C’est un film déjà relativement ancien, puisqu’il date de 1982. Et pourtant, il n’a pas pris une ride. Dark Crystal, de Jim Henson et Frank Oz, est un film de marionnettes. Et pourtant, ce n’est pas un film comique. Sa grande originalité tient à la création d’un univers complet, théâtre d’une magnifique épopée.
Des images sublimes
Visuellement, le film est magnifique. Nous sommes bien loin des images de synthèse, parfois trop parfaites pour réellement séduire. Les marionnettes ont été dessinées avec beaucoup d’originalité et arborent les formes de créatures fantastiques. Les décors, surtout, sont sublimes, qu’il s’agisse de déserts au-dessus desquels nagent trois soleils, ou de forêts luxuriantes peuplées de créatures étranges, toutes plus vraies que nature.
Une épopée fantastique
Mais, n’étant pas critique de cinéma, c’est surtout sur la dimension littéraire de ce film que je voudrais insister. Car je trouve à ce film certaines qualités qui en font tout autre chose qu’un divertissement commercial. Aussi est-il intéressant d’en analyser quelques-unes. On peut ainsi s’attacher à montrer que Dark Crystal est une épopée fantastique.
On peut lire Dark Crystal comme un itinéraire initiatique. Le personnage principal, Jen, au départ simple adolescent orphelin menant une vie paisible sous la protection de ses maîtres, devient le héros qui, littéralement, sauve le monde. Ses qualités, qui n’étaient au départ que virtuelles, sont progressivement révélées à mesure qu’il est mis à l’épreuve. Comme dans tous les récits initiatiques, le spectateur s’identifie au héros et, en partageant ses aventures, s’interroge à son tour sur son propre destin.
L’invention complète d’un univers

Ce que j’apprécie avant tout dans ce film, c’est qu’il se déroule dans un univers entièrement fictif, mais cependant cohérent. Le monde fictionnel n’est pas une simple toile de fond qui servirait de prétexte au déroulement des aventures des personnages. Les auteurs ont clairement voulu penser un univers complet, avec sa géographie, ses peuples, ses mythes, sa symbolique.
Pour le dire autrement, on pourrait se dire que situer un récit dans un monde qui n’existe pas est une facilité, puisque l’on n’est pas obligé de respecter les lois de l’univers qui est le nôtre, ni de se contraindre aux exigences du vraisemblable. Mais, justement, Jim Henson et Frank Oz n’ont pas cédé à la facilité, puisque l’univers qu’ils ont inventé fait pleinement sens, grâce à sa dimension symbolique.
Une forte dimension symbolique
Par sa dimension symbolique, le film nous invite à nous interroger sur les notions de bien et de mal, d’unité et de dualité…
L’objet magique qui est au centre du récit est un cristal. D’ordinaire, le cristal renvoie à la beauté, à la perfection. Mais ici, il s’agit d’un cristal brisé, qui a perdu son unité. Il est donc le symbole très fort d’une unité qui est à reconquérir. C’est, au fond, une dialectique allant d’une unité première à une unité nouvelle, en passant par un long « travail du négatif ».
De même que le cristal est divisé en deux morceaux, le monde de Dark Crystal est partagé entre deux peuples. D’une part, les Skeksès, avides de pouvoir et d’immortalité, et d’autre part, les Mystiques, qui passent leur temps à étudier, à chanter, à prier. Or, le film démontre que ces deux peuples sont en réalité deux faces d’un même individu originel. Si bien que, lorsqu’un Skeksès meurt ou se blesse, il arrive la même chose au Mystique.
Le bien et le mal sont donc réunis au sein d’un même symbole, un peu à la manière dont les couleurs noire et blanche s’assemblent dans le symbole du Tao : un point noir dans la région blanche, un point blanc dans la région noire, les deux régions ne formant qu’un seul et même cercle…
Le couple formé par Jen et Kyra devient lui-aussi un symbole, celui de l’amour triomphant, capable de réinstaurer l’unité là où régnait la division. Car ce n’est pas seul qu’un héros peut accomplir son destin. Kyra n’est pas seulement une adjuvante, elle est explicitement désignée comme le double complémentaire du héros. « Nous faisons tous partie les uns des autres », telle est l’une des leçons du film.
Un véritable mythe
Des symboles, donc, mais aussi une prophétie, caractérisent l’univers fictionnel de Dark Crystal. Si bien que le film finit par devenir un véritable mythe. Des parallèles peuvent d’ailleurs être faits avec des mythes existants. La brisure initiale du cristal est comparable à la morsure d’Eve dans le fruit interdit. En ce sens, Jen, en guérissant le cristal, est celui qui va rédimer le péché originel.
Un tel mythe peut donner à penser à l’homme d’aujourd’hui. Ne sommes-nous pas nous-mêmes trop souvent aveuglés par un désir de maîtrise et de puissance, à l’image des Skeksès qui n’hésitent pas à faire souffrir les autres pour quelques secondes de rajeunissement ? Ne pouvons-nous pas, de même, penser que notre monde, à certains égards, a besoin d’être guéri de trop nombreuses divisions et dissensions ?
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J’espère, par cette brève analyse, vous avoir donné envie de regarder ce film, qui, pour une fois, n’est pas haletant. Il y a au contraire des plans assez figés, par exemple sur la course des trois soleils ou sur la lente démarche des Mystiques, qui font pleinement partie de la saveur du film. Le film alterne les moments d’action et de méditation, de frayeur et de joie, en passant par l’émerveillement qui ne manque pas de saisir le spectateur quand apparaît le laboratoire d’Aughra…
Et maintenant, place au cinéma…
(Source : Dailymotion)
Image d’en-tête : Wikipédia.
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