Enrichir le lexique au cycle 2

On entend souvent que les enfants manquent de vocabulaire, qu’ils n’ont pas les mots qui leur permettent de penser et de s’exprimer. D’où l’importance de travailler le vocabulaire dès le plus jeune âge. Cette préoccupation apparaît dans l’ensemble des disciplines, mais l’étude du lexique occupe aussi un temps dédié. Je vous propose quelques activités faciles à mettre en place.

1. Un œil sur les programmes

Commençons par jeter un œil sur les programmes de cycle 2 (pour le cycle 3, voir mon article sur le vocabulaire au CM1). La compétence qui englobe toutes les autres s’intitule « Construire le lexique ».

1.1 Rencontrer et réutiliser

La première sous-compétence est : « Mobiliser des mots en fonction des lectures et des activités conduites, pour mieux parler, mieux comprendre, mieux écrire. » Ce long intitulé est intéressant dans la mesure où il montre que l’enrichissement lexical passe par la rencontre du vocabulaire à travers notamment la lecture, mais aussi et surtout par le réemploi de ces mots dans des activités d’oral, de compréhension et d’écriture. Le but n’est pas d’entasser des listes de mots dont on ne fait rien ensuite, mais bien d’intégrer ces mots au bagage vivant de l’enfant.

Les programmes précisent que, pour cela, l’enfant doit :

  • Constituer des répertoires à partir des leçons conduites sur les mots rencontrés en lecture.
  • Préciser le sens d’un mot d’après son contexte.

1.2 Faire des liens entre les mots

La deuxième sous-compétence est : « Savoir trouver des synonymes, des antonymes, des mots de la même famille lexicale, sans que ces notions ne constituent des objets d’apprentissage. » En d’autres termes, il ne s’agira pas encore d’utiliser les termes savants de la lexicologie, mais en pratique, ce sont bien ces réalités-là que l’on travaille, à savoir « champs lexicaux, réseaux sémantiques, synonymes, antonymes, mots de la même famille« .

1.3 Percevoir des niveaux de langue

La troisième sous-compétence, « Percevoir les niveaux de langue familier, courant, soutenu« , invite à faire percevoir aux élèves, dès le plus jeune âge, que toutes les façons de dire ne se valent pas, qu’elles sont marquées socialement, et que l’on doit adapter son langage à l’usage du milieu dans lequel on est.

1.4 Utiliser des outils : le dictionnaire

Au cycle 2, l’enfant doit « être capable de consulter un dictionnaire et de se repérer dans un article, sur papier ou en version numérique« . Il s’agit d’initier les élèves au maniement de cet outil, ce qui suppose de « connaître l’ordre alphabétique » mais aussi d’être capable de « consulter des articles de dictionnaire adaptés ».

On notera au passage que, pour un lecteur adulte placé dans une situation réelle de lecture, le recours au dictionnaire est en général un ultime recours, après qu’ont échoué différentes stratégies de compréhension par le contexte ou la morphologie. Aussi importe-t-il que les élèves acquièrent lesdites stratégies, et n’aient pas le réflexe de se précipiter vers le dictionnaire à la moindre hésitation sémantique, sans quoi c’en est fini du plaisir de lire. C’est pourquoi je n’utiliserai pas cet outil en début d’année.

2. Principes généraux

La lecture des programmes m’a fourni quelques principes généraux que je tenterai d’appliquer le mieux possible dans chaque séquence. On peut les résumer ainsi :

Quatre infinitifs essentiels de la démarche

Contrairement aux années précédentes, je serai cette année en charge du vocabulaire dans une classe où je n’enseignerai pas la littérature. Aussi ne pourrai-je pas aussi facilement lier lecture et enrichissement lexical, alors que ces deux activités vont souvent de pair. C’est pourquoi j’ai prévu des activités de lecture décrochées, spécialement pensées avec une visée lexicale.

Les activités qui vont suivre ont été pensées pour des élèves de CE1/CE2, mais je pense qu’elles sont aisément transposables, à la fois au CP (en diminuant alors la part de lecture autonome et d’écriture) et au cycle 3 (en les augmentant au contraire).

3. Progression annuelle

J’ai prévu des séquences centrées sur l’exploration d’un champ lexical en plusieurs séances, qui alternent avec des séquences, souvent plus rapides, portant sur un concept lexicologique (synonymie, hyperonymie, antonymie, etc.).

Période 1 : Septembre-Octobre

Séquence 1 : Les monstres

J’ai voulu, pour commencer l’année, prévoir une séquence assez sympathique par le thème retenu. Les monstres permettent de travailler la description physique de façon plus amusante que s’il s’agissait d’un être humain. Le vocabulaire travaillé est en somme celui du corps humain (tête, ventre, bras, jambe, main) et animal (queue, crête, griffe). On y ajoutera des mots qui traduisent la grande taille (grand, immense, gigantesque, massif…) et des mots qui évoquent la peur (terrifiant, impressionnant, horrible…).

Ce vocabulaire est d’abord amené à travers un brainstorming collectif, afin de montrer aux élèves qu’ils ont déjà des connaissances en la matière. Ensuite, la découverte d’un petit texte ad hoc permet d’amener du vocabulaire nouveau. Ce texte, que j’ai moi-même créé, est bien sûr assez dense sur le plan du lexique : il ne conviendrait pas en lecture-compréhension, mais je le pense adapté à un travail qui ne porte que sur le lexique, sur plusieurs séances.

La séquence est pensée pour faire se succéder la découverte du lexique, sa catégorisation par champs lexicaux (le corps, la grande taille, la peur), sa manipulation à travers différentes activités, et enfin sa réutilisation dans une tâche finale qu’est la production d’écrits.

Déroulement de la séquence en quelques mots

  • Séance 1 : Découverte des mots et réalisation d’un dessin légendé.
  • Séance 2 : Classement des mots (fleur de lexique).
  • Séance 3 : Réutilisation des mots : associer images et descriptions de monstres
  • Séance 4 : Tâche finale : production d’écrits (inventer un monstre)

Séquence 2 : mots génériques et mots spécifiques

Cette deuxième séquence, un peu plus courte que la première, a pour objectif d’habituer les élèves à regrouper des mots en catégories. Ils comprennent ainsi progressivement la notion d’hyperonymie, même si ce dernier mot technique n’est pas employé avec les élèves. Cette capacité est pour moi très importante, car cela permet d’ordonner les mots dans l’esprit des élèves. Il est plus facile de retenir des mots s’ils ne sont pas des concepts nébuleux mais des mots reliés les uns aux autres par des relations de sens. On pourra consacrer à cette séquence deux à trois séances, selon le temps disponible, voire davantage si besoin.

  • Jeu de découverte : Sur l’ardoise, trouve le plus grand nombre de… noms d’animaux, de fruits, de légumes, de métiers, de villes…
  • Jeu de piste : Une liste de 100 mots est projetée. Par groupes, les élèves doivent trouver 10 noms de métiers. La première équipe qui a trouvé se voit confier le nom du 2e thème, et ainsi de suite. L’équipe qui a gagné est celle qui a terminé en premier tous les thèmes.
  • Exercices d’entraînement, d’autonomie, d’évaluation : donner le mot générique et/ou donner des mots spécifiques ; trouver l’intrus.

Séance décrochée sur les pirates

Une séance décrochée sur le thème des pirates, à la fois en vocabulaire pour revoir le classement dans l’ordre géométrique, et en espace-géométrie pour travailler le repérage sur plan et les codages de déplacements.

Période 2 : Novembre-Décembre

Séquence 3 : Les mots de l’école et leurs dérivés

Pour Pascale Colé, professeure de psychologie cognitive à l’Université de Provence, il importe de « développer le vocabulaire grâce à une analyse morphologique explicite des mots ». En particulier, selon elle, il importe que les élèves comprennent que le rapport entre mots simples et mots dérivés. Cela semble en effet de bon sens : les mots dérivés sont plus nombreux que les mots simples. Plutôt que les apprendre un par un, il est plus économique, au point de vue de l’effort à fournir, de les rattacher au mot simple dont ils dérivent. Les élèves comprennent ainsi des relations de sens, mais aussi des relations de forme. Ils acquièrent ainsi le vocabulaire et l’orthographe de façon concomitante.

Au cycle 3, les programmes imposent un travail assez technique sur la dérivation, la composition, l’identification des affixes, en incluant les racines latines et grecques. Il s’agit là d’un objectif assez ambitieux, qui nécessite une préparation au cycle 2. Avec des élèves de CE1/CE2, on n’ira pas aussi loin, mais il importe de commencer à montrer que les mots s’inscrivent dans des familles dérivationnelles (à ne pas confondre avec les champs lexicaux qui sont des familles sémantiques). Au cycle 2, selon les programmes, il s’agit de « savoir trouver des synonymes, des antonymes, des mots de la même famille lexicale, sans que ces notions ne constituent des objets d’apprentissage ».

J’ai voulu, pour cette séquence, partir de mots très connus des élèves, à savoir ceux qu’ils manipulent tous les jours dans un contexte scolaire. Je suis donc parti des mots du matériel scolaire, avec comme ambition de leur faire découvrir que ces mots forment un socle à partir duquel ils peuvent accéder à la compréhension d’autres mots, plus complexes. Les élèves cessent ainsi de se bloquer dès qu’ils rencontrent un mot inconnu, en se rendant compte qu’on peut souvent le relier à un mot connu.

Voici la trace écrite finale à laquelle je souhaiterais arriver en fin de séquence, autrement dit ce que je voudrais que mes élèves apprennent :

Séance 1 : découverte des mots et constitution de catégories

La première séance constitue une première rencontre des élèves avec les mots à apprendre. On prend le parti de donner ces mots à découvrir alors que le sens de tous les mots n’est pas nécessairement connu : le but est précisément de montrer que certains mots dérivent d’autres mots, et que l’on peut se fonder sur des ressemblances morphologiques pour former des familles. Les élèves catégorisent les mots avec un critère essentiellement morphologique. Le sens des mots sera ensuite exploré dans les séances suivantes. Vous trouverez ci-dessous la fiche de préparation ainsi que les étiquettes à distribuer aux élèves.

Séance 2 : la feuille et ses dérivés

Le mot « feuille » comporte de nombreux dérivés, et il est intéressant de les étudier. L’objectif est que les élèves comprennent que les mots dérivent les uns les autres, et qu’une bonne connaissance du mot simple facilite ensuite l’apprentissage des mots dérivés. Enrichir le vocabulaire, ce n’est pas apprendre par cœur des listes de mots sans liens entre eux, comme ils le sont dans un dictionnaire, mais bien apprendre à faire des liens entre les mots. Les mots ont des liens de forme (ce sont les familles morphologiques) et des liens de sens (ce sont les champs sémantiques).

La séance débute par la lecture de deux brefs textes qui permettent de rencontrer les mots en contexte. Le mot « feuille » apparaît ainsi dans ses deux sens de « feuille d’arbre » et de « feuille de papier ». Les mots dérivés (les mots de la même famille) sont en lien avec l’une des deux significations de « feuille ».

Conformément à la logique « Rencontrer – Manipuler – Réutiliser », les élèves rencontrent ces mots à travers la lecture, les manipulent en les reliant à leur définition, et les réutilisent dans des phrases.

Séance 3 : S’entraîner à manipuler les mots de la liste

Cette troisième séance a pour objectif de travailler les mots de la leçon en permettant aux élèves de faire le lien entre le mot-tête de chaque colonne (le mot simple) et les différents mots dérivés. Il y a une visée orthographique, consistant à se rendre compte des similitudes orthographiques des mots de la même famille, et une visée lexicale, à travers laquelle les élèves mémorisent progressivement le sens des différents mots.

Période 3 : Janvier-Février

Séquence 4 : Les mots pour parler des animaux

En période 3, j’ai bâti une séquence qui cherchait à coupler le travail de vocabulaire et les activités de sciences (« Découvrir le monde du vivant »). Une fois cette séquence passée, je ne suis que relativement satisfait. Travailler à la fois en sciences et en vocabulaire sur les animaux, cela fait peut-être beaucoup pour certains élèves. J’ai aussi voulu proposer à la fois cette séquence à mes CE1/CE2 et à mes CP, moyennant évidemment d’importantes adaptations, mais je me suis rendu compte que cela restait difficile pour les CP. Il faudra que je repense un peu les choses. Toujours est-il que je n’ai pas encore eu le temps de mettre tout ce travail en ligne. Affaire à suivre…

Période 4 : Février-Mars

Séquence 5 : Les mots pour raconter une histoire

Je prévois pour la période 4 une cinquième séquence autour des mots qu’il est nécessaire d’avoir acquis pour raconter une histoire proche des contes traditionnels. Cette séquence combine lecture, structuration du lexique, manipulation et production d’écrits. Vu qu’elle est assez longue, j’ai préféré lui consacrer un article dédié, auquel je me contente ici de renvoyer. Cliquez sur le lien pour y accéder.

Séquence 6 : Les mots pour parler du printemps

Ma cinquième séquence s’étant terminée une semaine avant la fin de la période, je n’ai pas voulu démarrer une nouvelle séquence juste avant les vacances. J’ai donc conçu une séance « one shot » sur le printemps, avec un recueil de mots et une structuration de champs lexicaux qui laissent la possibilité de séances de production d’écrits (notamment poétiques) en aval.

Période 5 : Avril-Mai-Juin-Juillet

Séquence 7 : Les niveaux de langue

Les programmes officiels indiquent que les élèves doivent être capables de « percevoir les niveaux de langue ». Bien souvent, cette compétence est traitée avec une entrée strictement lexicale, en invitant les élèves à distinguer, par exemple, entre « voiture », « bagnole » et « véhicule ». Je trouve que cela ne suffit pas à réellement améliorer le niveau de langue des élèves : il faut, à mon sens, y ajouter une dimension syntaxique, en abordant notamment la syntaxe de l’interrogation et celle de la négation. Il faut aussi rappeler aux élèves que, dans le langage courant et a fortiori dans le langage soutenu, on n’a pas besoin de redoubler le sujet par un pronom (« Sarah elle m’embête ! »). Cette séquence cherche ainsi à être la plus complète possible, en évoquant les niveaux de langue dans toutes leurs dimensions.

► Séance 1 : découverte des niveaux de langue
► Séance 2 : entraînement
► Séance 3 : formuler des questions et des demandes
selon le niveau de langue

► Séance 4 : percevoir le niveau de langue dans les phrases à la forme négative

► Séance 5 : bilan

Séquence 8 : Utiliser le dictionnaire

J’ai décidé de poursuivre avec une séquence autour du dictionnaire : connaître l’ordre alphabétique, savoir ranger des mots dans l’ordre alphabétique, mais aussi savoir utiliser intelligemment un dictionnaire : se repérer dans les articles, comprendre les différents éléments d’un article de dictionnaire, et enfin savoir quand il est utile de chercher un mot dans un dictionnaire.

Cette séquence utilise des éléments non libres de droit (pages de dictionnaire, texte littéraire) que je ne reproduirai pas ici. Les autres éléments (créés par moi-même) sont accessibles ci-dessous :

Petite évaluation bilan de fin d’année

42 commentaires sur « Enrichir le lexique au cycle 2 »

  1. Merci pour cet article hyper intéressant, j’ai hâte de voir la suite de tes séquences ! J’enseigne également le vocabulaire dans mes décharges, sans avoir la littérature, donc ça peut bien m’aider !!

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  2. je suis vraiment tentée pour le faire et ferai sans hésiter toutes les séquences, merci pour ce travail et j’espère que vous posterez évidemment la suite 😉

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  3. Bonjour, Merci beaucoup pour vos séquences. Je viens de découvrir votre site. J’ai démarré la séquence sur les monstres et cela fonctionne vraiment bien. Toutes les séquences ont l’air vraiment intéressant et particulièrement la séquence sur les mots de l’automne, qui serait en lien avec notre travail sur l’HDA et l’art. Savez-vous quand vous allez pourvoir la mettre en ligne ? Merci d’avance !

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