C’est avec beaucoup d’intérêt que j’ai lu l’article d’Évelyne Lloze sur la place et le rôle des femmes en poésie aux XIXe et XXe siècles. Cet article est publié dans le dernier numéro de la revue Nu(e), qui mettait à l’honneur sept femmes poètes d’aujourd’hui.
L’article constate que, sur les deux siècles étudiés, il n’y a guère que les toutes dernières années qui présentent enfin une évolution réellement favorable aux femmes en poésie. Hormis donc cette évolution tardive, le tableau n’est pas très reluisant, tant l’injustice est patente, jusque dans des manuels et des anthologies très récents.
Évelyne Lloze montre que la poésie est davantage concernée que le roman, genre longtemps considéré comme mineur, où les femmes ont en somme moins eu de mal à revendiquer leur place. Elle montre aussi que le problème, s’il se présente aussi à l’étranger, est particulièrement important en France, où il y a moins eu de poétesses très reconnues. La poésie française est donc terriblement marquée par cette injustice.
Évelyne Lloze pointe aussi la difficulté de nommer les femmes poètes. La langue française dispose certes d’un féminin tout à fait régulier, qui est celui de « poétesse », mais ce terme est souvent récusé par les premières concernées elles-mêmes. Je pense que la suffixation en -esse a tendance à être perçue comme inélégante et dépréciative (on n’utilise guère peintresse, par exemple, que par plaisanterie). On en est dès lors réduit à parler de « la poète », ce que je ne trouve pas très satisfaisant non plus, et qui signe la victoire de la forme masculine sur la forme historique du féminin.
S’il importe que les femmes soient davantage reconnues en poésie, ce n’est pas qu’il existerait une écriture-femme, une façon d’écrire singulière. On n’écrit pas avec son sexe, et il n’y a pas de forme littéraire, de genre littéraire, de façon d’écrire, de thème ou de sujet qui puissent être réservés à l’un ou l’autre sexe. S’il importe que les femmes soient davantage reconnues en poésie, c’est que, sans cela, il nous manque la moitié du témoignage de l’être humain.
Il faut donc, parlant de poésie, faire attention, autant que possible, à ne pas oublier les femmes. Et cet oubli est facile, même pour des gens de bonne volonté et pas misogynes pour un sou, tant les ouvrages déjà existants, qui sont les sources sur lesquelles on s’appuie pour parler de poésie, mettent peu en avant les femmes. L’article d’Évelyne Lloze est ainsi précieux en ce qu’il nomme des femmes poètes des deux derniers siècles qui auraient mérité d’être davantage reconnues. Je pourrai donc m’appuyer sur ces noms pour proposer, à l’avenir, des articles les concernant, en espérant que cette petite goutte d’eau dans l’océan permette modestement, sinon de diminuer l’injustice, du moins de faire connaître ces oeuvres qui méritent d’être connues.

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