Littérature jeunesse : mes coups de cœur

Depuis que j’enseigne à l’école primaire, j’ai eu l’occasion de parcourir de nombreux ouvrages de littérature jeunesse. Certains m’ont beaucoup inspiré, et ce sont mes livres préférés que je voudrais partager avec vous aujourd’hui. Si vous avez d’autres titres à proposer, n’hésitez pas à intervenir dans les commentaires !

Ce que j’aime dans les livres de jeunesse

  • Ce qui attire avant tout mon attention, c’est l’intérêt des histoires. Beaucoup d’albums de jeunesse sont, je trouve, assez pauvres en nourriture culturelle ou en inventivité. J’aime que les livres que je fais découvrir à mes élèves soient enrichissants, qu’ils fassent réfléchir, qu’ils stimulent l’imagination ou qu’ils fassent sourire.
  • La beauté de l’objet livre est également importante. Certains livres ont visiblement été conçus avec une vraie réflexion esthétique, dans un véritable dialogue entre l’auteur et l’illustrateur, avec des choix qui font sens, qu’il s’agisse de format, de couleurs, de mise en pages…
  • Je sélectionne aussi des ouvrages qui me permettent de faire des liens avec d’autres disciplines, qu’il s’agisse des sciences, de l’histoire, de la géographie ou encore des arts plastiques. Sans toutefois exagérer : je ne trouve pas très pertinent de décliner toutes les activités de la classe autour d’un album ou d’un roman jeunesse, sans quoi ce dernier finit par n’être qu’un prétexte et le goût de la littérature disparaît.
  • J’affectionne aussi les livres qui peuvent être adaptés à plusieurs niveaux différents. Que ce soit en maternelle ou en élémentaire, je n’ai quasiment jamais eu de cours simple. Je trouve intéressant de travailler alors sur le même livre, en différenciant bien entendu les activités.
  • Enfin, je pars du principe que le livre doit me plaire à moi-même, sans quoi j’aurais du mal à le faire aimer aux enfants. Je n’aime pas les histoires trop infantilisantes, où l’enfant ne découvre finalement rien qu’il ne connaît déjà, et où le langage employé n’apporte rien à l’élève.

Voici, donc, une petite sélection des livres que j’ai présentés à mes élèves depuis que j’enseigne en primaire. La plupart m’ont été proposés par des collègues, que je me dois de remercier ici.

Des livres pour l’école maternelle

1. L’oiseau d’or de Solenne et Thomas

Les éléments de notre tapis de conte démontable pour l’Oiseau d’or (photo personnelle)

C’est un très beau conte initiatique que L’oiseau d’or. Sa trame répétitive le rend aisément accessible aux jeunes enfants de l’école maternelle. L’oiseau, initialement perché sur un arbre, va entreprendre un voyage tout au tour du monde, à la recherche d’un oiseau magnifique qu’il a entr’aperçu. À chaque page, il fait la rencontre d’un animal qui le guide vers la prochaine étape.

L’histoire est donc intéressante en elle-même, s’agissant d’un voyage initiatique où le parcours compte autant que la destination. La construction d’un tapis de conte a permis aux élèves de mémoriser la structure de l’histoire et de la raconter eux-mêmes à l’oral. L’ouvrage est aussi un excellent moyen d’apporter des connaissances culturelles sur les animaux et leurs lieux de vie.

Enfin, l’objet livre est lui-même très beau. Il s’agit d’un format paysage où, à chaque page, il n’y a qu’une seule couleur, aidant ainsi à identifier un animal et son milieu géographique. Les illustrations, magnifiques, évoquent des ombres chinoises ou des textes au pochoir. Cela a été un grand plaisir pour les élèves de découvrir successivement les différentes étapes de cette histoire, jusqu’à la découverte de l’oiseau multicolore qui clôt le livre.

Références : Solenne & Thomas, L'oiseau d'or, éditions Gautier-Languereau, 14,95 €. https://www.gautier-languereau.fr/livre/loiseau-dor-9782012202733

2. La petite fille qui marchait sur les lignes

Une sorte de marelle (Pixabay)

C’est encore un ouvrage très poétique que La petite fille qui marchait sur les lignes, signé par Christine Beigel pour les textes et Alain Korkos pour l’illustration. Comme tous les enfants, cette petite fille adore suivre les lignes du trottoir lorsqu’elle marche dans la rue. Elle s’imagine que le caniveau est un gouffre profond où rôde un dangereux monstre.

C’est, là encore, un ouvrage très joliment illustré, où le texte lui-même suit les fameuses lignes. Nous suivons donc la petite fille dans sa découverte du monde. Certaines des lignes qu’elle suit ont la forme de monuments célèbres que les élèves pourront s’amuser à rechercher à partir de photos. Il y a donc matière à des apports culturels intéressants. Et il suffit de jeter un œil aux illustrations pour voir qu’elles s’inspirent d’un grand peintre amateur de formes géométriques…

Le livre m’a également séduit par la réflexion à laquelle elle invite sur l’imaginaire. L’ensemble de l’ouvrage est en effet fondé sur ce jeu d’imagination où la petite fille rêve le monde dont elle suit les lignes. Elle s’imagine qu’il ne faut surtout pas sortir de la ligne, sans quoi mille dangers s’abattraient sur elle.

L’ouvrage permet donc aussi de travailler sur la peur. Est-ce que le caniveau est vraiment un gouffre sans fond peuplé de monstres ? Non. Tous les enfants grandissent en apprivoisant leurs peurs, et c’est un travail sur soi qui se poursuit jusqu’à l’âge adulte.

C’est aussi un ouvrage qui permet d’aborder le thème de la liberté. Est-on obligé de toujours suivre les lignes ? À la fin de l’album, la petite fille est conduite à passer à un autre jeu. Celui-ci n’est pas indiqué par le texte mais suggéré par l’illustration. Il s’agit de la marelle. La petite fille s’est donc affranchie de la peur de sortir des lignes. Et elle va découvrir un jeu auquel on peut jouer à plusieurs…

Références : Christine Beigel, Alain Korkos, La petite fille qui marchait sur les lignes, éditions Motus, 13 €. http://www.editions-motus.com/inclass/livre_10/index.htm#

3. Frédéric de Léo Lionni

Dessin d’un mulot (Pixabay)

J’ai également eu beaucoup de plaisir à travailler autour de Frédéric de Léo Lionni. Le personnage principal est un mulot qui vit, avec sa famille, dans un muret au bord d’un champ. Les mulots sont très affairés. Tout l’été, ils font des provisions pour l’hiver. Ils ramassent du blé, des noisettes, du maïs. Mais Frédéric, lui, ne semble pas travailler. Est-il paresseux ? À bien y regarder, il fait, lui aussi, des provisions, mais d’une toute autre sorte. Il fait provision de soleil, de couleurs et de mots. Et cela sera finalement bien utile, lorsque l’hiver sera venu…

La fin du livre permet de se rendre compte que Frédéric est un poète. C’est l’occasion de demander aux élèves ce qu’ils pensent que cela veut dire, et d’entreprendre tout un travail autour de la poésie. En classe, nous avons lu de nombreux poèmes que nous avons accrochés sur un arbre à poèmes de notre fabrication. Et nous avons aussi écrit des haïkus. Oui, c’est possible de le faire, même en maternelle, même si, bien sûr, c’est le maître qui tient le stylo, tandis que les élèves donnent des idées…

Je pense qu’un tel ouvrage peut aussi être adapté à des élèves de cycle 2, avec simplement des activités différentes incluant la lecture et l’écriture.

Références : Léo Lionni, Frédéric, L'école des loisirs, 11,70 €.
https://www.ecoledesloisirs.fr/livre/frederic

Mais aussi…

Je vous signale plus rapidement deux autres ouvrages dignes d’intérêt :

  • Steven Guarnaccia, Les Trois petits cochons, helium. Une version revisitée du célèbre conte, où nos trois petits cochons deviennent des architectes et des designers contemporains. Plus d’informations sur le site « mini-archi ».
  • Serge Prokofiev, Pierre et le loup, helium. Inutile de présenter de façon détaillée ce très célèbre conte musical. Je voulais toutefois signaler le très bel album publié aux éditions Hélium, où les illustrations de Thierry Gordon sont composées à partir de symboles musicaux. Celles-ci s’animent même grâce à un DVD dont on trouvera quelques extraits sur YouTube.

Pour des élèves d’élémentaire

À l’école élémentaire, il y a aussi de quoi faire en littérature, bien entendu ! Je me limiterai ici à des ouvrages que j’ai vraiment beaucoup aimés et dont l’exploitation en classe a donné lieu à de belles satisfactions en voyant les élèves s’investir dans les activités proposées.

4. Un bleu si bleu de Jean-François Dumont

C’est l’histoire d’un petit garçon qui part en quête d’un « bleu si bleu qu’on rêverait de s’y blottir ». Son voyage le mène aux quatre coins du monde, chaque étape le conduisant à rencontrer un personnage qui le guide vers la suivante. Il s’agit donc là encore d’un conte initiatique, qui amène à découvrir que le bleu de ses rêves n’est autre que celui du regard de maman.

Il y a une dimension culturelle intéressante, l’enfant visitant un musée (et les illustrations du livre évoquent des tableaux qui existent vraiment), rencontrant les hommes bleus du désert et faisant l’expérience du blues. Et, évidemment, une dimension poétique incontournable, la couleur bleue n’étant pas une couleur comme les autres, ainsi que nous le rappelle le poète Jean-Michel Maulpoix.

5. Ulysse et le cheval de Troie / Le voyage d’Ulysse

J’ai déjà parlé dans un article précédent de ces deux albums, d’auteurs et d’éditeurs différents, que j’ai l’habitude de traiter successivement pour que les élèves connaissent à la fois le célèbre épisode du cheval de Troie et les principales étapes du voyage de retour d’Ulysse. Je trouve fondamental que les élèves aient accès à ces éléments de la culture universelle, et les albums concernés sont vraiment bien faits. Pour plus de détails et pour les références, je vous renvoie à mes articles précédents :

Les élèves prennent toujours beaucoup de plaisir à découvrir ces histoires exceptionnelles. Je ne crois pas que cela soit trop difficile pour eux, car, même s’il s’agit de textes ambitieux, j’arrive avec une batterie d’outils destinés à faciliter la compréhension. Les enfants sont au contraire ravis de découvrir ces textes qui stimulent leur imagination et leur font découvrir autre chose que ce qu’ils connaissent déjà.

6. La Belle et la Bête de Mme Leprince de Beaumont

La plupart des élèves ne connaissent, dans le meilleur des cas, que le dessin animé des studios Disney, lequel n’est pas tout à fait fidèle au conte original de Mme Leprince de Beaumont. Or, c’est vraiment une très belle histoire. Une écrivaine et une héroïne féminines permettent de sortir des stéréotypes traditionnels pour aborder l’intéressante question de l’acceptation de la différence : la laideur apparente peut dissimuler la beauté intérieure.

J’ai sélectionné un album magnifiquement illustré qui reproduit le texte original du XVIIIe siècle. Mais, dans l’impossibilité d’en acquérir un pour chaque élève, j’ai également acheté pour chaque élève une édition Librio à 2 €. C’était la première fois que les élèves ouvraient un livre sans images, et ils étaient très fiers de se rendre compte qu’ils en étaient capables.

Pour en savoir plus, je vous renvoie aux articles que j’ai écrits sur le sujet :

7. Histoires de sorcières

Dans ce recueil des éditions Sedrap, je me suis surtout intéressé à la pièce de théâtre, afin de montrer à mes élèves d’autres genres que le seul récit. Les enfants ont adoré interpréter les différents rôles. Il faut dire que l’histoire est vraiment drôle. Dans l’école des sorcières, les objets magiques ont mystérieusement disparu. Une enquête policière commence, mais il faut à tout prix éviter que les gendarmes ne découvrent qu’il s’agit d’une école de sorcières ! Lors de sa première édition, l’ouvrage était recommandé pour un niveau CE1. Les éditions suivantes parlent de CE2 ou CM1…

Références : Marcel Pineau, Histoires de sorcières, recueil de textes de différents genres dont une pièce de théâtre, Sedrap, 6,50 €.
http://www.sedrap.fr/content/fr/produit/862/HISTOIRES-DE-SORCIERES---ROMAN---LECTURE-EN-TETE/

Et cette année ?

Cette année, je conserve une partie de mes élèves de l’an dernier, avec une classe de CE1/CM2. Aussi dois-je renouveler mon stock de littérature. J’ai pas mal d’idées sous le coude, je vous en reparlerai prochainement.

8. L’enfant bleu de Jean-Marc Ligny

Une place de parking pour ovnis (Pixabay, libre de réutilisation)

J’ai débuté l’année scolaire avec une histoire que je trouve passionnante, et qui change un peu de ce qui se fait souvent, car il s’agit d’un récit qui mêle science-fiction et préhistoire. Dans L’enfant bleu de Jean-Marc Ligny, une tribu d’hommes de Cro-Magnon, victime des affres de l’hiver glaciaire, reçoit la visite d’un étrange enfant bleu venu d’ailleurs…

En plus du travail habituel de compréhension, cet ouvrage a été l’occasion de nous intéresser à la préhistoire, à travers une lecture documentaire, et à l’exploration spatiale, à travers le visionnage de la bande-annonce du film 16 levers de soleils, qui va sortir en salles en octobre prochain, et que j’ai eu la chance de voir en avant-première cet été. Nous avons alors fabriqué des fusées en arts plastiques à partir de matériel de récupération. Et les élèves ont inventé leurs extraterrestres avec un nombre variable d’yeux, de bras, de jambes…


J’espère que ce florilège vous sera utile, que vous soyez parent d’élève désireux de donner à lire à votre enfant, ou enseignant en quête de supports de lecture. J’ai indiqué, lorsque j’ai trouvé rapidement l’information, le coût des ouvrages concernés, mais il va de soi que je ne suis ni libraire, ni éditeur, et que je ne saurais garantir ces prix.

N’hésitez pas à réagir dans l’espace des commentaires, que ce soit pour donner un avis, proposer un livre de littérature jeunesse qui vous intéresse, ou encore pour poser une question !

Et avant de partir, peut-être serez-vous intéressé(e) par d’autres de mes articles qui concernent l’éducation ou la littérature jeunesse :

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13 commentaires sur « Littérature jeunesse : mes coups de cœur »

  1. J’ai adoré La planète Vulcain de Danielle Martinigol, un livre absolument magnifique qui peut être lu autant par des CM2 que par des adultes. J’avais rencontré l’auteure aussi. Pourquoi ne pas enseigner dans le secondaire, avec votre doctorat ? Si je ne suis pas trop indiscrète.

    Aimé par 1 personne

    1. Dans le supérieur, oui, mais le secondaire en revanche ne m’attire pas trop. Beaucoup de contraintes (affectations nationales, adolescents souvent pénibles) et peu d’avantages.

      J’aime

  2. Bonjour Gabriel,
    Merci pour ces découvertes de littérature jeunesse. Ces temps-ci je m’amuse à lire quelques classiques : L’homme qui plantait des arbres, Le petit garçon qui avait besoin d’espace, de Jean Gionot, Tistou les pouces verts de Maurice Duron, Le chat qui parlait malgré lui de Claude Roy. Je les ai tous beaucoup aimés. Et toi qu’en penses-tu ?
    Marie

    Aimé par 1 personne

      1. Une incroyable histoire de William IRish que j’ai découvert cette année avec mes
        Cm1. Un livre passionnant et haletant. Je comprends pourquoi il a pu inspirer Hitchcock et Truffaut.
        Bref, j’ai adoré et forcément mes élèves aussi.

        Aimé par 1 personne

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