C’est une question passionnante qu’explore un article du site « Littérama » : écrit-on différemment lorsqu’on est une femme ? Y a-t-il une façon d’écrire qui soit propre aux femmes ?
La question est légitime, du moment que l’on prend conscience de l’inégalité de traitement qui a très longtemps marqué la littérature, et qui, dans une certaine mesure, la marque encore aujourd’hui. Cependant, force est d’admettre que les femmes, comme les hommes, sont libres de s’emparer de tous les sujets et de toutes les formes : pourquoi, dès lors, écriraient-elles autrement ? Ne serait-ce pas une autre forme de sexisme que de supposer qu’elles ne puissent pas écrire comme les hommes ? Et pourtant, les femmes n’ont-elles pas quelque chose de plus, en tout cas quelque chose d’autre, à apporter à la littérature ?
Je vous recommande donc chaleureusement cet article très stimulant. Si je devais y ajouter quelque chose, ce serait peut-être de réfléchir aussi en termes de réception : beaucoup de grands romans écrits par des hommes sont destinés implicitement à un lectorat féminin. Certes, tout le monde peut lire ces romans, mais les écrivains savaient, au moment où ils écrivaient, qu’ils seraient davantage lus par des femmes. Donc, c’était des hommes qui s’adressaient à des femmes. Et quand c’est une femme qui écrit, alors ? La relation auteur-lecteur n’est peut-être plus tout à fait la même. Cela expliquerait ainsi une différence esthétique de l’écriture féminine, sans pour autant enfermer les femmes dans des formes particulières.
Bref, je vous invite à lire cet article : https://femmes-de-lettres.com/lecriture-feminine-est-elle-une-ecriture-specifique/
À lire aussi
- Une sélection de poètes féminins contemporains (elles-mêmes refusent souvent le terme de « poétesse »)
- Une réflexion sur le mot « autrice » plutôt que « auteure »
- Mon avis sur l’écriture inclusive
Non, chaque auteur a juste un style propre.
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Tant que j’y pense, jetez un oeil sur la poésie d’Albane Gellé, simple et pourtant si puissante ! C’est l’auteure que je conseille le plus, avec Guillevic, pour aborder la lecture régulière de poèmes.
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Il serait vraiment intéressant que vous développiez plus avant cette question de la réception, mais avant tout la question était historiquement le postulat d’une écriture féminine qui , dans une visée essentialiste, était frappée d’incapacité sinon de légitimité (pudeur, etc.) Le roman était le genre destiné aux femmes qui n’étaient pas suffisamment éduquées pour soutenir, pensait-on, la lecture d’essais ou d’ouvrages sérieux, et pour une part d’entre eux destinés aux femmes, dans un souci d’édification, voire d’éducation morale. Il est devenu le genre majeur pour les autrices.
Ce qui me m’intéresse aujourd’hui est la question de la transmission, qu’est-ce qui vous a été transmis à vous, ou de quoi avez-vous été spolié ? De l’autre ? (poétesse, déesse etc) Comment se construit-on comme sujet de culture avec ce manque ? Et s’en aperçoit-on seulement ? Il y a quelques années, je m’étais amusée à compter le nombre d’auteurs et d’autrices sur les blogs, pour une majorité d’entre eux, le rapport était d’un tiers, deux tiers.
Pendant mes études de philosophie, j’ai vraiment eu l’impression de me construire autour de ce manque, et il m’a fallu un peu de chemin pour me sentir digne, car il n’y avait pratiquement aucune femme jusqu’au master, Simone de Beauvoir n’étant même pas considérée comme une philosophe sérieuse. Comment se construisent alors les les jeunes gens, les enfants, dans nos cours ? il me semble que c’est la grande question du XXIe siècle. Votre intelligence est vive, autant que semble l’être votre culture, ce serait vraiment intéressant que vous vous empariez davantage de ces questions sur votre génialissime blog ! (Je ne pèse pas mes mots, tant pis !)
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Merci pour ce commentaire élogieux ! Je n’ai guère réfléchi plus avant sur ces questions qu’il faudra que je creuse. Ce qui est sûr, c’est que je tiens chaque année à proposer à mes élèves des œuvres d’auteurs féminins, telles que La Belle et la Bête de Mme de Beaumont (un très beau conte en vérité), peut-être L’oiseau bleu de Mme d’Aulnoy l’an prochain…
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Il y a aussi la question du pseudonyme qui biaise la question. Yasmina Khadra est un homme qui écrit sous le nom de sa femme. Son écriture est-elle féminine ou masculine? « Histoire d’O » a été écrite par une femme sous un prénom ambigu « Dominique ». Son écriture est-elle féminine ou masculine?. e qui signe un auteur c’est son style. il y a aussi toutes les idées reçues et stéréotypes sur la production féminine. Quand je dis que j’écris en général la première question consiste en « c’est un roman d’amour? » Non. Je suis femme je ne devrais donc écrire que des romans d’amour? En général quand je dis que ma spécialité c’est l »histoire navale, la réaction immédiate est du genre surprise au mieux. Genrer la littérature ou la production littéraire, c’est la réduire au sexe de son auteur. Autant dire qu’on ignore tout le reste: les goûts, les connaissances, l’histoire personnelle, la personnalité… Non vraiment, il n’y a pas d’écriture féminine. Il y a des auteurs.
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Je ne pense pas non plus que l’écriture soit genrée mais c’est un combat qui se mène car cela ne va pas de soi pour la société dans laquelle on vit. Beaucoup d’autrices ont été gommées des histoires littéraires pour le simple fait qu’elles étaient femmes. On les redécouvre aujourd’hui et on reconstruit une mémoire ; c’est un grand champ de recherches et c’est passionnant.
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La poésie est un cri de l’âme. L’âme serait-elle genrée ? J’en doute …
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L’âme n’est pas genrée si l’âme existe mais la visibilité institutionnelle n’est pas la même pour les unes que pour les autres. C’est plutôt ça le problème.
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Oui, et si je voulais être un peu malicieux, pour le plaisir de titiller la réflexion, je dirais, mais si les femmes écrivent comme les hommes, qu’a-t-on raté à ne les pas lire ? (Je plaisante, comme de bien entendu.)
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C’est tout à fait juste, l’intérêt est politique et historique car c’est une forme de réhabilitation, dans une nouvelle historiographie.
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Tout à fait. Mais il est malgré tout possible, même si les femmes écrivent comme les hommes, que la redécouverte de la production littéraire féminine nous fasse voir le monde, malgré tout, un peu autrement. Mais dans ce cas, est-il sûr qu’elles écrivent vraiment comme les hommes ? (C’est le serpent qui se mord la queue !)
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Je ne comprends pas ce que veut dire « écrire comme les hommes » : écrire comme Proust ? comme Marc Lévy ? comme Cervantes ? comme Molière ? C’est comme si je vous disais « Ah non, je n’ai pas l’intention de lire Mallarmé parce qu’il écrit comme un homme et que j’ai déjà lu Corneille et Suétone qui sont aussi des hommes, donc je m’y connais en littérature masculine ! »
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Il n’y aurait donc aucune spécificité d’écriture liée au sexe. Il n’y aurait que des façons d’écrire individuelles. Chaque écrivain, qu’il soit homme ou femme, aurait son écriture à lui, son style propre. Moi je veux bien, mais du coup, est-il utile de militer pour une plus grande reconnaissance de l’écriture au féminin ?
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Est-il utile de reconnaître le talent là où il est ? Selon moi, oui. La question est plutôt : « Pourquoi une femme talentueuse ne pourrait pas prétendre à la même diffusion et à la même reconnaissance qu’un homme talentueux ? » Pourquoi le talent d’une femme devrait-il prouver son « utilité » quand l’utilité du talent masculin va de soi et ne pose de question à personne ?
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Je me faisais l’avocat du diable en cherchant la petite bête. Je suis, bien entendu, d’accord avec vous.
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Je m’en doutais un peu 🙂 J’étais étonnée que vous défendiez ces positions, connaissant votre blog depuis longtemps …
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C’est vraiment pertinent votre boutade. on ne les a pas mises de côté parce qu’elles étaient des écrivains inintéressants mais parce qu’elles étaient des femmes.
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Oui, et du coup, en redécouvrant la littérature féminine, peut-être découvrira-t-on, malgré tout, une autre façon de voir le monde. Mais alors, est-il sûr que les femmes écrivent vraiment comme les hommes ?
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Elles sont historiquement situées, elles apportent donc leur vision de leur Histoire, et c’est en cela que c’est intéressant. elles sont de l’autre côté du pouvoir.
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Ha, dommage qu’on ne puisse pas débattre autour d’un café. Vous avez vraiment l’esprit affûté.
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😉
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A reblogué ceci sur Alessandria today.
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Très intéressant je me suis moi-même demandée si j’écrivais comme une femme, et si c’était une bonne chose! Mais c’est une question d’habitude je pense, avant les femmes ne pouvaient pas publier, donc les grands classiques français sont écris par des hommes, alors on pense que les hommes écrivent mieux. Je me demande toujours si un homme sera freiné par un livre écris par une femme, quand les femmes elles ne font plus attention à qui écris..
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Merci pour ces réflexions. Oui, ce sont des questions passionnantes et compliquées, parce qu’il est tout à la fois impossible de considérer que les femmes seraient incapables d’écrire comme des hommes, et dans le même temps impossible de considérer qu’elles n’auraient rien de spécifique à apporter. Il doit donc bien y avoir une spécificité féminine, mais laquelle ?
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Cela me fait penser à George Sand à Nohant, un roman-essai d’Ella Balaert, Une femme, avec son style bien à elle, qui écrit sur une autre. Le connaissez-vous ? https://ellabalaert.com/
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Merci beaucoup pour la référence, je ne connaissais pas.
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Simone de Beauvoir en a parlé il me semble dans La force des choses et ailleurs. J’ai mis du temps a retrouver mais je n’ai retrouvé pour l’instant que dans les Lettres a Nelson Algren, edition en anglais (originale donc) : Simone de Beauvoir à propos de Violette Leduc page 74 : « she is much more daring than any woman I know ; she is daring as to the things she says and the way she says them. Nearly all women writers are a little shy, even in the artistic ground, a little too sweet and subtle, if you see what I mean ! This one writes like a man with a very feminine sensitiveness. »
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Très intéressant ! Merci beaucoup pour cette citation.
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