Les Méditations d’Arnaud Villani

Je voudrais vous parler aujourd’hui d’un petit livre que j’ai lu il y a quelques années, qui m’a attiré au départ par le nom même de son auteur, Arnaud Villani, qui n’était autre que mon professeur de philosophie en khâgne, ainsi que par son titre : Petites méditations métaphysiques sur la vie et la mort. Vaste programme… Ce livre est paru aux éditions Hermann en 2008.

Le livre débute par une dédicace : « À mon père, pour la première année de sa nouvelle vie de mort ». On comprend ainsi d’emblée que, si Arnaud Villani entend traiter du thème de la mort, ce n’est pas comme s’il s’agissait d’un sujet parmi d’autres, mais bien au contraire d’une notion vécue, à travers la souffrance du deuil. Philosopher, ce n’est pas penser à partir de rien, mais au contraire chercher à résoudre des questions qui nous importent.

Aussi s’agit-il d’un ouvrage personnel. Dès les premières lignes, Arnaud Villani revendique une « pensée en première personne », avec ce que cela suppose d’affect et de sensibilité. Quoi de plus intime que notre mort, l’idée de notre mortalité, nos désirs d’immortalité, et toutes les questions vont avec : pourquoi suis-je ici ? Quelle trace laisserai-je ? Quel est le sens de la vie ? Hors de question, pour Arnaud Villani, de se contenter de s’en remettre au hasard ou à la foi, de se défausser de cette responsabilité qui est de donner sens à sa propre existence. Dès lors, la seule certitude n’est pas « je pense, donc je suis », mais bien « je meurs », où chacun de ces deux mots est une énigme.

De telles réflexions appellent un certain lyrisme. Il ne s’agit pas d’une recherche stylistique, d’une ornementation superflue, mais bien d’une nécessité philosophique, correspondant au caractère intime, personnel et universel tout à la fois, des questions traitées. Je voudrais en donner un exemple en citant le dernier paragraphe de la première méditation :

« Lorsqu’elle n’est plus rhétorique, « je meurs » n’est ni une proposition logique ni une proposition convenable. Elle gâche la fête. On la fuit plus que la puanteur. Elle est pourtant l’énonçable, pur trou de vérité grand comme un monde. Et, pour me juger, ne reste qu’à compter les mains serrées, les corps embrassés, les enfants langés peau sur peau, les yeux allumés, le nous asocial et terreux qui ne cesse de courir sous nous et dit l’irrésistible attrait de la rue et de la mendicité. Je compte tout, je me prends à connaître mon monde sur le bout des doigts. Il y a de la lumière mais combien d’ombres aussi, les belles croyances et les mythes, les épanchements d’inconscient, les villes ouvertes d’affects et de sensations. J’ai fait crier les couleurs, j’ai estompé les formes, laissé germer des montagnes et mis à fleurir le nymphéa sans concept. Voici quelle fut ma vie, une recherche à tâtons de ce qui sans conteste est vivant, même s’il prend la forme d’une inquiétante étrangeté. »
(p. 19)

Les Petites méditations métaphysiques sont ainsi un livre agréable à lire. Leur érudition ne se montre pas. Si les grands philosophes et les penseurs contemporains sont convoqués, c’est le plus souvent sur le mode de l’allusion. Il ne s’agit pas d’un exposé, encore moins d’une leçon de philosophie. Ce qui ne rend pas les choses faciles pour le lecteur, qui ne sait pas toujours à quoi font référence ces allusions. Mais l’ouvrage reste lisible, et ne peut laisser indifférent, tant les questions posées nous concernent tous, individuellement et collectivement. Ce qui séduit surtout, c’est le caractère vivant de cette pensée, qui n’exclut pas le sentiment, la sensation, la sensibilité, le vécu. Dès lors, nécessairement, la philosophie rencontre la poésie.

Références de l’ouvrage
• Arnaud VILLANI, Petites méditations métaphysiques sur la vie et la mort, Paris, Hermann, 2008, 127 p. ISBN : 978-2-7056-6716-0.

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4 commentaires sur « Les Méditations d’Arnaud Villani »

  1. CET ESSAI EST BIEN INTERESSANT GRACE AUX CITATIONS ET AUX INTERROGATIONS QUE VOUZ ADRESSEZ/ RHETORIQUEMENT, AU LECTEUR/ A L AUTEUR – MEME. A TRAVERS LA SOUFFRANCE DU DUIL…JE PENSE,DONC JE SUIS, / JE SUIS, DONC JE ME MEURS…
    LE FAIT QUE LA POESIE REJOINT LA PHILOSOPHIE REPRESENTE UNE MISE IMPORTANTE/ POURLAQUELLE CE LIVRE-CI VAUT BIEN LA PEINE D ETRE LU, CONSIDERE COMME UN REPERE DANS LA BIBLIOTHEQUE FRANCAISE ACTUELLE.
    ARNAUD VILLANI REALISE DE PETITS ESSAIS SUR LA MORT OU LES REFFERENCES D ANVERGURES SONT SEULEMENT SUGGEREES, JAMAIS RELEVEES.
    d OU L AIR D ACCESSIBILITE APPARENTE, VRAI APPAS POUR LE LECTEUR, AUSSI QUE LES ELEMENTS LLLLLLYRIQUES – AJOUTES AU DISCOURS LIBRE.

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