Le sommet

Texte personnel

Parvenu, au terme d’une longue promenade, sur quelque sommet d’où contempler le monde, tu changes de perspective. En bas, tu vois cet entrelacs insensé de routes et de rues dont la rumeur ne te parvient plus. Tu considères les empilements d’immeubles, les alignements de villas, les successions de bâtiments qui proliféreraient à l’infini s’ils n’étaient arrêtés, au loin, par la ligne bleue du littoral. Tu observes les avions qui décollent et atterrissent dans un ballet incessant. Voici donc ce que font les petits hommes. Ils se démènent, s’agitent, courent, souffrent beaucoup et jouissent un peu, recommençant chaque jour les mêmes gestes frénétiques, les mêmes mouvements désordonnés, obnubilés qu’ils sont par leurs désirs, leurs peines, leurs soucis, malmenés par la peur de mourir au point qu’ils feraient n’importe quoi pour y échapper, y compris et surtout cela même qui les précipite pourtant vers leur propre destruction. Tous ces gestes auxquels ils donnent de l’importance, tous ces impératifs parés de la plus haute urgence, apparaissent enfin, vus d’en haut, comme une vaine agitation. Ils ne font qu’étaler du gris face à la mer qui les ignore, quand les eaux turquoise des alluvions fluviales se mêlent au bleu sombre de l’horizon.

Au-dessus de tout cela, dans la clarté du ciel, planent quatre rapaces paisibles. Leur envergure paraît plus importante que celle d’une simple buse. Leur vol lent autour du soleil, leurs amples mouvements dans le vent, circonscrivent le temps. Étrangers à l’agitation des hommes, ils appartiennent au ciel et aux montagnes, à toute cette immense étendue silencieuse que tu découvres en te retournant, jusqu’aux hauts sommets de neige qui découpent, là-bas, au-delà des premières lignes de crête, leur blancheur immaculée.

Gabriel Grossi, mercredi 14 avril 2021.

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11 commentaires sur « Le sommet »

  1. Bonjour,
    très beau texte, dont certains mots, certaines phrases me sont aussi venues à l’esprit, contemplant le littoral, depuis le mont Roux dans l’Estérel pour être précis. Ou bien, ayant gravi quelque sommet pyrénéen, le regard vers la vallée habitée, où l’on discerne tout en bas une vie si minuscule qu’on pourrait la croire sans importance – ce qui peut passer pour vrai au bout du compte…

    Aimé par 1 personne

  2. oui , vraiment , merci pour ce beau texte , qui fait du bien et donne du courage . » il est doux , quand la mer est agitée … », depuis Lucrèce , on reconnait que la contemplation d’une nature sublime dans la solitude , repose et fortifie l’âme .Comme le promeneur de Caspar David Friedrich , on se sent habité d’une sérénité nouvelle , loin de la « tourbe des menus maux  » comme disait Montaigne .
    J’apprécie aussi la simplicité de ton de l’auteur , qui s’élève insensiblement jusqu’à l’au-delà que contemplent les aigles , au propre et au figuré , pour « circonscrire le temps « , dans « la blancheur immaculée  » …
    Bernard Esnault

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