Né à une centaine de kilomètres au sud de Dakar, Léopold Sédar Senghor a grandi dans une famille aisée. Après des études secondaires au Sénégal, il embarque pour Paris afin de poursuivre de prestigieuses études supérieures : khâgne au lycée Louis-le-Grand, agrégation de grammaire. Après avoir enseigné quelque temps le français dans des lycées de province, il devient député du Sénégal en 1945. Il sera ensuite le premier président de la République du Sénégal, de l’indépendance du pays (1960) à sa nomination à l’Académie française (1983). Il est mort en 2001, après une longue carrière politique et poétique, riche de nombreuses rencontres.
Le poème que je voudrais aujourd’hui vous présenter est celui proposé par le site « icours », qui a choisi le poème « Femme noire », extrait de Chants d’ombre, pour illustrer la poésie de Senghor.

Source du texte : Léopold Ségar Senghor, Chants d’ombre, via le site iCours. • Source de l’image : Image par Jackson David de Pixabay.
Ce poème m’a séduit par sa solennité, laquelle permet d’élever le registre de l’ode galante à un discours beaucoup plus profond. Si le poème débute par une adresse à la femme aimée, on comprend bien vite que cette dernière devient un emblème, une image de l’Afrique, en même temps qu’une représentation archétypale de la Femme. L’ampleur du verset, qui peut faire penser à la poésie d’un Saint-John Perse, s’inscrit dans une certaine tradition lyrique, tout en faisant sienne le rythme du tam-tam. Les apostrophes « Femme nue, femme noire » apparaissent comme un refrain marqué de subtiles variations, qui relancent, à chaque début de strophe, le souffle poétique.
Il me semble nécessaire, pour bien comprendre ce poème, d’insister sur le fait que Senghar porte ici le lyrisme jusqu’à une dimension épique. Au-delà du discours amoureux, le poète se place bien en aède, en griot, c’est-à-dire en poète qui chante non pas pour lui-même, mais pour un groupe, pour une communauté. D’emblée, le poème dépasse les circonstances de son énonciation, pour s’élever à une dimension universelle. La Femme même est sans âge, elle est à la fois la femme aimée, la mère protectrice et l’Afrique éternelle.
Il s’agit aussi, bien sûr, de faire l’éloge de la femme noire, à une époque où sa beauté n’allait pas de soi : il faut rappeler que, au début du XXe siècle, les femmes aisées d’Europe aimaient à se promener avec une ombrelle, afin de conserver un teint pâle qui contrastait avec le visage tanné de celles qui étaient obligées de travailler tout le jour au soleil. Senghor établit la dignité de la femme noire, renversant les stéréotypes négatifs liés à la noirceur. L’appellatif de « femme obscure » en fait même une figure mystérieuse. La couleur est « vie », la référence au « fruit mûr » rappelle aussi la vitalité. Elle est incarnation de la « savane », et, partant, symbolise l’Afrique toute entière. Elle est enfin la « bouche qui fais lyrique ma bouche », et devient ainsi la source même de la poésie.
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J’espère que vous aurez aimé ce très beau poème. Si c’est le cas, n’hésitez pas à le faire connaître en le partageant sur les divers réseaux sociaux. Je vous invite également à découvrir d’autres poètes assez proches de Senghor. N’oubliez pas que vous pouvez vous abonner par e-mail au blog, de manière à recevoir gratuitement les nouveaux articles.
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t
Très beau poème! Merci de nous le faire connaître Oui c ‘est à la fois la femme ,l ‘Afrique et la Terre universelle et ce chant d’une admirable simplicité ,un sorte de très beau « largo »
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