« Ils étaient verts de peur »: analyse grammaticale

Je vous propose aujourd’hui de détailler l’analyse grammaticale d’une phrase. Le but est de montrer que cette analyse procède par groupes de mots, tant il est vrai qu’une phrase n’est pas simplement une juxtaposition de mots, mais s’apparente bien plutôt à une structure gigogne, où les mots et les groupes de mots s’emboîtent les uns dans les autres.

Considérons la phrase suivante :

Pour analyser une telle phrase, une bonne méthode est de commencer par le plus grand pour aller vers le plus petit, autrement dit de commencer par les grands constituants pour ensuite s’intéresser à aux détails. L’échelle la plus globale est bien sûr celle de la phrase elle-même, dont on peut dire qu’il s’agit d’une phrase déclarative à la forme affirmative et à la voix active.

Toute phrase peut ensuite se subdiviser en deux constituants principaux. C’est ce que l’on appelle la bi-partition fondamentale de la phrase, avec, d’un côté, un groupe sujet (ou thème) et, de l’autre, un groupe verbal (ou rhème, ou prédicat). Nous avons donc :

Le sujet étant ici réduit à un seul mot, on va s’intéresser à ce qui compose le prédicat. Celui-ci est lui-même divisible en deux grands groupes :

On ne pense pas toujours à distinguer la nature et la fonction d’un verbe, dans la mesure où il n’y a que des verbes conjugués pour avoir une fonction de verbe conjugué. Pour le dire autrement, quand une catégorie grammaticale ne peut occuper qu’une seule fonction, on ne pense pas toujours à préciser cette fonction. Or, « verbe », c’est une nature, pas une fonction. Quand j’étais au collège, on m’a appris que le verbe était la « base » de la phrase. Et si j’ouvre la GMF, je peux lire que le verbe est le « pivot » de la phrase, autrement dit le centre autour duquel tout tourne.

Quant à l’attribut du sujet, ce n’est pas « verts » mais « verts de peur ». Ce syntagme est un groupe adjectival, autrement dit un groupe de mots dont le « chef » est un adjectif. La fonction attribut du sujet est relativement proche de celle d’un complément d’objet : il s’agit d’un groupe qui n’est ni supprimable, ni déplaçable, et qui est pronominalisable (on peut dire : Ils l’étaient). On peut à présent encore descendre dans l’analyse :

Le groupe adjectival « verts de peur », attribut du sujet « ils », se décompose en deux parties : d’une part, l’adjectif qualificatif « verts », qui assume la fonction de mot-tête de ce groupe, et d’autre part, le groupe nominal « de peur », qui est complément de l’adjectif. En effet, même si cela n’arrive pas très souvent, les adjectifs peuvent être modifiés par des compléments. Il y a donc des compléments de l’adjectif au même titre qu’il existe des compléments du nom.

Ce dernier comporte encore plusieurs mots, ce qui signifie qu’il peut être décomposé. On a, d’une part, la préposition « de », qui a pour fonction d’introduire le complément de l’adjectif, et d’autre part, le substantif « peur ».

*

Avec cet article, je voulais insister sur le fait que l’analyse grammaticale met en évidence des groupes qui dépendent les uns des autres. Certains grammairiens parlent parfois de « satellites » et de « noyaux », et ces métaphores astronomiques montrent bien combien les mots ne sont pas seulement juxtaposés, mais font partie de systèmes de dépendance. En soulignant les groupes en couleur, j’ai voulu rappeler que l’on peut trouver des groupes à l’intérieur d’autres groupes, et qu’ainsi la langue a une structure gigogne. Cet article m’aura aussi permis de parler de « groupe adjectival » et de « complément de l’adjectif », qui ne sont pas des notions très souvent mises en avant.

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