Au commencement était le mythe. Avant même que l’homme ne sache écrire, avant les premières villes, avant les grandes civilisations, à l’époque où la chasse, la pêche et la cueillette occupaient l’essentiel des activités humaines, on imagine que les mythes circulaient oralement au sein de chaque groupe, pour le fédérer dans une même conception du monde et du cosmos. Avec le temps, ces mythes engendrèrent les grandes mythologies de l’humanité.
Les Grecs avaient leur panthéon olympien, leurs dieux volages et jaloux, leurs héros courageux et rusés. Les Égyptiens vénéraient l’astre solaire, si puissant sous leurs latitudes, sous le nom d’Amon-Ré, accompagné d’une famille de divinités représentées sous une forme mi-humaine, mi-animale. Les Dogons avaient leurs dieux d’eau. Mayas, Incas, Aztèques avaient eux aussi leurs mythes et leurs légendes, de même que les peuples d’Asie.
Aujourd’hui, je vais vous présenter succinctement la mythologie islandaise. Il faut imaginer la rudesse des conditions de vie des premiers colons d’origine scandinave, débarquant sur une île que l’on appelle encore aujourd’hui le pays de glace (ice land), où l’été ressemble à notre hiver, et où l’hiver s’assemble à une longue nuit où le soleil n’apparaît qu’à peine. Sur ces vastes landes où ne pousse qu’une herbe rase entrecoupée de quelques buissons, où l’horizon se découpe de formes fantastiques dessinées par les volcans, où le sous-sol gronde d’énergies mystérieuses, les hommes ont développé leur propre version de la mythologie nordique.
L’Edda de Snorri Sturluson
Ce n’est qu’au XIIIe siècle que cette mythologie à été couchée par écrit par Snorri Sturluson. Né dans la puissante famille des Sturlungar, élevé dans le milieu cultivé du clan d’Oddi, Snorri a cherché le pouvoir et la richesse, tout en se montrant passionné par la littérature. Il est mort assassiné par les hommes du roi Hakon de Norvège, contre lequel il avait pris parti, non sans avoir eu le temps d’écrire auparavant plusieurs ouvrages majeurs dans la littérature islandaise.
Selon Pall Vallson, maître de conférences à l’université d’Uppsala en Suède, Snorri Sturluson a écrit non seulement l’Edda, c’est-à-dire le grand livre de la mythologie islandaise, mais aussi « le Heimskringla, un recueil de sagas retraçant dans leur continuité l’histoire des rois de Norvège de 400 avant JC jusqu’à 1200 », ainsi que, probablement, les sagas d’Egill Skala Grimsson et du roi Olaf le Saint.
Pall Vallson juge l’Edda de Snorri comme la source la plus précieuse sur les croyances des Vikings. Si, comme d’autres ouvrages de la même époque, elle attribue une origine divine à la monarchie, elle est la seule à donner autant de détails sur la cosmogonie. Outre des mythes, elle contient aussi une métrique et un art poétique.
La création du monde
« Au commencement
Était le néant
Ni sable ni mer
Ni cieux au-dessus
N’existaient sur la terre
Seul le gouffre Ginnungagap
Dont l’herbe était absente »
L’Edda de Snorri Sturluson, traduction de Gérard Lemarquis
L’Edda de Snorri Sturluson raconte ainsi comment, à partir du néant originel, s’est formé le monde. Le contact entre rivières glacées et flammes ardentes à engendré le géant Ymir. Celui-ci a alors été mis à mort et les différentes parties de son corps ont été utilisées pour constituer notre monde. Les dieux ont ensuite créé à leur image Askur et Embla, l’équivalent de nos Adam et Eve, issus de deux troncs sculptés par les fils de Bor, puis animés par les dieux.
« Odin leur donna le souffle
Haenir la voix
Lod leur donna le sang
et une belle prestance. »
Les neuf mondes
Les Vikings croyaient en l’existence de neuf mondes dont le nôtre, la terre des Hommes, serait central. Au-dessus se situeraient le monde des elfes lumineux et Gimli, le monde de Muspell, Asgard et Valhalle, les terres des Vanes. En-dessous seraient les terres des géants, le monde des elfes de la nuit, Hel (le monde obscur) et Niflheim (le neuvième monde). Au centre de l’univers se trouve le frêne Yggdrasill, l’arbre du monde. Asgard est la résidence des dieux. L’Edda décrit les différents espaces et bâtiments qui composent ce monde depuis lequel Odin règne sur l’Univers. Valhalle se trouve également dans les cieux. Odin y trône, informé de tout ce qu’il se passe par ses deux corbeaux. On y fait de grands banquets et des tournois.
Naissance de la poésie
La version abrégée de l’Edda fournie par Pall Vallson décrit successivement les différents dieux du panthéon islandais, parmi lesquels Odin, Thor et Loki sont les plus connus. Autour d’eux, il y en a beaucoup d’autres, que je vous invite à découvrir en lisant le livre (voir références en fin d’article). Vous découvrirez aussi d’où provient le célèbre marteau de Thor… Je préfère ici insister sur un mythe qui m’intéresse au plus haut point, puisqu’il concerne la naissance de la poésie. Je ne le connaissais pas avant d’avoir lu le livre de Pall Vallson.
Lors de la guerre entre les Dieux et les Vanes, les uns et les autres ont craché dans la même bassine en signe de réconciliation. Celle-ci a été transformée en un homme nommé Kvasir, réputé pour sa sagesse. Il fut tué par deux nains qui melangerent son sang à du miel pour produire l’hydromel qui rend poète.
Source
Les Dieux Vikings, les plus belles pages de l’Edda de Snorri Sturluson, éditions Gudrun, Reykjavik, Gotembourg, Oslo, 1997. Traduction de Gérard Lemarquis. Explications de Pall Valsson et Hanne Westergaard. Choix de textes de Jon Thorisson. Illustrations de Lorenz Frolich (XIXe s.). ISBN : 9979-856-20-3 (édition reliée) et 9979-856-21-1 (édition de poche).
Image d’en-tête : maisons islandaises à flanc de montagne, dans le brouillard, avec vapeurs volcaniques (photo personnelle).
A reblogué ceci sur Alessandria today.
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Merci !
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