Enseigner la géographie au CM1

Les programmes éducatifs actuels recommandent d’enseigner la géographie en se fondant sur les lieux concrets où habitent et vivent les élèves. Il est dès lors très peu aisé de se fonder sur des manuels nationaux, lesquels s’appuient sur des exemples qui n’ont aucun rapport avec le lieu de vie des élèves. Je voudrais donc proposer aujourd’hui quelques modestes ressources permettant d’enseigner la géographie dans les Alpes-Maritimes. Cela devrait intéresser, outre les professeurs, tous ceux qui ont envie de mieux connaître ce beau département. C’est aussi pour moi une occasion de montrer un autre aspect de mon métier.

Un coup d’œil sur les programmes

Les programmes de 2015 imposent d’aborder trois thèmes pour chacune des années du cycle 3 :

Les thèmes du programme de géographie

N.B. : Vous trouverez les programmes officiels sur le site Internet du Ministère de l’Éducation Nationale.

1. Découvrir les lieux où j’habite

► Étape 1 : Les représentations initiales des élèves

Ce premier thème gagne à être traité en partant des représentations initiales des élèves. Une brève réflexion orale doit permettre de nommer la ville, le quartier, éventuellement le département ou la région. Un brainstorming peut ensuite fournir des mots, notamment des adjectifs, permettant de qualifier ces lieux de vie. On pourra terminer la séance en demandant aux élèves de dessiner « les lieux où ils habitent », en prenant le temps de faire comprendre qu’il ne s’agit pas seulement du domicile (on ne veut pas que les élèves dessinent leur chambre) mais de l’espace dans lequel ils évoluent. Pendant le temps où les élèves dessinent, on pourra faire tourner un petit nombre d’élèves à côté de l’ordinateur de classe pour observer différentes vues du quartier. La mise en commun permettra de mettre en évidence les aspects retenus par les élèves, et de faire émerger ceux qu’ils auraient omis.

► Étape 2 : L’environnement immédiat de l’école

La deuxième séance permettra de travailler sur l’environnement immédiat de l’école (en principe, l’intérieur même de l’école et, en particulier, le plan de la classe, ont déjà été travaillés au cycle 2).

  • On peut travailler, par exemple, sur le trajet reliant l’école et le stade de sport. J’avais pris différentes photos sur le trajet, que les élèves devaient ensuite remettre dans le bon ordre puis identifier sur une carte.
Repérer le trajet de l’école au stade (Saint-Jean-Cap-Ferrat) (Open Street Map)
  • Cette année, le stade faisant partie de l’école, cela me sera impossible. Je travaillerai plus globalement sur le quartier. Nous observerons le quartier à partir des toits de l’école. Nous pourrons utiliser l’outil « Street view » de Google pour passer d’une représentation proche du vécu à une représentation plus abstraite: la carte. Il s’agira alors d’identifier différents lieux dans cet espace proche (école, commerces, jardins, habitations, rues, etc.).
Un quartier de Nice: Sainte-Hélène (source : OpenStreetMap)

La simple observation collective de la carte fournit déjà un certain nombre d’informations sur les composantes de cet espace : proximité immédiate de la mer, présence de routes à fort trafic (voie Mathis, promenade des Anglais) et d’une voie ferrée, forte densité urbaine. Les élèves pourront repérer sur la carte les photographies de plusieurs sites :

Un plan du quartier Sainte-Hélène réalisé par mes soins à partir d’une carte existante

BON À SAVOIR
Une ressource intéressante pour la ville de Nice est la liste, fournie par Wikipédia, des 41 quartiers de Nice, chacun repérés en rouge sur une carte de la ville.

► Étape 3 : Nice, chef-lieu de mon département

Le but de cette troisième séance est de comprendre l’importance particulière de Nice dans les Alpes-Maritimes. Ce n’est pas seulement la ville la plus peuplée, c’est aussi un chef-lieu. L’observation de différentes photographies de la ville permettront d’appréhender quelques-unes de ses fonctions. Vous trouverez aisément des images libres de réutilisation sur Wikipédia et sur la banque d’images gratuite Pixabay.

Ces images permettent de se rendre compte que Nice possède :

  • une fonction politique : on y trouve un palais de justice, une préfecture, etc.
  • une fonction économique et touristique : on y trouve un aéroport, une chambre de commerce, des sites touristiques prestigieux comme la Promenade des Anglais.
  • une fonction culturelle : on y trouve de nombreux musées ainsi que le Théâtre National de Nice.
  • une fonction de ville-centre : c’est là que sont regroupées les institutions, c’est là notamment que l’on trouve les universités.

Cette séance prépare donc déjà incidemment le deuxième thème — « Se loger, travailler, se cultiver, avoir des loisirs en France » — en l’appliquant d’abord aux espaces vécus par les élèves. Les lieux sont ensuite repérés sur une carte.

Une carte de Nice avec notamment les axes de transport et les communes limitrophes

Connaissez-vous « GéoGuessR » ?
Le site GéoGuessR est un jeu géographique passionnant. Au départ totalement gratuit, il est hélas devenu partiellement payant (on peut faire une partie par jour sans payer). Il s’agit de se promener dans le « Street View » de Google jusqu’à identifier l’endroit où l’on est et à placer le repère sur une carte. J’ai beaucoup joué à ce jeu personnellement, et je pense que cela peut être amusant de faire jouer les élèves, à condition de choisir des cartes pas trop difficiles. On peut aussi créer ses propres jeux, mais pour cela il faut désormais débourser quelques euros.

► Étape 4 : comprendre pourquoi le département est inégalement peuplé

Les élèves colorient une carte des communes du département en fonction de la population de la commune : c’est une bonne façon de revoir aussi l’encadrement des grands nombres en mathématiques. Les élèves se rendent alors compte que la répartition des villes les plus peuplées n’a rien d’aléatoire. On observe globalement une gradation, avec des communes littorales très peuplées et des villages d’arrière-pays beaucoup moins peuplés. Les élèves doivent expliquer la raison d’une telle répartition, et assez rapidement émerge l’idée qu’il est beaucoup plus difficile de construire de grandes villes en milieu montagnard. Le lien est ainsi fait entre la géographie physique (relief, climat) et la géographie humaine (densité de population). L’observation de photographies, d’extraits d’articles de presse, etc., permet de donner une dimension plus concrète à cet espace départemental.

► Étape 5 : la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur

La région PACA, également appelée « Sud » depuis quelque temps, a ensuite été présentée aux élèves, avec ses départements et surtout ses grandes villes. Sur la carte ont été successivement repérés notre ville (Nice), notre département (les Alpes-Maritimes) et notre région avec son chef-lieu, Marseille. Les grandes villes ont été marquées par des cercles plus ou moins grands. Différents paysages ont été observés à l’aide de photographies.

Édit : Cette année, j’ai créé une nouvelle carte dans laquelle les élèves auront des informations à chercher.

Autre carte de la région créée par mes soins à partir d’une carte trouvée sur Wikipédia

► Étape 6 : la France, l’Europe, le monde

Nous terminerons la séquence avec des repérages plus traditionnels de la France (villes, fleuves, montagnes, mers, pays limitrophes), de l’Europe et du monde (continents). Cela permet de voir que les espaces jusqu’ici étudiés s’inscrivent dans des réalités plus vastes. Bien sûr, l’étude de la France sera ensuite approfondie avec les thèmes 2 et 3.

*

2. Se loger, travailler, se cultiver, avoir des loisirs en France

Ce deuxième thème peut paraître un peu déroutant pour un professeur qui se référerait à ses propres souvenirs d’élève, beaucoup plus tournés vers la géographie physique. Il me semble important de bien axer ces différents infinitifs autour d’une réflexion proprement géographique, sans quoi l’on risque de s’éparpiller dans une multitude de directions qui n’auraient plus grand-chose à voir avec la géographie. Finalement, la question que posent ces infinitifs, c’est celle des fonctions de l’espace, et c’est une question très géographique. Les hommes pratiquent différents espaces pour se loger, travailler, se cultiver, avoir des loisirs.

Les « ressources d’accompagnement des programmes » publiées par le Ministère de l’Education ne disent pas autre chose :

« On cherchera de manière prioritaire à faire comprendre à l’élève :
• que les pratiques quotidiennes des individus se déroulent dans certains espaces et qu’elles permettent de les caractériser ;
• que les espaces ont différentes fonctions et une organisation particulière. »

Il est surtout recommandé de ne pas traiter ces différents infinitifs (se loger, travailler, se cultiver, avoir des loisirs) de façon successive et séparée. Ce qui importe, c’est bien la façon dont ces différentes activités caractérisent un espace, et de se rendre compte que des espaces différents ne vont pas investir ces activités de la même manière. C’est pourquoi les programmes imposent de se focaliser sur un espace urbain et sur un espace touristique. Les recommandations associées aux programmes suggèrent de partir de l’espace connu et vécu, mais aussi d’aborder d’autres espaces. C’est l’occasion de se rendre compte que tout ne se fait pas au même endroit : les centre-villes n’ont pas les mêmes fonctions que les banlieues, les arrière-pays n’offrent pas les mêmes activités touristiques que les littoraux, etc. On répond ainsi à la question : « Comment les pratiques des habitants organisent-elles les espaces ? »

► Séance 1 : Espace naturel, peu transformé, très transformé

C’est en partant de ces recommandations officielles que j’ai décidé de consacrer la séance introductive à une distinction entre « espace naturel », « espace peu transformé » et « espace très transformé ». L’objectif est ainsi que les élèves prennent conscience que les Hommes investissent les espaces qu’ils occupent et les transforment. Les élèves ont ainsi trié plusieurs photographies et justifié leurs choix. Ce faisant, ils manipulent un outil essentiel du géographe qu’est la photographie de paysage. Les élèves se rendent compte que l’Homme transforme les espaces qu’il occupe, et que la plupart des paysages ruraux ne sont pas « naturels » pour autant. On peut alors leur demander pourquoi l’Homme transforme les espaces, et le but est de faire émerger ces fameux infinitifs qui forment le thème de la séquence : l’homme modifie l’espace pour se loger, travailler, se déplacer, se cultiver et avoir des loisirs.

► Séance 2 : Les fonctions de la ville où j’habite

La deuxième séance part de la ville où habitent les élèves, déjà abordée lors du premier thème. Il ne s’agit pas de revenir sur ce qui a déjà été vu lors de la première séquence, mais d’aborder de concert les différents infinitifs au programme. Les élèves observent d’abord une photographie de la ville, et font de premières constatations : ils distinguent immeubles et villas individuelles, ils repèrent différentes activités économiques et touristiques, différents moyens de transport, éventuellement des lieux culturels (monuments…). Ensuite, ils étudient un plan assez détaillé du quartier, fourni par Google Maps qui offre l’avantage de localiser un grand nombre d’entreprises : les élèves doivent repérer par des couleurs différentes ce qui relève de « se loger », de « se nourrir », de « se déplacer », de « se cultiver » et « d’avoir des loisirs ». Ils localisent ainsi les bâtiments d’habitation, les commerces alimentaires, les transports, les musées, les loisirs disponibles (parcs, jardins, bord de mer…).

► Séance 3 : Se loger, travailler, se cultiver, avoir des loisirs dans les Alpes-Maritimes

J’ai voulu, par cette troisième séance, montrer que les différents infinitifs au programme n’investissent pas tous l’espace de la même manière, selon l’endroit où l’on se trouve. Nous sommes ainsi au coeur de la problématique formulée par les programmes : « Comment les pratiques des habitants organisent-elles les espaces ? »

Nous avons commencé par observer différents lieux du département, en observant des fonctions différentes. J’ai ensuite présenté une carte des Alpes-Maritimes, réalisée par mes soins, où une série de petits pictogrammes, des sortes d’icônes, représentent les activités majeures associées à certains lieux. C’est l’occasion d’évoquer deux grands espaces touristiques du département que sont les littoraux, d’une part, et l’arrière-pays propice à la randonnée et aux sports d’hiver.

Cette carte permet de mettre en évidence une polarisation des activités avec une distinction constante entre un littoral sur-urbanisé et un arrière-pays moins densément peuplé et marqué par des activités différentes. Les questions posées aux élèves les invitent à localiser les principales zones d’activité économiques, les villes universitaires, les différents loisirs disponibles. Les élèves prennent ainsi conscience du fait qu’il faut parfois se déplacer pour pouvoir travailler, se cultiver ou avoir des loisirs. On n’habite pas forcément là où l’on travaille, où l’on fait des études, où l’on a des loisirs. Ce sont là des questions qui concerne leur existence même et leur quotidien : ils prennent conscience qu’il faut prendre la voiture pour aller faire du ski, qu’ils devront sans doute se déplacer lorsqu’ils devront faire des études, etc. La ville de Nice apparaît dans sa singularité en ce qu’elle concentre le plus grand nombre d’activités (c’est elle qui collectionne le plus de pictogrammes) : c’est l’occasion de rappeler qu’elle est la ville-centre, la « capitale », la « préfecture » du département.

► Séance 4 : Se loger, travailler, se cultiver, avoir des loisirs dans des espaces touristiques

La quatrième séance a volontairement quitté les Alpes-Maritimes pour envisager deux espaces touristiques : un littoral et une station de ski. Pour cette séance, j’ai utilisé un manuel existant, qui permettait de prendre conscience de la variation saisonnière des activités : une saison haute en été pour le littoral, et en hiver pour la station de ski. Les élèves ont pu s’intéresser à la variation de la population induite par ces activités.

► Séance 5 : Se loger, travailler, se cultiver, avoir des loisirs dans un espace urbain

La cinquième séance prendra la forme d’une promenade virtuelle dans les rues de deux villes différentes (projection du Street View de Google). Les élèves partageront une feuille en six colonnes : se loger, se nourrir, travailler, se déplacer, se cultiver, avoir des loisirs. Ils devront prendre en note, au fur et à mesure de cette visite virtuelle, des noms de lieux qui répondent à ces différentes fonctions. Une discussion orale aura ensuite lieu en classe pour dégager les différences entre ces deux villes. Les remarques amèneront à la production d’une trace écrite ensuite copiée par tous.

*

J’espère que ce modeste aperçu vous aura intéressés, que vous soyez enseignant ou non, que vous habitiez ou non les Alpes-Maritimes. Ce n’est jamais qu’une proposition parmi tant d’autres, qui cherche avant tout à faire réfléchir les élèves et à leur faire manipuler des cartes. Toujours est-il que je prends du plaisir à enseigner la géographie et que je trouve intéressant de s’intéresser à la géographie locale. Si vous avez des remarques ou des questions, n’hésitez pas à le faire en commentaire !

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6 commentaires sur « Enseigner la géographie au CM1 »

  1. Bonjour,
    Je découvre votre blog qui est passionnant.
    Je prépare le CRPE et mon dossier porte sur le thème « découvrir les lieux où j’habite ». Je prévois de développer le côté cartographique : à la suite d’une visite du quartier de l’école, retrouver les éléments principaux constituant le quartier, tracer un croquis et élaborer une carte la plus fidèle possible, observer l’évolution du quartier à l’aide de géoportail. J’espère que ce ne sera pas vu comme trop restrictif par le jury.

    Aimé par 1 personne

  2. Bonjour, je découvre avec bonheur votre blog. Je souhaiterais m’en inspirer pour mon département, qui n’est pas très loin du votre.
    Auriez vous des conseils à me donner pour la création des cartes (logiciel….)
    Bravo pour votre travail !

    Aimé par 1 personne

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