Ce mardi 10 avril après-midi, j’étais en sortie scolaire avec mes élèves, au Château des Terrasses, à Cap d’Ail. Ceux-ci étaient en effet invités à visiter une exposition à laquelle ils avaient participé. Dans le cadre du Printemps des Poètes, plusieurs classes de différentes écoles ont écrit des poèmes présentés à travers une production plastique. L’exposition représente l’aboutissement de ce projet de longue haleine.
Un projet de longue haleine

Dès la rentrée de septembre, les élèves ont découvert que la poésie allait colorer une partie de notre année, à travers un projet de classe de longue haleine. Après avoir demandé aux élèves ce qu’évoquait pour eux la poésie, je leur ai demandé de classer un grand nombre de poèmes que j’avais apportés. Les élèves ont ainsi pu élargir leurs conceptions et leurs représentations de la poésie : au-delà de la poésie rimée traditionnelle, les élèves ont découvert les calligrammes, les haïkus, les poèmes en prose…
Au cours de la première période (en septembre et octobre, donc), nous avons insisté sur les calligrammes, les haïkus et les poèmes carrés de Christophe Tarkos.
- Les élèves ont transformé un poème versifié existant en calligramme en écrivant les mots sur les lignes de leur dessin. Cette activité plastique m’a été inspirée par une proposition Nathalie Leblanc et Sophie Ngo-Mai initialement pensée pour la maternelle : les tout jeunes enfants peuvent en effet découper des mots et les disposer de manière à former un dessin. Au poème proposé par les formateurs de l’ESPE, à savoir « le chat-livre » de Joubert, j’ai ajouté « l’indien » de Desnos, de manière à ce que les élèves aient le choix.
- Les élèves ont ensuite inventé leur propre calligramme. Sur le modèle du « chat-livre », les élèves ont eux aussi inventé un animal imaginaire formé par un mot-valise, l’ont dessiné puis décrit. Ils ont enfin recopié leur poème sur les lignes de leur dessin, pour former un calligramme.
- Un album de haïkus de Ryōkan a permis de découvrir cette forme particulière. Le texte du dernier haïku est demeuré masqué, de sorte que les élèves devaient proposer leur propre haïku pour convenir à l’illustration.
- La lecture de poèmes carrés de Christophe Tarkos a été l’occasion de découvrir une poésie plus contemporaine, fondée sur un jeu particulier avec la forme. À leur tour, les élèves ont écrit des poèmes ronds et des poèmes triangles. Rendons à César ce qui appartient à César : il s’agit là encore d’une proposition des formateurs de l’ESPE de Nice.
- Au début de l’hiver, la lecture d’extraits de Pas sur la neige de Jean-Michel Maulpoix m’a permis de faire découvrir à mes élèves ce poète que j’admire particulièrement. Les élèves devaient associer différents blocs de texte à des tableaux impressionnistes représentant la neige.
L’inscription au Printemps des Poètes
C’est alors que je reçois un e-mail émanant de la Médiathèque Intercommunale de Villefranche-sur-Mer, me proposant d’inscrire ma classe au Printemps des Poètes. Bien sûr, je saute sur l’occasion. Une intervenante de la Médiathèque viendrait en classe afin de m’aider à faire produire des poèmes aux élèves, qui devraient être rassemblés autour d’une production plastique commune, destinée à être exposée avec les travaux d’autres classes au Château des Terrasses de Cap d’Ail.
Le thème de l’ardeur

Cette année, le thème national du Printemps des Poètes a été l’ardeur. Un mot un peu compliqué pour des enfants. Outre le recours à des synonymes, le passage par l’étymologie a été un moyen de préciser le sens de ce terme. Une séance de brainstorming conduite avec l’intervenante a permis d’établir une liste de termes tels que l’énergie, la vie, la joie, la nature… J’ai demandé ensuite aux élèves de rédiger des haïkus à partir de ces termes.
Lors d’une autre séance, j’ai proposé aux élèves de décrire l’affiche du printemps des poètes par Ernest Pignon-Ernest. Cette belle affiche représente une sorte d’ange, du moins un être ailé prêt à prendre son envol. Les élèves ont spontanément fait le lien avec Icare, signe que notre travail sur la mythologie a porté ses fruits. Après avoir proposé des mots pour décrire l’image, les élèves ont créé des poèmes libres à partir de cette image.
Une séance a également été consacrée à une initiation au slam. Après la construction d’un répertoire collectif de mots où puiser, les élèves ont rédigé des poèmes avec comme consigne qu’ils aillent bien avec l’une des quatre musiques proposées. Chaque groupe d’élèves a ensuite lu son poème avec l’accompagnement musical choisi.
Les élèves ont également apporté des poèmes venant de leurs familles, ce qui a permis de montrer que la poésie n’était pas seulement une activité scolaire, mais bien un art vivant qui existe en dehors de l’école. Les élèves se sont rendu compte que leurs parents affectionnaient parfois des poèmes, que l’on peut parfois être attaché à un poème que l’on connaît par cœur pour l’avoir toujours avec soi.
Or, l’un de mes élèves a apporté un recueil illustré en hongrois, du grand poète Weöres Sándor. C’était pour moi l’occasion rêvée de mettre en place une séance proposée par le Ministère de l’Éducation nationale, consistant à faire inventer aux élèves une traduction d’un poème en langue étrangère, à partir du texte original et d’un lexique comportant la traduction de quelques mots. J’ai déjà évoqué ce jeu du poète traducteur dans un autre article de ce blog.
Soucieux de préserver les droits d’auteur de mes élèves, je ne publierai pas ici leurs poèmes. S’agissant de notre sculpture, celle-ci n’étant pas l’œuvre d’un enfant en particulier, je suppose que je peux la montrer sous un angle qui évite tout visage d’enfant (voir ci-dessous).
La valorisation des poèmes
Certaines séances d’informatique ont été mises à profit pour mettre au propre ces poèmes, que j’ai ensuite rassemblés pour constituer une anthologie de nos productions. Dans la mesure où il était impossible pour les élèves de mettre au propre tous les poèmes rédigés dans l’année, je leur ai demandé de taper à l’ordinateur leurs haïkus. J’ai pour ma part ajouté quelques poèmes issus de la séance basée sur l’affiche d’Ernest Pignon-Ernest.

Surtout, une grande sculpture a été réalisée pour y suspendre nos poèmes. Comme de nombreux élèves avaient abordé le thème de la nature dans leurs poèmes, nous avons choisi de construire un arbre à poèmes. Nous avons vu que certains artistes comme Nikki de Saint-Phalle avaient construit des arbres de vie, avec des couleurs vives. Nous avons pour notre part sélectionné des couleurs chaudes bien adaptées au thème de l’ardeur.
J’ai utilisé comme structure de départ un manche à balais sur lequel j’ai fixé l’armature d’un vieux parapluie. Afin d’éviter tout risque de blessure, j’ai recouvert les parties pointues de pâte à fixation. Les élèves ont ensuite enveloppé cette armature de bandes de papier journal imbibées de colle forte, de manière à former l’arbre en papier mâché. Une fois sec, ils ont peint l’arbre avec de la gouache. Enfin, nous avons suspendu nos poèmes.
La visite de l’exposition
Tout ce travail a donc trouvé un aboutissement dans la visite de l’exposition du château des Terrasses, à Cap d’Ail. Dans ce beau bâtiment entouré de jardins que nous aurions également visités s’il n’avait pas plu, les productions des différentes classes étaient exposées sur deux niveaux. Nous avons pu découvrir des propositions vraiment très intéressantes. Je n’en propose pas ici de photographie afin de respecter les droits d’auteur des élèves et de leurs enseignants.
Parmi les œuvres exposées, certaines étaient ludiques en ce qu’elles invitaient le spectateur à la manipulation, proposaient des devinettes pour identifier des expressions courantes évoquant l’ardeur à partir de photos… Un volcan animé par un ventilateur soufflait des poèmes ardents. Une école a choisi de présenter une production filmée, montrant la réécriture des paroles d’une chanson ensuite interprétée par l’ensemble des élèves. Il y avait aussi des productions inspirées par la mythologie : Hercule et surtout Prométhée, le voleur de feu… L’intervenante a également présenté un mobile réalisé par les pensionnaires de l’EHPAD.
Les élèves ont été ravis de retrouver leur arbre à poèmes, de lire leurs poèmes à haute voix, mais aussi de déambuler librement dans l’exposition en découvrant les travaux des autres classes. Quant à leur conception de la poésie, elle s’est affinée, comme le montre le brainstorming réalisé en fin de séquence.
A reblogué ceci sur Alessandria today.
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Merci !
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