« Siddhârta » d’Hermann Hesse

Il y a quelques jours, bien en évidence sur une étagère, ce livre semblait me tendre les bras. J’ai été attiré par son titre et son auteur, s’agissant d’un ouvrage que mon prof de philo, il y a quelques années, m’avait recommandé. Siddhartha est l’un des romans les plus connus de l’écrivain allemand Hermann Hesse. Il raconte comment un jeune Indien est finalement devenu un Bouddha. Alors, bien qu’il s’agissait d’une traduction italienne, je l’ai emprunté.

Un roman de formation

Rangée de statues de Bouddha, dans un temple thaïlandais (photo personnelle)

Le livre est bien un roman, non un ouvrage documentaire sur la vie de Bouddha. Aussi est-ce bien en tant que tel qu’il faut le lire. D’emblée, le style de l’auteur nous place dans le registre de la légende. C’est bien une aventure hors du commun qui nous est présentée.

Plus précisément, il convient de relier ce roman à la tradition allemande du Bildungsroman, qui elle-même n’est qu’une forme du « conte initiatique » ou « roman de formation », tel qu’on en trouve dans bien des cultures différentes.

Une fleur de lotus dans un temple thaïlandais (photo personnelle)

Pour le dire en termes philosophiques, un roman de formation est un récit qui montre l’accomplissement progressif de son personnage principal, lequel est généralement un héros en puissance.

Le personnage ne se satisfait pas de son état initial — l’en-soi –, si bien qu’il accepte de sortir de son propre confort et de passer par toute une série d’épreuves — le pour-soi — afin d’atteindre à un statut supérieur — « l’en-soi-pour-soi », c’est-à-dire le véritable chez-soi.

Dans le genre du roman de formation, les épreuves permettent au personnage de passer d’un savoir, d’un pouvoir et d’un vouloir incomplets, insatisfaisants, limités, à un savoir, un pouvoir et un vouloir réellement et pleinement acquis, manifestés, réalisés.

Ici, bien entendu, il ne s’agit pas de simplement devenir un héros accompli, mais un véritable sage, un Éveillé, un Bouddha. C’est donc le parcours du jeune Siddhartha, accompagné de son fidèle ami Govinda, que relate le roman. Il s’agit d’un personnage de fiction qui, bien que son itinéraire soit ressemblant, ne doit pas être confondu avec Siddhartha Gautama Shakyamuni, le Bouddha historique.

Une plongée dans l’Orient

Il suffit de lire les premières lignes du roman pour se sentir emporté dans le merveilleux grâce au souffle épique de l’auteur (je cite en traduisant moi-même de l’italien) :

« À l’ombre de sa maison, sur les rives ensoleillées du fleuve auprès des barques, dans l’ombre du bois de Sal, à l’ombre du figuier, grandit Siddhartha, le beau fils du Brahmane, le jeune faucon, en même temps que son ami, Govinda, lui aussi fils de Brahmane. »

Le jeune Siddhartha a tout pour être heureux : il vit dans un lieu non seulement paradisiaque, mais où l’on voue un culte à la recherche de la sagesse. Il est le fils du plus sage des Brahmanes de son village. Mais, bien vite, il sent que, aussi savants et sages que soient ses parents et ses maîtres, ils ne sont eux-mêmes que des hommes, eux aussi englués dans les tourments, les peines, les souffrances de la condition humaine. Aussi ressent-il le besoin de partir en quête de la vérité à laquelle il aspire, celle du Nirvâna. Contre l’avis de ses parents qui le destinaient à devenir lui aussi brahmane, il part en quête, accompagné de son fidèle ami Govinda.

Monumentale statue du Bouddha couché (Bangkok, photo personnelle)

Siddhartha commence par suivre les Sadana. Comme eux, il vit en ascète, multipliant les jeûnes et les privations, rejetant tout signe extérieur de richesse, mettant beaucoup de zèle à demeurer de longues heures immobile sous la chaleur ardente du soleil ou encore sous des averses torrentielles et glaciales. Il espère ainsi se vider de tout ce qui est accessoire et futile en lui-même, de façon à ne conserver que le vrai Moi, l’Atman. Il se rend cependant vite compte que, sitôt terminé l’exercice de privation, le petit moi ne tarde pas à resurgir, accompagné de tous ses défauts. Il comprend que la voie de l’ascétisme n’est pas suffisante, et que, aussi sage qu’il paraisse, le plus vieux des Sadana n’a pas atteint la perfection absolue.

Mais Siddhartha et Govinda ont entendu parler d’un sage encore plus sage encore. On dit qu’il s’appelle Gautama et qu’il est un Éveillé, un Bouddha. Govinda pense que c’est peut-être lui qui détient la solution ultime. Siddhartha n’en est pas aussi certain, mais il juge bon d’aller se rendre compte par lui-même de la valeur de ce grand sage. Il n’est pas très difficile de le trouver, car les pèlerins affluent par milliers pour entendre son prêche de vive voix. Govinda est d’emblée convaincu et rejoint les disciples de ce Bouddha. Il s’étonne de ce que Siddhartha ne fasse pas de même. Mais ce dernier voit plus loin encore…

Statue du Bouddha devant une fresque dans un temple thaïlandais (photo personnelle)

Je ne vous raconterai pas la suite, jugeant préférable de vous la laisser découvrir par vous-mêmes. Je ne peux que recommander la lecture de cet ouvrage qui devrait séduire bien au-delà de ceux qui s’intéressent aux philosophies orientales. C’est un magnifique conte initiatique, où la couleur locale ne se résume pas à un superficiel vernis de pittoresque, et l’on sent que l’auteur a mis toute sa connaissance de l’Inde et du bouddhisme. Ce conte est tout à la fois un roman et un poème.


Pour en savoir plus

  • Hermann HESSE, Siddharta, La Biblioteca di Repubblica, Bibliotex, 2002, trad. Massimo Mila, 127 p.
  • Les photos qui illustrent cet article ont été prises lors d’un voyage en Thaïlande en juillet 2016.
  • Vous serez peut-être intéressé par cet autre roman, situé quant à lui au Japon : Neige de Maxence Fermine.

4 commentaires sur « « Siddhârta » d’Hermann Hesse »

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