La question tourne actuellement sur les réseaux sociaux. Afin d’aider les nombreux élèves et étudiants chargés de composer des dissertations, j’ai décidé de publier ce rapide aide-mémoire, issu de mes propres cours quand j’enseignais en licence de lettres modernes. Je traiterai donc uniquement de la dissertation littéraire, mais de nombreuses remarques valent aussi, mutatis mutandis, pour la dissertation en histoire ou encore en philosophie.
La dissertation, qu’est-ce que c’est, au juste ?
Le mot dissertation vient du latin dissertatio signifiant « traité, étude ». Le verbe disserter est emprunté au latin dissertare, lui-même fréquentatif de disserere, signifiant « enchaîner à la file des idées », d’où « exposer » et « discuter, raisonner sur ». Ce mot est construit à l’aide du préfixe dis- et du radical serere signifiant « entrelacer, tresser », « joindre, enchaîner, unir ».
Si j’insiste sur ces considérations étymologiques puisées dans le Dictionnaire historique de la langue française, c’est pour mettre l’accent sur le caractère rationnel de l’exercice, qui exclut, de fait, toute appréciation purement subjective, et sur l’importance d’une réflexion ordonnée, les idées devant s’enchaîner de façon logique.
Une dissertation, c’est donc un raisonnement ordonné d’idées qui s’enchaînent. L’exercice, tel qu’il se pratique dans l’enseignement français, est assez codifié. Le respect d’un certain nombre de règles et de normes peut apparaître, dans un premier temps, comme une contrainte, mais, au-delà du corset de la forme, l’exercice offre en réalité une grande liberté, dans la mesure où c’est avant tout un raisonnement personnel qui est attendu.
À quoi ressemble un sujet de dissertation ?
Au départ de toute dissertation, il y a un sujet, imposé à l’élève par le professeur ou le jury d’examen. Celui-ci peut prendre deux formes :
- Il peut prendre la forme d’une question. Pour prendre l’exemple du sujet tombé à l’épreuve du bac en 2017, à propos duquel j’avais proposé dans un billet précédent quelques pistes de réflexion : « Le personnage de roman se construit-il exclusivement par son rapport à la réalité ? »
- Il peut aussi prendre la forme d’une citation. Voici un sujet que j’avais proposé à mes étudiants de licence il y a quelques années. La citation est souvent d’un auteur célèbre, mais en l’occurrence elle a été forgée de toutes pièces :
Vous jugerez de la pertinence et de la portée de ce point de vue, en vous appuyant sur des exemples précis : « Le temps du spectacle est ce moment crucial où, sous nos yeux, tout se joue : le théâtre condense toute l’histoire du monde et de l’humanité. Ce n’est pas un reflet de notre quotidien ni une image fidèle de nous-mêmes, mais le lieu où tout se concentre, où tout advient, où tout peut exploser et se présente sous un jour extrême. L’amour est poussé jusqu’à la passion, la morale est entraînée jusqu’à la violence, la logique est conduite jusqu’à la folie. »
Il va de soi que cette deuxième forme de sujet est plus difficile, puisque la question n’est pas directement posée et qu’il faut donc la déduire de la citation. Vous noterez que le sujet se compose lui-même de deux parties : la citation proprement dite, en italiques, et la phrase qui introduit la citation, en caractères normaux. Il ne faut pas négliger cette dernière : ici, elle nous autorise à critiquer la « pertinence » de la citation, ce qui n’est pas toujours le cas.
Comment analyser un sujet ?
- Identifier le domaine du sujet : par exemple, j’ai cité d’abord un sujet qui concerne le roman, puis un sujet qui concerne le théâtre. Si vous parlez de poésie dans votre dissertation, vous êtes en dehors des clous. Il existe aussi des dissertations qui portent sur une seule œuvre (c’est le cas en particulier à l’agrégation de lettres modernes) : dans ce cas, votre dissertation devra porter exclusivement sur cette œuvre-là.
- Identifier la thèse de l’auteur. Si le sujet prend la forme d’une citation, il faut alors clairement définir quelle est la thèse défendue par l’auteur. Comme la citation est courte, il s’agit souvent d’une opinion péremptoire, dont certains aspects sont valides mais dont d’autres aspects devront être critiqués. Par exemple, dans le sujet sur le théâtre que je viens de citer, la thèse est celle d’un théâtre où tout est extrême, voire excessif, si bien qu’il ne reflète pas la réalité, mais bien plutôt une version condensée, exagérée. C’est une opinion qui se défend, mais qui a aussi des limites : ne dit-on pas que le théâtre est un miroir du monde ?
- Repérer les concepts centraux, les mots-clefs. C’est une phase assez rapide si le sujet prend la forme d’une question, mais qui demande plus de temps et de discernement si le sujet prend la forme d’une citation. Il faut alors bien regarder tous les concepts du sujet, afin d’éviter d’omettre une partie du sujet. Si la citation comporte plusieurs phrases, ce n’est pas pour rien : chaque mot a son importance. N’oubliez pas non plus que les mots peuvent avoir plusieurs sens : il ne faut en négliger aucun, même si certains devront ensuite parfois être écartés. Attention à ne pas substituer un mot utilisé par l’auteur à son synonyme : si l’auteur a utilisé tel mot et pas un autre, c’est pour une bonne raison.
La fameuse « problématique »
S’il y a un moment à ne pas louper, c’est bien celui-là ! De l’analyse du sujet doit découler la formulation d’une problématique. Attention à ne pas brûler les étapes : c’est bien votre analyse du sujet qui vous dicte la problématique. Il s’agit, en somme, de la façon dont vous vous positionnez par rapport au sujet. La problématique peut se formuler sous la forme d’une phrase du type : « On peut se demander dans quelle mesure il est vrai que… »
- Évitez les questions en cascade qui se rencontrent souvent dans les copies. Souvent, cela contribue à vous faire perdre de vue le sujet, au profit de réflexions annexes qui n’abordent le sujet que de façon très superficielle. Essayez de formuler une seule question, mais précise, à laquelle vous tenterez de répondre tout au long du sujet.
- Si le sujet est déjà formulé sous la forme d’une question, il va de soi que c’est la problématique. Inutile d’aller en chercher une autre, sous peine de faire du hors-sujet.
Comment concevoir un plan ?
Une fois que vous avez trouvé votre problématique, il va falloir rédiger un plan au brouillon. En effet, la dissertation doit être un raisonnement ordonné et progressif, composé de grandes parties (de deux à quatre, traditionnellement trois) elles-mêmes subdivisées en sous-parties.
Le plan dialectique est le plus classique, et c’est souvent celui qui est attendu des correcteurs, surtout si le sujet prend la forme d’une citation péremptoire susceptible d’être critiquée. Si vous optez pour un tel plan, il va alors falloir montrer, dans un premier temps, la pertinence de la citation pour éclairer un genre (le théâtre, la poésie, le roman, l’autobiographie…) ou une œuvre particulière, puis, dans un second temps, que cette citation est cependant réductrice pour telle ou telle raison, avant d’envisager dans une troisième partie une façon plus globale d’envisager les choses.
- Attention à ne pas verser dans une caricature de dialectique, qui vous amènerait à vous contredire vous-même. La seconde partie, destinée à mettre en évidence les limites de la citation, ne doit pas être l’occasion de dire le contraire de ce que vous avez affirmé dans la première partie.
- Attention à ne pas négliger la troisième partie. C’est celle qui marque l’aboutissement de votre réflexion. Souvent, pressés par le temps, les étudiants sont obligés de bâcler cette partie, ce qui est vraiment dommage.
- La première partie ne doit pas être un ramassis d’évidences que vous dépassez ensuite : la totalité du devoir doit être intéressante (même si, nécessairement, vous devez commencer par les idées les plus simples pour aboutir aux plus complexes).
- Ne simplifiez pas à l’excès le propos de l’auteur dans la première partie pour vous donner ensuite tout le loisir de le critiquer dans les parties suivantes : cela serait du hors sujet.
- Veillez surtout à l’enchaînement logique des idées.
Comment rédiger l’introduction ?
L’introduction est un peu la vitrine de votre dissertation. Elle doit être particulièrement soignée. Cette partie est très codifiée dans ses différentes parties :
- Amener le sujet. Il s’agit de rédiger une amorce la moins artificielle possible qui donne les raisons de se poser la question du sujet. On évitera les formulations banales du genre « De tous temps les hommes se sont passionnés pour le théâtre ».
- Citer le sujet. Le sujet doit être cité intégralement. Si le sujet est court, on le citera en un seul morceau, entre guillemets bien entendu. Si le sujet est long, il vaut parfois mieux le citer de façon morcelée, en expliquant chaque passage au fur et à mesure.
- Analyser le sujet. Il ne s’agit pas de définir tous les mots du sujet les uns après les autres de façon décousue, mais de prouver que vous avez compris le sujet, en explicitant certaines nuances, en reformulant le propos de l’auteur, sans lui faire dire ce qu’il ne dit pas.
- Formuler la problématique. Il s’agit de préciser la façon dont vous envisagerez de répondre au sujet, sous la forme d’une seule question (on évitera les cascades de questions qui diluent le sujet).
- Annoncer le plan. Annoncez brièvement les deux, trois, quatre grandes parties de votre plan, en explicitant leurs liens logiques. Évitez les annonces trop longues : c’est le mouvement de votre pensée qui doit être précisé, non le détail des sous-parties qui sera, lui, annoncé au début de chaque grande partie.
Voici un exemple d’introduction rédigée :
« En codifiant les règles du théâtre, Aristote a profondément influencé le genre théâtral, et ce, au moins jusqu’au XIXe siècle. Jusqu’à cette période en effet, une pièce de théâtre était approuvée si elle respectait ces règles, et méprisée dans le cas contraire. Et au XXe siècle encore, Malraux associe le théâtre et la convention. En effet, dans Les conquérants, il écrit : « Seul, le théâtre peut donner, autant que la cour d’assises, une impression de convention ». Cela ne signifie pas que Malraux demeure dans une conception ancienne selon laquelle le théâtre doit obéir à des règles. Cela signifie simplement que, dans son imaginaire, le théâtre est ce genre qui produit une « impression de convention ». La notion de « convention » rejoint celle de codification, mais peut impliquer aussi l’idée d’un ensemble d’éléments conventionnels. En outre, la Convention nationale était une assemblée sous la Révolution française. Il y a donc également une idée de gravité que reprend la comparaison à une « cour d’assises ». Le tribunal pénal, comme le théâtre, possède un public, fait une utilisation essentielle de la parole, et implique une certaine mise en scène. Cependant, la cour d’assises relèverait plutôt de la tragédie ou du drame que du théâtre en général. Si le théâtre donne une impression de convention, ce serait peut-être ainsi parce qu’il se présente comme une mise en scène, comme une cérémonie. Mais, s’il est indéniable que le genre théâtral fait une utilisation importante de conventions, on peut se demander s’il produit toujours sur le public une impression de convention. Est-ce vraiment cet effet qu’il cherche à produire, ou bien cherche-t-il au contraire à faire oublier ses artifices ? Si le théâtre repose effectivement sur des conventions au point de s’apparenter parfois à une cérémonie, en revanche on peut se demander si l’impression laissée au spectateur n’est pas, le plus souvent, celle du naturel, si bien qu’en définitive, il nous faille considérer autrement la convention, c’est-à-dire non plus comme une contrainte ou comme un moyen, mais véritablement comme un choix esthétique délibéré. »
Comment rédiger le développement ?
- Annoncer par une phrase-titre la succession des différentes sous-parties, puis aller à la ligne. On fera ensuite un paragraphe par sous-partie.
- Annoncer l’argument principal de la sous-partie, puis donner un exemple, par exemple sous la forme d’une citation d’un roman ou d’une pièce de théâtre. Chaque exemple doit être commenté de manière à prouver qu’il répond bien à l’argument que vous annoncez.
- Un bref paragraphe de transition permet d’enchaîner les différentes grandes parties.
Comment rédiger la conclusion ?
La conclusion marque l’aboutissement de votre réflexion. Il s’agit donc de montrer que vous n’avez pas réfléchi en vain, et que vous êtes parvenu à une réponse nuancée à la question que vous vous êtes donné pour tâche de traiter. Il ne faut donc pas répéter ce que vous avez déjà dit, mais montrer que votre réflexion a permis de progresser et d’aboutir à un point de vue.
Certains conseillent de pratiquer une « ouverture » en fin de conclusion, autrement dit d’élargir la réflexion en montrant comment elle pourrait se prolonger et se poursuivre. C’est tout à fait possible, à condition que cela soit bien fait. Trop souvent, cet élargissement conduit au hors-sujet. Il faut rester dans la droite ligne de la problématique et simplement pousser la réflexion un peu plus loin. Cela ne doit pas devenir un prétexte pour parler de tout autre chose.
- Attention à ne pas donner l’impression de découvrir le sens profond du sujet au moment de conclure. Certaines dissertations n’en viennent au cœur du sujet qu’à la toute fin : c’est un peu tard…
Conseils pratiques
- La gestion du temps est essentielle. Vous devez avoir le temps de fournir une véritable conclusion et de relire votre copie afin d’en vérifier l’orthographe et la syntaxe.
- Si l’on vous demande de faire des dissertations à la maison, imposez-vous une durée limitée, comme si vous étiez en classe : cela vous empêchera de perdre trop de temps dans des recherches personnelles qui risqueraient de vous faire oublier le sujet lui-même. Une dissertation faite à la maison n’a pas besoin d’être très longue.
- A certaines étapes de votre réflexion, pensez à faire le point : que suis-je en train d’écrire ? Ce que j’écris correspond-il au sujet ? Est-ce que je n’aurais pas un exemple pour appuyer cette idée ? Prenez un peu de recul par rapport à ce que vous faites, un peu de hauteur, afin d’évaluer le travail que vous êtes en train de faire : si vous étiez un correcteur, comment jugeriez-vous ce que vous êtes en train d’écrire ?
- Il est également essentiel d’écrire dans un français correct et adapté. La présence de nombreuses fautes vous ôte toute crédibilité. Faites attention en particulier aux noms propres, aux terminaisons des verbes, aux accords (singulier/pluriel, masculin/féminin…).
- N’oubliez pas de remettre une copie propre, sans ratures, qui soit facilement lisible pour le correcteur. Il vaut mieux, pour cette raison, utiliser un stylo à plume avec encre effaçable. Les taches épaisses de blanc correcteur ne sont guère appréciées. S’il faut biffer un mot ou une phrase, faites-le proprement, d’un trait à la règle, sans gribouiller sauvagement votre copie.
- Pour plus d’informations sur la méthodologie des épreuves de dissertation, vous pouvez consulter sur Internet les rapports de jury du Baccalauréat, du Capes et de l’Agrégation de lettres modernes. Ils contiennent des indications méthodologiques détaillées et des exemples précis.
Astuces anti-stress
Si les épreuves écrites ou orales ont tendance à vous paniquer, dites-vous bien que vous n’êtes pas seul dans ce cas, et que cela témoigne simplement de votre intérêt à réussir. Tous ceux qui se préoccupent de leurs études sont plus ou moins tendus par les épreuves. Heureusement, il existe quelques astuces pour que tout se passe bien.
- Révisez suffisamment tôt. Ce n’est pas la veille des épreuves qu’il faut se mettre à apprendre son cours. Relire ses fiches jusqu’à l’instant t ne sert souvent pas à grand-chose, sinon à ajouter à votre inquiétude. Il arrive parfois qu’on aie l’impression d’avoir tout oublié, mais cela n’est qu’une illusion, et vos connaissances seront à nouveau accessibles lorsque vous en aurez besoin.
- Soyez à l’heure ! Il est inutile de se rajouter une inquiétude supplémentaire en risquant d’arriver en retard. N’oubliez pas que les surveillants des épreuves (Baccalauréat, partiels, concours publics…) peuvent refuser de vous admettre à composer. Ne prenez donc pas de risque inutile. Prévoyez d’arriver en avance, ce qui vous permettra de ne pas avoir de problème en cas d’embouteillage ou de grève des transports publics.
- Préparez votre cartable à l’avance. N’attendez pas le matin des épreuves pour vous demander s’il y a encore de l’encre dans votre stylo. Quelques jours avant le début des épreuves, vérifiez que vous avez tout le matériel nécessaire, afin de pouvoir faire quelques achats au besoin. Un stylo à plume, un effaceur, quelques stylos à bille de différentes couleurs, un crayon gris, une gomme, des surligneurs, une règle suffisent. N’oubliez pas non plus votre carte d’étudiant, votre carte d’identité, votre convocation aux épreuves, etc.
- Isolez-vous avant le début de l’épreuve. Le stress est une maladie contagieuse. Un camarade trop sûr de lui, ou un ami complètement paniqué, peuvent tous deux vous déstabiliser. Pensez à vous retirer dans votre bulle, en prenant le temps de remplir les en-tête des copies qui vous sont distribuées. Si vous pensez que cela peut vous faire du bien, vous pouvez aussi concentrer votre attention sur votre respiration, ce qui peut aider à mettre la panique de côté.
- Dormez et mangez. Pendant la période des examens (baccalauréat, partiels, concours…), il est important de bien dormir et de manger suffisamment. Il vaut parfois mieux réviser une heure de moins, et dormir une heure de plus, afin d’arriver frais et dispos au moment de l’épreuve. On travaille parfois davantage, et plus efficacement, en ayant pris le temps de se reposer, qu’à vouloir à tout prix continuer de travailler même si l’on est exténué. Le Baccalauréat, les partiels ou les concours sont des épreuves d’endurance, qui durent parfois plus d’une semaine, et il faut être capable de tenir jusqu’au bout. Il faut donc être organisé dans ses révisions et s’y être pris suffisamment à l’avance. Prenez l’habitude de vous coucher à des heures régulières, pas trop tardives. De même, il est important de manger suffisamment. Ne vous présentez pas aux épreuves le ventre vide. Privilégiez une nourriture consistante mais digeste. Lors d’épreuves qui durent plusieurs heures, il peut être utile d’emporter une barre de céréales ou un casse-croûte.
- N’hésitez pas à vous adresser aux surveillants si vous avez le moindre problème. Ils sont là pour vous aider et sont prêts à répondre à toutes vos questions.
- Si vous êtes un étudiant handicapé, n’oubliez pas de prévenir l’administration qui pourra vous octroyer un tiers-temps et aménager les conditions dans lesquelles vous passerez les épreuves.
Bon courage !
Et pour toute question, n’hésitez pas à vous exprimer dans les commentaires. Je vous répondrai dès que possible.
A reblogué ceci sur Alessandria today.
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