« La rime est une esclave et ne doit qu’obéir. »
Nicolas Boileau, L’art poétique, I, Wikisource.
La quasi-totalité des poètes contemporains a abandonné la rime. De fait, dès le dix-neuvième siècle, elle est remise en question, voire abandonnée dans les poèmes en prose de Baudelaire ou dans les vers libres de Rimbaud. Et c’est bien par choix, et non par facilité : Baudelaire comme Rimbaud ont suffisamment fait montre de leur génie en poésie rimée pour qu’on n’en puisse pas douter. Alors, pourquoi cet abandon de la rime ?
1. Rimer, c’est pour frimer ?
Loin d’y voir une facilité, peut-on au contraire considérer l’abandon de la rime comme un refus de la facilité ? Après tout, la rime n’est-elle pas un moyen somme toute assez commode, pourvu d’être accompagné d’un bon dictionnaire des rimes, de procurer à son poème une musicalité bon marché ?
2. La rime, ça vous opprime ?
La rime, c’est aussi et surtout une tradition séculaire. Or, au XIXe siècle, siècle des révolutions, on se rend compte qu’on ne peut plus écrire comme on le faisait dans l’Ancien Régime. Il paraît que Hugo disait : « Je veux être Chateaubriand ou rien ». Il n’a pas dit « Je veux être La Fontaine ». Sans doute la rime a-t-elle été, en tant que tradition, perçue comme un carcan contraignant dont il fallait s’affranchir.
3. Pas de prime pour les rimes !
Loin d’être utilisée seulement par les poètes, la rime l’est aussi par… les publicitaires. Voyez les échos phoniques qu’il y a, par exemple, dans « Haribo c’est beau la vie, pour les grands et les petits », dans « Du pain, du vin, du boursin, tout va bien », dans « Carglass remplace », et ainsi de suite. Et les poètes n’ont sans doute pas envie de passer pour des commerciaux !
4. Alors, rimer, c’est périmé ?
Est-ce à dire que la rime serait surannée ? Pas si vite ! Déjà, certains poètes, même parmi les contemporains, y recourent toujours. Mais surtout, celle-ci peut se retrouver sous d’autres formes. Certes, on ne parlera plus de rimes. Mais le souci de rapprochements phoniques entre les mots n’a pas, lui, disparu. « Emma aimait le bleu », écrit Jean-Michel Maupoix dans Une histoire de bleu. Nulle rime ici, mais un admirable travail sur les sons malgré tout.
Et la rime, la vraie rime, dirons-nous ? Souvenons-nous qu’elle ne servait pas seulement à accompagner le sens : elle pouvait parfois au contraire provoquer la surprise, en appariant des mots qu’on ne s’attendrait pas, du point de vue du sens, à voir associés.
Alors, la rime, périmée ou pas ? Faut-il la sauver ou l’oublier ? C’est à vous de donner votre avis !
(Image d’en-tête : source Pixabay, images libres de réutilisation)

Deux commentaires … le premier : le dictat de ceux qui se considèrent comme de « vrais poètes » parce qu’ils « riment » et surtout passent leur temps à compter les syllabes. Oniris.be en est un exemple, ce n’est qu’un forum il est vrai…. deuxième : je trouve que beaucoup de textes écrits en « libre » ou prose poétique aujourd’hui n’accordent pas suffisament d’importance – malgré tout- à la musicalité, à la construction sonore de leurs phrases ou vers.
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