propose de faire le point sur les Actualités huysmansiennes. Il a débuté aujourd’hui, à Nice, sous la direction d’Alice De Georges et de Marc Smeets.
Un hommage au professeur Seillan
Ce colloque était, en même temps, l’occasion d’un hommage rendu à Jean-Marie Seillan, professeur émérite, et grand spécialiste de l’œuvre de Huysmans. Après avoir un temps enseigné dans des universités africaines, il a longtemps professé à l’Université de Nice, où il a dirigé, pendant quelques années, le Centre Transdisciplinaire d’Épistémologie de la Littérature (CTEL). Il est à l’origine d’une édition critique des Œuvres complètes de Huysmans, la seule parue depuis les années trente, dont certains volumes sont encore à paraître. Ce travail d’édition et ses nombreuses recherches font de lui un éminent spécialiste du romancier.
Huysmans et la critique d’art
Je n’ai eu la possibilité d’assister qu’aux deux premières des conférences de ce colloque. La première, par Daniel Grojnowski, professeur émérite à l’Université Paris VII, spécialiste des avant-gardes fin-de-siècle, s’est intéressé au rapport de Huysmans à la critique d’art, et en particulier aux nuances de sens que prennent les termes de « moderne » et de « modernité » chez Huysmans et Baudelaire. Cette conférence a montré combien des peintres aujourd’hui mondialement reconnus, dont les toiles se vendent des millions, pouvaient à l’époque être jugés de façon très sévère par un jeune Huysmans attaché à une esthétique de l’imitation, où la marque du peintre ne doit pas se voir. Cette première communication a également permis de savourer le ton mordant, combatif, polémique de Huysmans, un « atrabilaire caustique » qui, dans ses critiques d’art, implique le lecteur, et parvient à nous faire voir le tableau comme s’il se trouvait vraiment devant nous.
Un incorrigible casanier
Très savoureuse était également la communication d’Odile Gannier, professeur de Littérature Générale et Comparée à l’Université de Nice. Elle est intervenue en tant que spécialiste de la littérature de voyage, précisément pour montrer à quel point Huysmans était un incorrigible casanier — un trait que partagent aussi nombre de ses personnages. Il n’y a que le voyage imaginaire, la rêverie personnelle, la quête spirituelle qui fassent se déplacer le romancier. Virtuellement, donc. Les voyages réels l’ennuient et l’importunent. Il n’a guère consenti à se déplacer que pour fréquenter des musées. Ses héros ne sont pas plus aventureux. Huysmans est animé par un idéal d’immobilité. Et quand il s’agit de décrire un voyage, le personnage apparaît comme ballotté malgré lui dans un univers qui le dégoûte. Il exècre la foule, les odeurs, la crasse, la promiscuité, les inconvénients multiples du transport, et il le dit dans une langue ironique et mordante, capable aussi de reproduire l’oralité de ces personnages hauts en couleur. Dans l’un des romans, le héros est enrôlé de force dans l’armée et ne fait que subir le voyage. Ces différents éléments m’ont immédiatement évoqué Céline, et, de fait, c’est en évoquant cet auteur qu’Odile Gannier a conclu sa conférence.
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Ce colloque s’annonce ainsi extrêmement passionnant, et je regrette de ne pouvoir le suivre dans son entier. Les actes paraîtront aux éditions Classiques Garnier, qui éditent aussi les Œuvres complètes de Huysmans.
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Cette étiquette d’incorrigible casanier parait toujours un peu curieuse concernant un homme qui a effectué au moins 9 voyages à l’étranger (Belgique, Hollande, Allemagne) ainsi que plus d’une quinzaine en France (Bretagne, Marseille, Lyon, etc…) sans compter les déplacements courts (une journée ou deux). Certes, il n’aimait guère les déplacaments, mais néanmoins les effectuait, alors qu’aucune obligation ne s’imposait à lui.
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Oui, il semblerait qu’il ait voyagé en particulier pour aller à des musées, mais qu’il n’appréciait guère.
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