Ils nous paraissent familiers, tant ils ont bercé notre enfance. Pour autant, connaissons-nous vraiment bien les contes traditionnels ? Les dessins animés leur sont-ils fidèles ? Ont-ils uniquement un intérêt pour les enfants ? La semaine dernière, je proposais un petit quiz sur les contes traditionnels : il est temps d’apporter les réponses…
1. Les auteurs de contes
Charles Perrault est l’auteur de La Belle au Bois dormant, Le Petit Chaperon Rouge, La Barbe Bleue, Le Maître Chat ou le Chat Botté, Cendrillon, Riquet à la houppe, Le Petit Poucet. Cela dit, ces contes circulaient déjà auparavant sous forme orale.
La Petite Sirène est un conte d’Andersen et La Belle et la Bête est un conte de Mme Leprince de Beaumont.
2. Oui, des contes en vers, ça existe !
Griselidis, Peau d’Âne et Les Souhaits ridicules sont trois contes de Perrault qui ont la particularité d’avoir été rédigés en vers. Eh oui, le vers n’est pas l’apanage de la seule poésie, il y eut des romans, des pièces de théâtre, et même des traités de science qui furent composés en vers !
3. Les pantoufles de verre de Cendrillon
Soyons clairs, Charles Perrault ne parlait pas de pantoufles au sens où on l’entend aujourd’hui, c’est-à-dire des chaussons d’intérieur aussi confortables que peu élégants. Il s’agissait bien de luxueuses chaussures dignes d’une princesse allant au bal.
Le texte de Perrault parle de pantoufles de verre, avec cette orthographe-là. Cette graphie a suscité toute une controverse, impliquant notamment Honoré de Balzac et Anatole France : un article entier de Wikipédia s’y intéresse. En effet, certains ont estimé plus logique qu’il s’agisse de pantoufles de vair (nom d’une fourrure), mais leur argumentation n’est pas tout à fait convaincante.
Dans l’introduction de l’édition critique des Contes de Perrault (GF-Flammarion), le spécialiste Marc Soriano penche explicitement pour le verre :
« Autre exemple d’erreur : celle qui concerne la pantoufle de verre. Sans se reporter à l’édition originale […] Balzac et Littré […] éliminent le verre comme peu vraisemblable et le remplacent par le vair, fourrure blanche, moyenâgeuse à souhait. Cette rectification inopportune a malgré tout un mérite : elle montre que le temps est venu où l’ironie de l’adaptateur n’est plus comprise ; même des lecteurs intelligents et cultivés ne voient plus qu’il s’agit d’une “menterie”, d’un conte ironique, fondé sur des impossibilités logiques. » (p. 30)
D’ailleurs, les studios Disney représentèrent effectivement Cendrillon munie de resplendissants escarpins, transparents comme du verre.
4. La fin tragique du Petit Chaperon Rouge
Désolé pour ceux qui aiment les happy endings, mais dans la version originale de Charles Perrault, il n’y a pas de sauvetage in extremis de la fillette et de sa mère-grand. Celles-ci sont belles et bien dévorées par le loup. Pas de chasseur ni aucune autre forme de deus ex machina qui permettraient d’adoucir cette fin funeste.
5. La fin méconnue de la Belle au Bois dormant
Tout le monde connaît la version de Disney : un baiser, un éveil, un mariage, et un bal. Mais chez Perrault, l’histoire ne s’arrête pas là. De ce mariage, naissent deux enfants, appelés Aurore et le Jour (quel goût dans le choix des prénoms, me direz-vous !).
Toute cette petite famille est bien heureuse, mais bon, le Prince devenu Roi a des obligations qu’imposent sa fonction, et il doit laisser femme et enfants pour aller guerroyer contre son ennemi, l’Empereur Cantalabutte. Comme c’est un mari sympa, il les laisse sous la bonne garde de sa mère qui assurera la Régence.
Le hic, c’est que sa mère est une ogresse qui adore dévorer les enfants. Mais bon, même s’il a tardé à lui avouer avoir des enfants, le Roi lui fait confiance, c’est un bon fils un peu crédule (ou complètement stupide) qui s’imagine qu’elle ne va pas lui bouffer ses gamins, quand même. Sauf que si, bien sûr.
Quelques subterfuges permettent de gagner du temps : on lui file un agneau, puis un chevreau, puis une biche, en les faisant passer pour de la viande humaine. Elle se régale sans piger le truc (faut dire qu’à la Cour, ils ont des cuistots qui savent y faire). Mais au bout d’un moment, l’ogresse entend la voix des enfants, et, pas si bête, déclare qu’on ne l’aura pas comme ça. Furieuse, elle fait remplir une grande cuve de vipères et de crapauds pour qu’on y jette la famille royale.
Heureusement, le Roi arrive in extremis pour empêcher le massacre. La Reine-mère se suicide en se jetant dans la cuve, et tout est bien qui finit bien.
6. Les Bottes de sept lieues
Ce sont des bottes magiques. Plus précisément, Perrault dit que ces bottes sont « fées », utilisant ainsi de façon adjective un mot aujourd’hui exclusivement substantif. Ce ne sont pas les bottes du Chat Botté, mais bien celles que le Petit Poucet a dérobées à un Ogre.
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Les contes, ce n’est pas que pour les enfants !
On le voit, ces contes qu’on croit si bien connaître nous réservent encore des surprises. Et, soyez-en certains, les contes, ce n’est pas que pour les enfants ! D’ailleurs, Perrault lui-même en était bien conscient, qui émaillait parfois ses contes de clins d’œil et de traits d’humour plutôt destinés aux adultes qu’à l’auditoire enfantin.
Un exemple : la Belle au Bois Dormant dit au Prince qui vient la réveiller : « Vous vous êtes bien fait attendre ». C’est peu dire, elle a quand même attendu cent ans. Et le prince « se garda bien de lui dire qu’elle était habillée comme ma mère-grand ». Ben c’est sûr que, cent ans plus tard, elle ne risquait pas d’être habillée à la dernière mode.
Cette distance ironique ajoute à la saveur de ces contes qui, après de nombreuses générations, n’ont pas pris une ride.