J’ai lu Hiver à Sokcho d’Élisa Shua Dusapin après avoir rencontré la jeune autrice à la librairie de la Pléiade, à Cagnes-sur-Mer. L’action se déroule en Corée du Sud, et plus précisément à Sokcho, ville située au nord-est du pays.
Sokcho
Ce bref roman (146 pages), qui se lit en deux à trois fois, est d’une lecture très agréable. Élisa Shua Dusapin nous emmène au bout du monde, dans cette ville située hors de tous les projecteurs. Ce n’est ni une grande capitale, ni une station balnéaire luxueuse. C’est avant tout un port de pêche, situé un peu en dehors des grands circuits touristiques. Là, comme ailleurs, vivre n’est pas toujours facile.

Élisa Shua Dusapin a su éviter les clichés de carte postale. La couleur locale est amenée par de petites touches discrètes. Sont ainsi cités les noms de plusieurs plats traditionnels. La Corée du Sud n’est ni idéalisée, ni diabolisée. Si l’on sent bien qu’il y a de la misère dans cette ville excentrée, il n’y a aucun misérabilisme. Il suffit de quelques petites touches pour décrire un vêtement démodé, une pension de famille un peu défraîchie, un littoral recouvert de barbelés… Tout cela est présenté avec douceur et simplicité.
La jeune fille et l’écrivain

L’intrigue en elle-même est très simple, si bien que l’intérêt du roman réside davantage dans l’ambiance qu’il installe que dans l’action proprement dite. La narratrice est une jeune employée dans une pension de famille. Elle est chargée du ménage, de la buanderie, de la cuisine pour les quelques pensionnaires, peu nombreux, qui occupent l’établissement. Les jours se suivent, monotones, dans cette ville où les divertissements sont rares.
L’élément perturbateur est constitué par l’arrivée d’un Français, un Normand, auteur de bandes dessinées. Il est plutôt taciturne, taiseux, mélancolique. C’est avant tout un artiste, avec tout ce que cela peut susciter de curiosité pour une jeune fille rêveuse qui a fait des études littéraires et qui n’ose guère avouer qu’elle parle français.
Dès lors, le lecteur ne se pose qu’une question : finiront-ils ou non dans les bras l’un de l’autre ? Je vous laisse évidemment découvrir vous-mêmes la réponse. Disons simplement que j’ai beaucoup aimé la lenteur avec laquelle la situation progresse. Les deux protagonistes s’observent beaucoup, parfois même en cachette. Il y a beaucoup de pudeur, beaucoup de gêne. Les sentiments sont là, mais ils ne s’expriment pas vraiment. Cette retenue fait partie de la beauté du roman.
De la douceur

Si je devais choisir un mot pour caractériser le livre, je parlerais de douceur. Il y a quelque chose de feutré, de ouaté, dans ce roman qui progresse par touches de couleur, à grand renfort de phrases nominales. On est un peu comme en dehors du temps, dans une parenthèse que constitue le séjour du dessinateur en Corée, dans cette ville de Sokcho qui est aussi un peu comme placée entre parenthèses dans le monde. Bref, c’est une lecture très agréable.
Références
Élisa Shua Dusapin, Hiver à Sokcho, folio/Gallimard, 2018, reprise au format poche d’un roman initialement paru aux éditions Zoé en 2016. ISBN : 978-2-07-277184-2.
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Oui, cette douceur est ce qui me tenterait le plus. Ce qui se tisse un fil après l’autre, la patiente écoute, l’ouverture à l’étrangeté, la singularité de l’autre, c’est beau dans tout amour.
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Douceur, couleurs , retenue, hors du temps…Vous donnez envie de lire…Merci!
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C’était le but ! Merci beaucoup !
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Ce roman qui se passe à l’autre bout du monde , un peu hors du temps, hors de la frénésie citadine , où les choses se mettent en place doucement , m’attire beaucoup…. Je le note sur ma liste de livres à acheter.
Merci pour ce billet.
Bonne soirée
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Merci beaucoup pour ce commentaire !
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