Ces très purs pylônes, là haut, images fixes,
Lacèrent de stuc le marbre des corridors,
Et le lourd souvenir d’un archéoptéryx,
Gravant de mots obscurs le dais d’un météore.
Cet enchevêtrement de stèles et de poutres,
Noirci de symboles, pétri de mémoire exsangue,
Brûle, étrangle, et noie dans le Brahmapoutre
Des reliques écarlates perdant leur langue.
Un néant de charbon obscurcit les tablettes
Où quatre prêtres croyaient lire des secrets
Gravés en or sur une anonyme amulette
Expliquant ces pointes, ces tours, ces toits de craie.
Trop de grandes tours saturent d’autant de fraudes
Ces mots profonds pétris de l’antique glaise
D’un dieu pourpre de colère et d’émeraude,
Cette débauche de cris rauques, de malaises.
Ils répètent des psaumes, des refrains, des rites
Dont ils n’ont su conserver le sens et l’esprit.
Autour d’une voix qu’ils n’ont plus, ils gravitent
Attisant la foudre et le feu qui les détruit.
Éberlués, ils foulent un parquet de bribes
De poutres brisées, de paroles avortées,
Foulant, pieds nus, les ruines vacantes des scribes
Crénelant de soupirs leur nuit déchiquetée.
Gabriel Grossi, « Ces très purs pylônes »,
15 mars 2008.

Image d’en-tête : Hiéroglyphes de la tombe de Séti Ier, Vikidia, https://fr.vikidia.org/w/index.php?curid=14319.
J’aime beaucoup ce poème, merci pour ce partage.
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Jean-Pierre sur Facebook :
« Parnassien, ma foi (la perfection formelle en moins) : bravo, Gabriel ! »
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Très beau.
Gérard aurait adoré aussi, j’en suis sûre.
Je reconnais un peu de lui dans ton texte.
Tu es le digne fils de ton père, l’héritier de son savoir…
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Oh merci !
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