Sur le podium des dramaturges français du XVIIe siècle les plus lus et les plus enseignés, on retrouve assurément Racine, Corneille et Molière, dont le génie n’est plus à démontrer. Mais au-delà de ces trois figures emblématiques, il existe une foule d’auteurs moins connus.
Le trio de tête
N°1 sur notre podium, Racine, inspiré par le jansénisme, excelle dans la mise en place d’une intense tension tragique, dans un cadre épuré où le langage lui-même occupe le premier rôle. On a parfois l’impression que les fameuses règles classiques ont été inventées pour lui, tant il sait en tirer le meilleur parti. Chez Corneille, le sujet est davantage politique ou moral, si bien que l’expression de « choix cornélien » est entrée dans le langage courant. Enfin, Molière est l’auteur comique par excellence. S’il a écrit des farces, il a aussi prétendu à élever le genre de la comédie à la même dignité que celui de la tragédie, comme en témoignent ses pièces en vers.
Au-delà, un champ méconnu
Il n’y a donc rien d’étonnant à ce que ces trois dramaturges soient les plus lus et les plus enseignés de leur siècle à l’école. Pourtant, ils ne constituent que la partie émergée d’un iceberg bien plus vaste, et qui demeure un champ méconnu du grand public. Il faut savoir que les principes et les règles du théâtre classique, tels qu’ils ont été définis par les doctes du XVIIe siècle, n’ont été pleinement appliqués que pendant l’apogée du classicisme. Le siècle est loin de s’y résumer, et leur mise en place, progressive, n’a pas fait d’emblée l’objet d’un consensus. On trouvera donc des pièces dont l’action dépasse largement les vingt-quatre heures, se produit en des lieux différents, voire ne consiste pas en une action unique. Et de même que le XVIIe siècle ne se résume pas au règne de Louis XIV, le théâtre de l’époque ne se limite pas au classicisme. Les spécialistes parlent d’une esthétique « baroque ».
L’encyclopédie en ligne Wikipédia recense 96 articles dans la catégorie « Dramaturge français du XVIIe siècle ». C’est dire l’étendue de la partie immergée de cet iceberg littéraire.
Jean de Rotrou

Un auteur qui vaut assurément le détour est Jean de Rotrou, auteur de la première moitié du XVIIe siècle. Son Antigone est fort intéressante en ce qu’elle intègre non seulement l’histoire d’Antigone, mais aussi celle de ses frères Etéocle et Polynice avant leur mort. J’ai également lu son Iphigénie, dont je me souviens surtout d’une scène mémorable, où le dialogue entre Agamemnon et sa fille Iphigénie, entièrement construit en répliques d’un seul vers (on parle de stichomythies), repose sur un double malentendu : Iphigénie croit qu’on va célébrer un mariage alors que c’est son propre sacrifice qui se prépare, et Agamemnon s’imagine que sa fille a compris de quoi il s’agit.
La Virginie de Mairet
J’ai également eu l’occasion de lire et d’étudier la Virginie de Jean Mairet, dont vous pourrez trouver le texte sur le site « Gallica » de la BNF. Comme je l’ai déjà raconté dans un précédent billet, lorsque j’étais en Master, l’un de mes professeurs, Hélène Baby, nous a invités à travailler sur cette tragi-comédie méconnue, qui n’a plus été imprimée ni jouée depuis le XVIIe siècle. Nous nous sommes initiés au travail d’édition critique de la pièce, et nous avons réfléchi à la façon dont elle avait pu être jouée à l’époque, compte tenu de ce que l’on sait des pratiques de l’époque en matière de décors et de mise en scène. C’est une pièce fort plaisante, agréable à lire, non dénuée de suspense, d’action et d’humour.
Ce n’est pas la moindre des satisfactions que procure l’étude de la littérature française, que de découvrir des œuvres fort intéressantes et pourtant très peu connues.
Et vous, connaissez-vous d’autres dramaturges français du XVIIe siècle ? N’hésitez pas à réagir dans les commentaires !
(Image d’en-tête : Molière, par Coypel, Domaine public, Wikimedia Commons)
9 commentaires sur « Le théâtre français du XVIIe siècle ne se résume pas à Racine, Corneille et Molière »