Il y a quelque temps, je publiais un article intitulé « Comment faire écrire de la poésie à des enfants ? », qui a rencontré un certain succès. Je voudrais aujourd’hui élargir le propos en m’intéressant cette fois-ci à l’enseignement de la poésie de façon générale. Un domaine avec lequel les enseignants ne sont pas toujours à l’aise, si l’on en croit l’Office National de la Lecture [1]. Voici donc quelques modestes pistes.
1. Découvrir des poèmes variés, trier des poèmes

C’est par l’exemple, plutôt que par une définition imposée, que les élèves se feront progressivement une idée de ce qu’est la poésie. Aussi importe-t-il qu’ils aient accès à des poèmes variés. J’entends notamment cette variété sur le plan formel : poèmes versifiés et rimés, poèmes en vers libres, poèmes en prose, calligrammes, haïkus, voire poèmes sonores…
On peut ainsi demander aux élèves, en guise d’introduction aux séances sur la poésie, de trier des poèmes de facture différente. Une telle activité est réalisable aussi bien en maternelle, avec des élèves qui ne savent pas lire mais peuvent établir des rapprochements de mise en page, qu’en élémentaire. Les enfants admettent ainsi d’emblée qu’il existe une grande diversité de poèmes.
2. Collectionner des poèmes

Généralement, on ne lit pas un livre de poésie comme on lit un roman, un album ou une bande dessinée. La lecture n’est pas linéaire : un recueil de poèmes, cela se feuillette. On papillonne parmi les poèmes. Étymologiquement, « anthologie » veut presque dire « bouquet de fleurs ».
Aussi peut-on proposer aux élèves un grand nombre de poèmes et les laisser choisir par eux-mêmes ceux qu’ils préfèrent. En maternelle, on pourra construire un arbre à poèmes destiné à recueillir la collection des poèmes choisis par la classe. En élémentaire, chaque élève peut recopier dans un cahier personnel les poèmes qu’il a choisis. On peut donner comme consigne qu’il faut être capable d’expliquer son choix.
3. Faire appel aux familles
Il peut être intéressant de faire appel aux familles afin qu’elles choisissent des poèmes que l’enfant apportera. L’intérêt ? Cela montre aux élèves que la poésie existe en dehors de l’école, que certains adultes sont attachés à certains poèmes qu’ils connaissent par cœur ou qu’ils possèdent chez eux.
4. Présenter des exposés sur un poème
Les élèves peuvent également être amenés, seuls ou par petits groupes, à présenter de brefs exposés sur des poèmes qu’ils aiment. Bien évidemment, la longueur de l’exposé sera fonction de l’âge des élèves.
Il vaut mieux proposer un canevas très précis, voire un texte à trous, afin que les enfants apportent des renseignements qu’ils auront eux-mêmes trouvés et compris, au lieu de simplement recopier des informations sans leur accorder de signification.
Ainsi, l’exposé pourra prendre la forme suivante : « J’ai choisi de vous parler du poème [Titre du poème]. Il a été écrit par [Nom de l’auteur]. C’est un poème que j’ai trouvé dans [Titre de l’ouvrage]. Le poème parle de [Liste de 2 ou 3 thèmes]. J’ai choisi ce poème parce que [brève explication personnelle]. Maintenant je vais vous lire le poème. »
5. Mettre en voix des poèmes
Certains poèmes se prêtent bien à une mise en voix théâtralisée, supposant des changements d’intonation. Il peut y avoir une réflexion collective : tel passage doit-il être chuchoté, crié, dit lentement, rapidement ? Ce débat est intéressant en ce qu’il permet de confronter les réceptions du poème qu’ont spontanément les élèves, de déceler d’éventuelles erreurs de compréhension, et de construire ensemble une interprétation. Une fois que la classe s’est mise d’accord sur des choix d’interprétation, il est possible de faire réciter les élèves, seuls ou à plusieurs, et de les enregistrer.
Cette activité de mise en voix aura peut-être davantage de sens pour les élèves si on leur montre au préalable que certains acteurs affectionnent de lire en public des poèmes, et qu’ils font un effort particulier d’intonation. Si la poésie est souvent une pratique de lecture solitaire, elle peut aussi devenir spectacle vivant.
6. Illustrer des poèmes

Les élèves ont souvent l’habitude d’illustrer des poèmes, les enseignants utilisant fréquemment des cahiers de travaux pratiques où alternent pages lignées et pages blanches. Cela peut correspondre à des moments d’illustration libre, où l’élève n’est pas guidé dans ses choix.
Ces moments sont précieux, ne serait-ce que parce qu’ils constituent un moment plus « posé » dans la journée de classe, avant ou après des séances plus exigeantes en termes d’attention et de concentration. L’enseignant pourra ensuite questionner l’élève sur ses choix.
Cependant, on peut aussi concevoir de véritables séances d’art plastique autour d’un poème donné, sur des supports éventuellement autres que le cahier de poésie. Un travail peut être fait, par exemple, autour de la distinction entre couleurs froides et couleurs chaudes, les élèves devant sélectionner les couleurs qui correspondent le mieux à l’émotion dominante du poème. On peut aussi travailler la mise en page et la calligraphie, certains mots du poème pouvant être écrits en gros ou en couleur, d’autres recopiés de façon plus neutre…
7. Intervenir devant d’autres classes
Les élèves pourront prendre du plaisir à préparer une intervention devant d’autres enfants, du même âge ou d’un âge différent, pour présenter leur travail autour de la poésie, lire les poèmes de leur choix, montrer leurs réalisations plastiques, faire découvrir des auteurs ou des recueils.
8. Mémoriser des poèmes
La mémorisation et la récitation de poèmes sont l’une des activités les plus communes en matière de poésie à l’école. Il importe que les élèves comprennent le sens de cette activité. L’enseignant pourra montrer qu’il connaît lui-même des poèmes par cœur, et que cela l’enrichit d’avoir ainsi toujours avec lui des poèmes à disposition, qui lui reviennent en mémoire à certains moments de l’existence…
Apprendre un poème par cœur ne va pas de soi, et cette activité peut avoir lieu en classe. Le poème peut être écrit au tableau, récité collectivement plusieurs fois, l’enseignant effaçant à chaque fois un mot ou un groupe de mots. On peut aussi demander à des élèves d’effacer un mot correspondant à une catégorie grammaticale demandée (efface un verbe, un adjectif…). A chaque fois, le support écrit devient plus maigre, jusqu’à ce que les élèves deviennent capables de réciter le poème sans aide.
9. Offrir des poèmes
La poésie, ça se partage. Voilà un beau cadeau que les enfants pourront offrir, par exemple à l’occasion de la fête des pères ou de la fête des mères…
10. Écrire des poèmes

Enfin, une activité très enrichissante est l’écriture de poèmes. Je n’insisterai pas sur cet aspect aujourd’hui, vu que j’ai déjà écrit un article sur le sujet, ici même sur ce blog. Rappelons simplement que l’on peut envisager l’écriture de comptines, de haïkus, de poèmes « à la manière de », de calligrammes… On peut aussi penser aux multiples contraintes oulipiennes qui stimulent la créativité.
Il ne faut pas croire que l’écriture de poèmes soit réservée à des élèves âgés. On peut très bien débuter en maternelle, sous la forme de la dictée à l’adulte. J’ai testé l’écriture de haïkus en moyenne et en grande sections. En petite section, j’ai préféré opter pour l’écriture de comptines reprenant un canevas très précis. Cela marche plutôt bien.
Pour aller plus loin
Pour conclure, je voudrais proposer quelques ressources qui m’ont été très utiles pour concevoir mes séquences sur la poésie.
- En maternelle, j’ai été invité à travailler autour de l’album Frédéric de Léo Lionni. Je recommande ce bel album, même s’il n’est pas toujours très facile pour les élèves, car il permet de s’interroger sur ce qu’est un poète. C’est l’histoire d’une famille de souris, toutes très affairées à préparer des provisions pour l’hiver… sauf Frédéric, qui, lui, fait des provisions d’une toute autre nature…
- En élémentaire, j’ai beaucoup apprécié les albums « Dada » (éditions Mango Jeunesse), souvent bien illustrés. Ces anthologies présentent des poèmes célèbres, dont de nombreux sont peu accessibles aux élèves, mais ces derniers peuvent malgré tout s’accrocher à une émotion, une impression, et s’aider de l’illustration. On n’attend pas, dès lors, une compréhension fine du texte, mais on cherche avant tout à familiariser les élèves avec le fait de feuilleter des recueils.
- Une autre ressource qui m’a été très utile : les recommandations ministérielles en matière de poésie. Source : Éduscol, La poésie à l’école, coll. « Ressources pour faire la classe à l’école », 2003, mise à jour de 2010, ©MEN/DGESCO. Fichier PDF disponible en ligne.
- Enfin, je signale que la manifestation nationale du Printemps des Poètes propose chaque année des activités à destination des écoles.
D’autres suggestions, des idées ? N’hésitez pas à intervenir dans l’espace des commentaires !
Notes
[1] Observatoire National de la Lecture, « Poésie », [En ligne : http://onl.inrp.fr/ONL/travauxthematiques/livresdejeunesse/endebat/poesie/index_html], page modifiée le 03 octobre 2005. Consulté le22 décembre 2015.
Comme vous le dites faire écrire de la poésie aux élèves gêne et met mal à l’aise beaucoup d’enseignants mais combien d’enseignants de lettres lisent encore de la poésie, au collège du moins? J’anime un atelier poésie depuis maintenant 16 ans et cela marche bien…une quinzaine d’élèves chaque année, qui, en général s’inscrivent en sixième pour en partir en fin de troisième…Chaque année un livret est créé et relié par leur soin…Je les fais participer au concours jeune poésie de l’AMOPA chaque année et je fais intervenir les Brigades d’intervention poétique dans le collège avec atelier d’écriture et mise en voix…C’est une bonne expérience et lors de notre journée des « petits bonheurs » dans notre établissement, les élèves n’hésitent plus à passer dans les autres classes pour dire leurs poèmes…Je crois juste qu’il faut oser…Ils aiment ça la poésie au fond et tout doit devenir prétexte à poésie…
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Je suis bien d’accord !
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