« Les aveugles » de Charles Baudelaire

Rubrique « Le poème d’à côté »

Le poème d’à côté

C’est aujourd’hui avec Charles Baudelaire que je m’apprête à inaugurer une nouvelle catégorie d’articles que j’intitulerai « le poème d’à côté ». Le principe est simple : il y a des poèmes très connus, présents dans presque toutes les grandes anthologies, fréquemment étudiés à l’école. Eh bien, je vous présenterai le poème d’à côté, c’est-à-dire le poème qui le suit ou le précède dans le recueil publié par le poète.

Un poème très célèbre : « À une passante »

L’un des plus célèbres poèmes des Fleurs du mal est ainsi « À une passante », magnifique sonnet tout entier centré sur la vision fugitive d’une passante dans la « rue assourdissante ». Le dernier vers est particulièrement marquant : « Ô toi que j’eusse aimée, ô toi qui le savais ! ».

Lien vers une explication de ce poème

Le poème d’à côté : « Les aveugles »

Le poème qui le précède s’intitule « Les aveugles », et c’est le quatre-vingt-douzième du recueil :

« Contemple-les, mon âme ; ils sont vraiment affreux !
Pareils aux mannequins ; vaguement ridicules ;
Terribles, singuliers comme les somnambules ;
Dardant on ne sait où leurs globes ténébreux.

Leurs yeux, d’où la divine étincelle est partie,
Comme s’ils regardaient au loin, restent levés
Au ciel ; on ne les voit jamais vers les pavés
Pencher rêveusement leur tête appesantie.

Ils traversent ainsi le noir illimité,
Ce frère du silence éternel. Ô cité !
Pendant qu’autour de nous tu chantes, ris et beugles,

Éprise du plaisir jusqu’à l’atrocité,
Vois ! je me traîne aussi ! mais, plus qu’eux hébété,
Je dis : Que cherchent-ils au Ciel, tous ces aveugles ? »

Si ce poème commence par une présentation péjorative des aveugles (« ils sont vraiment affreux »), c’est pour mieux permettre ensuite de renverser complètement ce point de vue. La forme du sonnet se prête bien à ce genre de renversements :

  • le premier quatrain développe cette présentation péjorative ;
  • le deuxième quatrain se fait plus descriptif ;
  • ensuite, dans le premier tercet, Baudelaire apostrophe la Cité, qu’il prend à témoin ;
  • et c’est dans le dernier tercet que s’opère le renversement final, où le poète se détache de l’opinion de la Cité, pour finalement apparaître comme un semblable des aveugles, « plus qu’eux hébété ».

Le poète se place donc du côté des aveugles. Il associe même la condition de poète à celle des aveugles, pour suggérer que, comme eux, le poète est un incompris, un exclu, une personne qui se sent différente de ses semblables.

En définissant le « noir illimité » comme « ce frère du silence éternel », Baudelaire magnifie les aveugles, comme si ces derniers avaient accès à un univers plus vaste (« illimité », « éternel ») que les simples mortels. Les aveugles apparaissent comme des personnes capables de lire dans le « Ciel », de déchiffrer l’absolu. Autant de qualités que revendique le poète.


(Image d’en-tête : Portrait de Baudelaire par Carjat, Wikimedia Commons, libre de réutilisation)

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12 commentaires sur « « Les aveugles » de Charles Baudelaire »

  1. Grotesque! Baudelaire était presque certainement impuissant et vierge d’où ses fantasmes « la jeune géante », »la négresse,etc;2 Baudelaire était un menteur pathologique:lire « mon coeur mis à nu » où pour une fois il ne ment pas comme: »être plus gentil avec Maman »-mimi!3 Baudelaire n’a jamais « vu » que sous l’emprise du haschich: »les paradis artificiels »; 4 Baudelaire n’a aimé qu’une femme,sa mère-voir plus haut; 5 Baudelaire n’a écrit qu’une oeuvre lisible,outre « mon coeur »: »fusées » ,et ses traductions de Poe ,un maniaque à moitié fou,auquel il n’ a rien compris:les poèmes de Poe ont une construction mathématique très sophistiquée,impossible à traduire en français sans les dénaturer; 6 Baudelaire a des goûts en peinture détestables:voir ses « salons » où il s’extasie devant des croûtes; 7 Baudelaire a écrit un livre très drôle : »pauvre Belgique »,du niveau des histoires belges; 8 Baudelaire a fini bon catholique: »Seigneur,faites-moi voir mon corps et mon coeur sans dégoût ».Quant à vous « peut beaucoup mieux faire » et « tapez dans le mille »-pas à côté de la plaque-Claudel,par exemple!PS je défie qui que ce soit sur ce site de connaître mieux que moi la poésie française de 1870 à 1970-comme la metaphysique,la philosophie,les religions,la littérature en général,la physique moderne,l’astrophysique,la biologie,l’histoire,la politique,l’économie ,etc;

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    1. Les Fleurs du Mal restent un recueil fondateur pour toute la modernité poétique. Et le Spleen de Paris, en prose cette fois-ci, est également un ouvrage très agréable…

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  2. Grâce à vous,j’y suis abonné mais sachez que ni la poésie ni la littérature ni quoi que ce soit n’est une idole-boulede merde-traduction réellecdu mot hébreu par ClaudeTresmontant- pour moi,quoique les connaissant fort bien,comme,parfois,leurs impostures,mais seul croyant au Dieu vivant et vrai dont l’art et tout le reste n’est qu’un reflet,lumineux ou obscur,c’est selon!

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