En cette fin avril, il est bon de relire ces beaux vers de Victor Hugo, certes rédigés en juin (si l’on en croit la date indiquée en fin de poème), mais qui parlent pourtant du mois d’avril. Suivons avec le poète l’hirondelle et la fauvette, et savourons la quiétude et l’harmonie qui émanent de ces vers…

XVI
L’hirondelle au printemps cherche les vieilles tours,
Débris où n’est plus l’homme, où la vie est toujours ;
La fauvette en avril cherche, ô ma bien-aimée,
La forêt sombre et fraîche et l’épaisse ramée,
La mousse, et, dans les nœuds des branches, les doux toits
Qu’en se superposant font les feuilles des bois.
Ainsi fait l’oiseau. Nous, nous cherchons, dans la ville,
Le coin désert, l’abri solitaire et tranquille,
Le seuil qui n’a pas d’yeux obliques et méchants,
La rue où les volets sont fermés ; dans les champs,
Nous cherchons le sentier du pâtre et du poëte ;
Dans les bois, la clairière inconnue et muette
Où le silence éteint les bruits lointains et sourds.
L’oiseau cache son nid, nous cachons nos amours.
Fontainebleau, juin 18…
La force du parallélisme
Le dernier vers du poème condense l’intégralité de sa signification : « L’oiseau cache son nid, nous cachons nos amours ». La répétition du verbe « cacher » souligne le parallélisme appuyé par le partage du vers en deux hémistiches : le poète montre que les amoureux recherchent la même discrétion que les animaux dans la nature. Les treize vers précédents sont chargés de préparer ce parallélisme final par la description successive des oiseaux et des amants :
- Du vers 1 au vers 7, Victor Hugo montre que les oiseaux recherchent les lieux les plus secrets de la forêt.
- Du vers 7 au vers 13, il décrit la situation des amants qui fuient de même l’agitation de la ville.
Le parallélisme est marqué par la reprise du le verbe « chercher » qui apparaît à la fois chez l’hirondelle (v. 1) et chez les amants (v. 7) : l’utilisation des mêmes verbes apparente l’attitude des humains et des animaux, unis dans une même recherche de quiétude.
La solitude et le contact avec la Nature
Humains et animaux ont, dans ce poème, un même besoin de solitude : on peut y voir là un motif romantique. Les « vieilles tours », comparées à des « débris », évoquent une forme de « poétique des ruines », tandis que, plus bas, le poète fait rimer « désert » et « solitaire ». L’adjectif « sombre » qui qualifie la forêt identifie également ce lieu comme très reculé. Plus loin, le poète parle explicitement d’un « abri solitaire et tranquille ». De fait, Victor Hugo suggère le caractère néfaste de la présence d’autrui, présentée comme inquisitrice voire malfaisante : la métonymie des « yeux obliques et méchants » évoque une menace inquiétante. Aussi le fait que les « volets » soient « fermés » est-il un gage de sécurité pour les amants.
Ce besoin de solitude est aussi un besoin d’être en contact avec la Nature. Aussi le champ lexical de la nature est-il particulièrement abondant dans les deux moitiés du poème. On ne s’étonne guère, dans la partie consacrée aux oiseaux, à rencontrer les termes de « forêt, de « ramée », de « mousse », de « branches », de « feuilles », de « bois » . Mais les amants sont, eux aussi, attirés par la Nature : les « champs », les « bois », la « clairière » le montrent explicitement.
Il faut surtout noter combien cette Nature est connotée positivement, notamment par les adjectifs. La forêt est « sombre et fraîche », ses toits sont « doux ». Les amants, quant à eux, suivent « le sentier du pâtre et du poëte », se montrant ainsi en harmonie avec la Nature. Hugo fait souvent du « pâtre » un être exceptionnel, une sorte de sage solitaire que rêve d’être aussi le poète : on peut penser à ce magnifique poème qu’est Magnitudo parvi. Cette Nature est caractérisée par son harmonie et sa quiétude, aussi le poète insiste-t-il sur son silence, à travers une expression qui confine au pléonasme : « Dans les bois, la clairière inconnue et muette / Où le silence éteint les bruits lointains et sourds ». La proposition relative ne fait que redoubler la signification de l’adjectif « muette ». Le poète nous peint ainsi un univers doux et feutré, un véritable « nid » pour l’amour.
Cette impression de simplicité et d’harmonie est renforcée par l’utilisation d’un vocabulaire simple, par l’usage d’une syntaxe tout aussi simple, qui procède volontiers par énumération, et par le choix de rimes suivies qui effacent la forme-sonnet alors même que le poème compte quatorze vers.
*
Dans ce poème, Victor Hugo rénove la qualification traditionnelle du printemps comme saison des amours en construisant un parallèle entre le monde humain et le milieu animal. Ce faisant, il fait l’éloge de la nature, lieu où règnent le calme, la quiétude et l’harmonie. Le poète, comme les amants, recherche cet idéal naturel, tandis que la société des hommes est présentée comme une potentielle menace. Nous pourrions ainsi parler d’une définition romantique du bonheur, marquée par le goût de la solitude et la communion avec la nature.

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