Métiers d’antan

C’est en visitant, hier après-midi, le musée des métiers traditionnels de Tourrette-Levens, que j’ai eu l’idée de cet article sur les métiers d’antan. Ceux-ci sont en effet un prodigieux réservoir de mots, sinon disparus, du moins peu usités. Petit parcours dans le vocabulaire des artisans…

Le vieux village

Le village et son clocher (photo personnelle)

Construit sur un éperon rocheux, surmonté par une tour rectangulaire qui explique sans doute son nom, le vieux Tourrette-Levens est un enchevêtrement de ruelles étroites et de maisons en pierre, typique des bourgs anciens des Alpes-Maritimes et de Provence. A contempler les sommets montagneux qui entourent le village, on oublierait presque que celui-ci ne se situe qu’à quelques kilomètres seulement du littoral niçois.

Il faut dépasser la mairie et l’église pour atteindre le vieux village proprement dit, réservé à la circulation piétonne. C’est dans ce quartier ancien que se trouvent trois musées gratuits particulièrement intéressants : un musée des métiers anciens, un musée de la préhistoire, et un musée des papillons et autres insectes.

Découvrir les métiers traditionnels

Des machines à coudre (photo personnelle)

Le musée des métiers anciens est beaucoup plus grand qu’il n’en a l’air de l’extérieur : il possède de multiples salles, dont certaines en sous-sol devaient jadis correspondre à des caves. C’est dire que le bâtiment lui-même est intéressant à visiter. Là, sont exposés de très nombreux objets, classés par corps de métier, qui rappellent un temps désormais révolu.

Comme l’indique le dictionnaire d’Alain Rey, le mot métier est issu du latin ministerium, qui désignait la « fonction de serviteur », le « service », la « fonction ». Le mot latin a subi des altérations phonétiques au fil de l’histoire, qui l’ont successivement transformé en menestiermistier puis mestier et enfin métier. Dès le latin, ministerium pouvait désigner le « service divin », et l’on parle encore aujourd’hui de « ministère » en ce sens. C’est aussi le premier sens attesté en français. Le mot a ensuite servi à désigner différents métiers. Par métonymie, métier a ensuite permis de nommer des objets utiles : le mot a eu le sens de « ustensile », « instrument », d’où le métier à tisser.

Les métiers du tissu

Des rouets pour filer la laine (photo personnelle)

Plusieurs salles du musée sont consacrées aux métiers du vêtement : tisserands, cordonniers, fileurs, sabotiers… Le mot tisserand est dérivé du verbe tisser, lui-même réfection de l’ancien verbe tistre, du latin texere « fabriquer un tissu », « tramer », « entrelacer », qui est aussi à l’origine du mot texte. Le cordonnier doit son nom au cordouan, le cuir de Cordoue. Le mot cordonnier aurait été employé pour remplacer des termes plus anciens (sueur, corvoisier) afin de bien marquer la différence avec les artisans qui réparaient des souliers au lieu d’en fabriquer de neufs, travail de réparation qui était l’œuvre des savetiers. Quant au sabotier, le nom de son métier est dérivé de sabot, lui-même d’origine incertaine.

L’atelier du forgeron

Atelier de forgeron ou de maréchal-ferrant (photo personnelle)

S’il est un métier qui est devenu beaucoup moins courant de nos jours, c’est bien celui de forgeron. En ancien français, on parlait de fèvre (du latin faber, cf. le mot « orfèvre »). Le mot forgeron est, lui, dérivé du verbe forger, issu du latin fabricare. Le mot forge est issu du latin fabrica qui avait le sens d’ « atelier ».

Quant au maréchal-ferrant, le nom de son métier est assez récent sous cette forme, puisque sa première attestation écrite date, si l’on en croit le Dictionnaire historique de la langue française, de 1611. Avant cela, on employait le seul terme de maréchal, mot issu du francique °marhskalk qui signifiait « domestique chargé de soigner les chevaux ». L’étymon germanique, comme le mot français, avait deux sens : il s’agissait d’une part de l’artisan qui ferrait les chevaux, et d’autre part d’un officier de l’armée, au départ attaché au soin des chevaux. C’est la nécessité de distinguer les deux sens qui explique la création du composé maréchal-ferrant.

L’atelier du plombier

Le matériel du plombier (photo personnelle)

Le musée des métiers traditionnels de Tourrette-Levens est plus grand qu’il ne paraît. En particulier, il est possible de descendre au sous-sol, où sont notamment remisées les affaires du plombier. On pénètre dans une petite salle voûtée, où le pavage laisse place, par endroits, à la roche elle-même.

Le mot plombier est la réfection de l’ancien plummier pour désigner « celui qui travaille ou vend le plomb ». Il est dérivé du mot plomb, lui-même d’abord écrit plum et issu du latin plumbum.

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J’ai trouvé fort intéressante la visite de ce musée, qui possède un nombre important de pièces. La plupart des outils apparaissent en plusieurs exemplaires, en plusieurs tailles. Les photographies ici présentées ne reflètent qu’une petite partie de la collection du musée. On peut encore mentionner les formes permettant de confectionner les chapeaux, différents outils servant à la métallurgie, des alambics pour la production d’alcool, d’anciennes machines à écrire, appareils photographiques, récepteurs radiophoniques…

Reconstitution d’un mur de la grotte Chauvet au musée de la préhistoire de Tourrette-Levens (photo personnelle)

Le même bâtiment abrite également un musée de la Préhistoire, lui aussi gratuit. On peut y voir des fossiles, des œufs de dinosaures, des crânes d’hommes préhistoriques (depuis Toumaï jusqu’à Sapiens), des outils de la Préhistoire (lames, bifaces, arcs pour faire du feu…). J’ai particulièrement aimé la reconstitution, dans une petite salle obscure, de l’un des murs de la grotte Chauvet.

Et si l’on continue un peu plus loin dans le vieux village, on arrive jusqu’au château, qui abrite une belle collection de papillons, tous plus colorés les uns que les autres, ainsi que des phasmes, sauterelles, scarabées, lucanes, et autres insectes. Sur la place du château, on n’oubliera pas une petite salle où sont exposés, ou plutôt mis en scène, un certain nombre d’animaux naturalisés. Je préférerais bien sûr voir ces animaux vivants plutôt que morts, mais l’exposition vaut néanmoins le détour.


Bibliographie

  • Les informations étymologiques de cet article proviennent du Dictionnaire historique de la langue française dirigé par Alain Rey, paru aux éditions Le Robert en 1992, mis à jour en 2006.
  • Les photographies qui illustrent cet article ont été prises par mes soins.

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