Le haïku est une forme poétique très séduisante, par sa brièveté qui oblige à viser juste, par sa capacité à traduire des émotions fugaces et des instants fugitifs. Mais, au juste, qu’est-ce qu’un haïku ?
1. Dans la tradition japonaise
Le haïku est une forme poétique d’origine japonaise. Selon l’Encyclopaedia Universalis, il y eut d’abord le kusari-renga (« poèmes liés en chaîne »), composé de deux versets : la première était appelée hokku (et la seconde, ageku).
Le hokku comprenait trois mesures de 5/7/5 syllabes, tandis que l’ageku était chiffré 7/7. Outre ce « renga noble », les poètes japonais composèrent des renga libres, ou haikai-renga. L’Encyclopaedia Universalis précise : « L’usage de ne conserver de ces « chaînes » que les meilleurs hokku fit que l’on en vint à considérer ces épigrammes impressionnistes de dix-sept syllabes comme un mode d’expression complet en soi, et c’est ainsi que naquit le haikai-hokku ou, par abréviation, haiku. »
Les haïku :
- sont composés de trois vers
- qui possèdent successivement 5, 7 et 5 syllabes
- et traitent généralement des saisons, de la nature ou d’un instant fugitif.
Parmi les grands maîtres japonais du haïku, on peut mentionner Bashō et Ryōkan.
Pour découvrir plusieurs haïku de Ryōkan, je vous recommande l’album Sous la lune poussent les haïkus, joliment illustré, qui présente également le texte japonais (disposé verticalement) en regard d’une traduction française qui respecte généralement la métrique traditionnelle 5/7/5.
Un exemple extrait de cet ouvrage :
« La tombée du jour
Dans le jardin seulement
Le chant des insectes »
2. Dans la poésie française contemporaine
La forme du haïku a inspiré des poètes français, notamment Claudel.
- Daniel Biga dans Le sentier qui serpente (Tarabuste, 2015) nomme haïkus une succession de poèmes de trois vers, dans lesquels il s’affranchit de toute exigence métrique. En revanche, le thème traditionnel des saisons est central dans l’ouvrage, puisque ses différentes sections correspondent aux quatre saisons.
« mirage d’ourse blanche
dans la fourche
d’un arbre »
- L’inspiration du haïku est sensible également chez Jean-Michel Maulpoix, lorsque, dans Pas sur la neige (Mercure de France, 2004), il publie de brefs poèmes en italiques, intitulés « Giboulées » :
« Neige qui tombe
Du ciel
Veut y croire encoreD’où venue et pourquoi si blanche
Cette chute qui interroge
Nos pas et notre provenanceEst-il une autre chute
De si peu de poids
De tant de lumière ? »
3. Comment écrire un haïku ?
Écrire des haïkus est une bonne façon de commencer à écrire de la poésie, car la technique n’est pas très compliquée, et le résultat souvent satisfaisant. Je vous conseille de partir d’un fait précis, vécu, d’une photographie, d’un tableau. Décrivez l’instant fugace en peu de mots, en essayant de faire « tenir » le tout sur trois lignes, sans nécessairement que chaque vers ait une unité syntaxique.
Exemple personnel en m’inspirant d’un tableau de Monet :
« Le saule pleure
Les nymphéas lui sourient
Conversation de couleurs »
Ou, pour partir comme Jean-Michel Maulpoix de La Pie de Monet :
« Douceur du matin
Une pie sur la barrière
Jacasse-t-elle ?
En plus de tout ce que vous avez énuméré dans votre post, j’ajoute que le haïku aime le jeu des changements d’échelle. Roland Barthes lui consacre des pages délicieuses dans « L’Empire des signes ».
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Merci pour cette précision !
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Quelques-uns des plus beaux haikus japonais, ceux qui traduisent l’indicible…
« Le parfum des pruniers
Monté là-haut
Le halo de la lune »
Yosa Buson (1716-1783)
« Solitude
Après le feu d’artifice
Une étoile filante »
Masaoka Shiki (1867-1902)
« Eclat des lucioles
En rafales soudaines
Le pouls de ma mère »
Ishida Hakyo (1913-1969)
« Tableau de guerre atomique
Comme moi les morts ouvrent la bouche
Frisson »
Kato Shuson (1905-1993)
« Un fil d’araignée
Relie le royaume céleste
A ce monde »
Tsubaki Hoshino (née en 1930)
Sylvain Foulquier
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