Il a slamé entre des oliviers millénaires sous le regard bienveillant d’un mince croissant de lune et de milliers d’étoiles. C’était hier, jeudi 27 juillet 2017, dans les jardins du domaine Renoir. C’était à Cagnes-sur-Mer comme ç’aurait pu être à Douala ou Port-au-Prince. Il a slamé sous la lune et devant un public conquis. Alors, avant tout, merci au poète slammeur Marc Alexandre Oho Bambe.
De la musique avant toute chose
Assis dans l’herbe sèche, en contact avec le sol, au milieu des arbres, nous pouvions sans doute apprécier ce spectacle mieux que dans le confort climatisé d’une salle de concert. La mer, d’une part, et le bourg médiéval du Haut-de-Cagnes, d’autre part, constituaient un décor propice à la poésie.
Il y eut, en première partie de soirée, une performance musicale de Johanna Piraino et Élise Clary. Deux chanteuses, dont l’une était accompagnée d’un accordéon. Elles chantaient des textes savoureux, parfois un rien provocateurs, avec un air malicieux. J’ai aimé qu’elles se déplacent parmi le public, instaurant ainsi une connivence avec les spectateurs, et négligeant la scène pourtant large ouverte devant nous, comme un joyeux pied-de-nez aux convenances.
Deux conteuses, Barbara Glet et Anne-Lise Vouaux-Massel, leur succédèrent, renouant ainsi avec la tradition qui veut que les contes soient racontés plutôt qu’enfermés dans des livres. Une tradition renouvelée puisque cette performance à deux voix permettait d’introduire davantage de rythme que s’il n’y avait eu qu’une personne seule. Bruitages, chant et gestes ont ainsi dynamisé ces contes inspirés du répertoire traditionnel, mais réécrits, voire réinventés.
Chanter les possibles
Puis Marc Alexandre Oho Bambe s’est à son tour avancé sur la scène. Il n’est pas venu seul. Il était accompagné de Caroline Bentz au piano et à la vielle à roue, de Davy Sur aux percussions, et de David Amar à la clarinette. Il a également partagé la scène avec Albert Morisseau Leroy, dit Manalone, tandis que mots et notes de musique étaient ponctués par les interventions dansées d’Emmanuelle Pepin.
Ce n’est pas pour rien si Marc Alexandre Oho Bambe doit son nom de scène, « Capitaine Alexandre », à René Char. Le slammeur se pose d’emblée en héritier du grand poète résistant, avec lequel il partage le même goût pour une parole authentique et sincère. « Dans mon pays, on remercie » écrivait Char dans Les Matinaux. C’est en douala que Marc Alexandre Oho Bambe profère ses propres remerciements : « Na som jita ».
Et dans cette danse des poèmes, dans ce chant des possibles, l’on pouvait également reconnaître des références et des hommages à Aimé Césaire, René Depestre, Édouard Glissant, Léon Gontran Damas, Léopold Sédar Senghor, bref, à tous ces poètes dits « de la négritude » (même si, bien entendu, ils ne se réduisent pas à ce concept).
Réconcilier le public avec la poésie
A chaque performance (et c’était la troisième fois que j’assistais à l’un de ses spectacles), Marc Alexandre Oho Bambe et son équipe réussissent le pari de réconcilier le public avec la poésie. J’en suis convaincu, les gens, pour la plupart, aiment la poésie, et pourtant ils n’en lisent pas, n’en écrivent pas, et ne sauraient parfois pas davantage citer le nom d’un poète vivant. Aussi avons-nous besoin de tels poètes, dont les mots simples parviennent à réveiller la fibre poétique qui sommeille en chacun.
Oui, c’est une poésie simple, mais qui sonne juste parce qu’elle est mise en voix. C’est là toute la force de l’improvisation sur scène : c’est sous leur forme oralisée, actualisée dans un lieu et un moment précis, que les mots prennent tout leur sens, soulignés et magnifiés par la musique. Ce n’est alors plus seulement un spectacle mais bel et bien une rencontre, d’humain à humain.
Alors, à mon tour, je voudrais dire merci au poète. Na som jita. Merci.
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